Quand la brume tombe

Chapitre 16 : La poêle à frire.

La salle d'entraînement du dojo était vide, bercée par les dernières lueurs du jour. 

L'immense pièce rectangulaire était rarement aussi calme à cette heure-ci, et NaSoon en profita pour s'allonger sur le parquet et observer les lattes du plafond, pas encore décidée à rejoindre ses colocataires. 

Elle était toujours perturbée et soulagée par la tournure des événements. La jeune femme avait l'impression d'avoir été une véritable girouette, durant la semaine écoulée, passant d'une certitude à une autre et accomplissant les pires décisions possibles. 

Seule la conversation avec sa mère, bien qu'elle eût pris une issue imprévue, lui donnait le sentiment d'avoir agi de la bonne manière. 

Maintenant qu'elle avait osé élever la voix, crier ses sentiments, elle se sentait plus libre. C'était peut-être cette liberté nouvellement acquise et sa capacité à être têtue comme une mule qui avaient bousculé ses choix sentimentaux, ces derniers jours.

Des mèches grises envahirent son champ de vision pour se poster au-dessus d'elle. KiMoon était debout, les yeux arrondis dans une expression curieuse, à la voir allongée là. 

Même la tête à l'envers, ses mimiques si uniques restaient toujours aussi drôles et attachantes.

- TaePyeong m'a envoyé en éclaireur, expliqua-t-il. Il s'inquiétait que ChulHei te viole sur le perron. Mais je n'ai pas eu le sentiment que c'était un criminel...

- Non, TaePyeong est juste un idiot, marmonna NaSoon avec un sourire en coin.

- Qu'est-ce que tu fais ? Tu médites ? l'interrogea KiMoon, comme si la question lui brûlait la langue depuis son entrée dans la salle.

- Je viens de me faire larguer, grimaça l'étudiante. J'essaie de comprendre le sens de ma vie.

Le garçon la scruta sans mot dire, comme s'il cherchait à détecter si elle plaisantait ou disait la vérité.

- Il ne veut plus être avec toi ? demanda-t-il.

- Seulement pour bouffer des sushis.

- Ah, je l'aimais bien pourtant, je le trouvais amusant, dit KiMoon en fronçant les sourcils.

Le pire, c'était qu'elle était sûre qu'il était sincère. Ça lui faisait plaisir, qu'il s'entende bien avec les deux hommes les plus importants de sa nouvelle vie. 

Ça lui donnait envie de lui présenter SongKi et MeJoo. Enfin quand celle-ci se remettrait de sa relation avortée avec ChulHei. Mais elle avait hâte de voir la tête du garçon quand il verrait l'abominable chevelure de SongKi. 

KiMoon sembla hésiter, puis il s'allongea finalement à ses côtés. 

Comme ça, NaSoon pouvait imaginer qu'ils étaient de retour au sein de l'arceau verdoyant de la forêt de Bijarim, à observer les nuages. 

Elle devrait peut-être proposer à TaePyeong de repeindre le plafond du dojo...

- Est-ce que c'est ma faute ? se renseigna KiMoon d'une petite voix.

- C'est surtout de la mienne, rétorqua NaSoon. Mais ça aurait peut-être fini comme ça aussi, si tu n'avais pas été là.

Personne ne pouvait le savoir, la jeune femme n'allait pas émettre de probabilités sur les mondes possibles où son histoire d'amour avec ChulHei aurait fonctionnée.

- Je suis désolé, murmura KiMoon. Je ne suis jamais passé par là, mais j'ai appris que les humains aimaient le chocolat, dans ces moments de tristesse.