Chapitre 5 : Mission distraction.

14 6 2
                                    

NaSoon souffla, ravie. C'était déjà mieux que « Moi Tarzan, toi Jane ». Entendre sa voix, douce et grave, bien différente de celle de Yuta, lui faisait le plus grand bien. Elle avait retrouvé son rempart vers la réalité, elle devait maintenant s'y accrocher de toutes ses forces pour ne pas replonger dans les ténèbres.

- Et qu'est-ce que tu fais, après manger, KiMoon ? sourit-elle avec un air faussement joyeux.

- Je fais le ménage, répondit-il d'une voix très sérieuse.

Ah.

NaSoon avait imaginé une activité un peu plus excitante, comme aller couper du bois ou observer les oiseaux. Mais le ménage, c'était distrayant aussi.

- On commence par quoi ? s'intéressa-t-elle.

KiMoon sourit, apparemment heureux d'avoir trouvé une coéquipière. Il s'empara des bols et de la marmite sales et fit le chemin inverse, vers la cabane, NaSoon sur les talons. Alors que la jeune femme n'avait vu aucune poignée quand elle avait toqué, KiMoon ouvrit du pied pour s'insérer à l'intérieur comme si de rien n'était. La jeune femme jeta un œil à ce lieu de vie, inspirée par cette nouvelle distraction. 

L'intérieur de la cabane était bien plus accueillant que la blancheur immaculée des rondins. Il avait des allures de chalet, avec des meubles entièrement en bois et une cheminée qui prenait une bonne partie de l'espace. NaSoon ne vit pas de lit, mais un énorme tas de couvertures, probablement tricotées à la main. Elle les regarda avec envie en se rappelant le froid de la veille. Si elle était discrète, peut-être pourrait-elle en voler une pour la nuit à venir. Les étoiles seraient encore plus belles, bien au chaud sous une couverture. 

La cabane était aussi petite qu'elle l'avait jugée, une sorte de studette-chalet des bois, aussi mystérieuse et féérique que le reste de ce coin de forêt et ses habitants. Le chat léopard passa entre les jambes de NaSoon avec un miaulement sonore pour se précipiter vers le tas de couvertures et s'y blottir. 

KiMoon réapparut, un sceau en bois rempli d'eau dans les bras. NaSoon n'avait pas remarqué de point d'eau dans la cabane, mais elle n'eut pas le temps de s'interroger, le garçon s'attelait déjà à faire la vaisselle, sans noter que leur distance était bien moindre que celle qu'il avait entretenu dehors.

NaSoon avait l'impression d'avoir poursuivi le garçon toute la journée, comme un poussin qui tentait de suivre le pas derrière sa mère. Elle avait fait de son mieux pour s'intéresser à ses différentes activités. Le récurage de la maison avait occupé une bonne partie de leur temps. Ils avaient passé tellement d'heures à genoux, à guetter la moindre tâche, que NaSoon se demandait comment les habits du locataire des lieux pouvaient toujours avoir la même blancheur impeccable. Elle en était venue à la conclusion que s'il lavait ses vêtements avec le même entrain que sa maisonnée, peut-être qu'ils avaient fini par ne plus pouvoir se salir. 

KiMoon s'était un peu ouvert au cours de la journée. Non pas qu'il ait entamé la discussion, mais NaSoon avait eu droit à quelques sourires maladroits de plus en plus sincères de sa part. Elle avait espéré à de nombreuses reprises pouvoir à nouveau l'entendre parler, mais rien à faire, KiMoon avait persisté à se murer dans le silence. Peut-être que les quelques mots qu'il avait prononcés avaient été contraires à un vœu de quiétude. NaSoon ne se formalisait pas de son manque de réponses, il n'avait pas manqué de réactions et il comprenait ce qu'elle disait, ça lui suffisait. C'était un parfait entre-deux entre la solitude qu'elle recherchait avidement et la distraction dont elle avait besoin. 

KiMoon épaississait de plus en plus le mystère quant à son train de vie. NaSoon en restait toujours à sa première interrogation : D'où sortait ce type ? Qui pouvait bien vivre dans une forêt aussi célèbre depuis, semblait-il, toujours, sans compagnie aucune, et avec de tels vêtements ? Sortait-il de temps en temps ? Où trouvait-il ses habits et un coiffeur ? NaSoon n'en avait aucune idée, elle mourrait d'envie de lui poser des tonnes de questions, mais malheureusement, les qualités silencieuses du garçon avaient leurs limites, elle ne pourrait pas obtenir ces réponses tant désirées. 

Quand la brume tombeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant