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Un peu chamboulée par le regard d'Ange, je coupe cours à notre conversation.

— Je vais rejoindre Chris ! avancé-je en passant près de lui.

Je le frôle par inadvertance. Ce n'est pas la première fois que cela se produit, pourtant, aujourd'hui, je frisonne. Une fragrance de bois de cèdre se faufile par la même occasion dans mes narines.

Depuis quand son odeur me perturbe de la sorte ?

Il n'y a aucune raison pour que je réagisse comme une collégienne. Ce n'est que Ange, le gars qui m'a pourri la vie des années durant. La fatigue me fait perdre tout bon sens.

Reprends-toi, Nicole ! Respire !

J'écoute ma raison, elle est souvent d'excellent conseil, et cache mon trouble sous un air détaché. Les jambes molles, je regagne le couloir. La présence d'Ange, à moins d'un mètre de moi, n'arrange en rien cette foutue sensation, je suis à fleur de peau. Ce que j'aperçois en posant mon pied sur la première marche des escaliers, me fait stopper net.

Je n'arrive pas à y croire !

Chris est non seulement accompagné d'un garçon, mais il l'embrasse à pleine bouche au beau milieu du hall d'entrée.

Je ne sais pas si je dois rire, pleurer ou vomir.

Incapable de gérer mes sentiments, je fais volte-face pour pouvoir me réfugier dans ma chambre, mais je bute contre un torse puissant. Deux mains enserrent mes bras. Je lève les yeux et, perturbée, j'interroge Ange du regard. Un air confus sur le visage, il déclare :

—Il est temps qu'il fasse son coming out, tu ne crois pas ?

Ma bouche dessine un O parfait. Depuis quand est-il au courant de l'homosexualité de son frère ? Comme s'il avait compris ma question muette, il ajoute :

— Je l'ai toujours su !

Je le repousse brutalement, anéantie par cette révélation, mais Ange me rattrape.

— Attends !

Je me dégage sans ménagement, plus en colère que jamais.

— Pourquoi ne m'as-tu jamais rien dit ? craché-je, un chouya énervée.
— Tu étais folle de lui. Et tu ne m'aurais pas cru de toute façon !

Je reste interdite. Ce que je distingue dans le fin fond de ses iris vertes me bouleverse plus que je ne l'aurais imaginé.

Du regret !

Je n'ai pas le temps de m'attarder sur ce détail, qu'Ange me prend la main.

— La mascarade est terminée, tu es libre maintenant !

Je suis brusquement soulagée, comme si l'on venait de m'arracher une énorme épine du pied. Cependant, je cherche à clarifier deux trois blancs.

—Tes parents sont au courant aussi ?

Il hoche la tête.

— Pourquoi m'a-t-elle fait venir alors ? Je ne vois pas l'utilité de ma présence ici ! développé-je, en secouant la tête.
— Tout le monde t'apprécie, tu fais presque partie de la famille. Est-ce que cette réponse te convient ?

Il n'a pas tort. Les Preston sont ma famille de substitution. Ils m'ont toujours accueilli comme si j'étais leur propre fille, surtout Béatrix. Le fait de n'avoir eu que des garçons à tissé des liens différents entre nous. Pourtant, je riposte :

—Mais pas toi, Ange ! Tu m'as toujours détestée !
— Non ! C'est faux !
— Tu as une façon bien à toi de me le prouver.
— Je voulais simplement que tu me remarques. Tu n'avais d'yeux que pour Chris.

Son air de petit garçon sage me prend au dépourvu. Je déglutis. Je sais plus quoi penser de tout ce qui se passe depuis mon arrivée. Tout me semble bizarre.

Je suis peut-être en plein rêve ?

Pour en attester, je me pince discrètement le bras.

Aïe ! Je suis bien réveillée !

—Je suis perdue, Ange ! Tout ceci me perturbe !

Il resserre la pression sur ma main, et capture mon regard.

— Chasse le passé et ouvre les yeux, Nicole !

De moins en moins convaincue par sa démonstration, je soupire.

— Et qu'est-ce que je suis censée voir ?
— Moi ! lance-t-il, spontanément.

Ange et Boule de NeigeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant