Ange et Boule de Neige

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Vous avez sans doute remarqué que les prénoms des deux fils Preston s'apparentent fortement à Noël. Béatrix Preston voue un véritable culte pour cette période de l'année. Il n'y a qu'à regarder cet immense sapin qui trône fièrement dans le hall d'entrée, et toutes ces décorations qui fleurissent dans chaque recoin de la maison, pour en être convaincu.

En ce qui concerne les prénoms...

Chris porte bien le sien. Il n'est peut-être plus l'homme de ma vie, mais je dois avouer qu'il a toujours été prévenant et attentionné.

Pourquoi m'a-t-il caché son homosexualité autant d'années ? Je n'en ai aucune idée. Sans doute pour éviter de me briser le cœur. Un vrai gâchis, pour lui comme pour moi !

Ange !!! Il n'a de féérique que son prénom. L'être qui se cache dessous est ignoble, pervers et sans cœur.

— Et si tu aidais Nicole à monter ses bagages ! s'exclame Béatrix, à l'intention de son fils. Je dois aller vérifier la cuisson de mes sablés.

Elle file aussi vite, me laissant en proie à cet espèce de goujat. Je souffle en avançant vers l'escalier.

— Donne-moi ça ! Je vais le poser dans ta chambre !

Un sourire charmeur sur les lèvres, Ange me débarrasse de ma valise. J'en reste scotchée. Perplexe, je le suis. Dans trente secondes, je vais avoir droit à une de ces remarques acerbes dont lui seul a le secret.

— Tu m'en veux encore ? lance-t-il en me jetant un œil par dessus son épaule.

Je fais un rapide inventaire de toutes les crasses qu'il a pu me faire. Me couper les cheveux. Balancer de l'encre sur ma belle robe blanche. Me rouler dans la neige. Cette dernière déconvenue l'a bien fait rire et m'a valu ce ridicule surnom de Boule de Neige. Face à mon silence, il ajoute :

— Je suis désolé ! Je n'étais vraiment qu'un sale con !

Je stoppe, interdite.

— C'est une caméra cachée ?

Il se retourne vers moi et éclate de rire.

— Non ! Je fais juste mon mea-culpa !

Je lâche un couinement cynique.

— Tu t'es fait lobotomiser ? Un électrochoc peut-être ? Attends, je sais ! Tu es devenu amnésique !

Deuxième éclat de rire.

— Rien de tout ça ! J'ai changé !

Il hausse nonchalamment les épaules et continue de grimper les escaliers. Je reste dubitative.

Lui, Ange Preston ! Une autre personne ?

Est-ce que cette année, passée à virevolter de pays en pays, aurait révélée sa part d'humanité ? Non ! Impossible !

Nous longeons le couloir du premier étage. Là aussi, la décoration bat son plein. Mais ce qui m'attire, c'est cet homme qui me précède et dont j'ignore encore le sombre dessein. Méfiante, je relance le débat :

— C'est quoi l'arnaque ? Tu m'as fait la misère pendant de longues années, et tout à coup, tu te transformes en mec sympathique. Je te connais suffisamment pour déceler un de tes coups foireux, Preston !

Pour réponse, je n'ai le droit qu'à un soupir agacé. J'accélère le pas pour le dépasser et me plante devant lui.

— Déballe ton sac ! attaqué-je, en posant ma main contre son torse.

Miracle ! Un cœur bat sous cette carapace ! Des battements saccadés qui me font un drôle d'effet. Il inspire profondément avant de planter ses yeux verts dans les miens.

Waouh ! Je n'avais jamais prêté attention à la couleur émeraude de ses prunelles. Sans que je m'y attende, je m'y noie sans aucune retenue.

Qu'est-ce qui t'arrive, Nicole ?

— C'est si compliqué pour toi de me voir différemment ? insiste-t-il, les traits tirés.
— Oui, ça l'est ! Tu as toujours été détestable et te voilà en train de minauder. J'ai du mal à te faire confiance.

Il esquisse un faible sourire.

— C'est cette escapade à travers le monde qui t'a remis sur le droit chemin ? enchaîné-je, curieuse de connaître la raison de ce brusque changement.
— Je vais me marier ! annonce-t-il de but en blanc. Ici ! Le jour de Noël !