Chapitre 6

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Louis m'ouvre la portière de son Audi noire 4 x 4 . C'est un tank. Il n'a pas fait allusion à son accès de passion dans l'ascenseur. Dois-je aborder le sujet ou bien faire comme s'il ne s'était rien passé ? Mon premier vrai baiser me semble irréel ; à chaque minute qui s'écoule, il prend une dimension toujours plus mythique, comme les légendes des chevaliers de la Table ronde ou de l'Atlantide. Ça n'est pas arrivé. J'ai dû tout imaginer. Non. Je touche mes lèvres encore meurtries. C'est vraiment arrivé, j'en suis certain. Je suis un autre homme. Je désire cet homme à la folie, et il m'a désiré.
Mais Louis est redevenu poli et distant. Je n'y comprends rien.
Il sort la voiture en marche arrière de sa place de parking et allume la sono. L'habitacle se remplit d'une musique enchanteresse, deux voix de femmes. Waouh... dans l'état de bouleversement où je suis, elle me remue tellement que j'en ai des frissons. Louis prend Southwest Park Avenue. Il conduit avec une assurance nonchalante.

— C'est quoi, ce morceau ?

— Le « Duo des fleurs » de l'opéra Lakmé de Delibes. Vous aimez ?

— C'est sublime.

— En effet.

Il sourit en me jetant un coup d'œil et, pendant une seconde, il fait son âge : jeune,
insouciant, beau à mourir. Et si c'était ça, la clé ? La musique ? J'écoute ces voix angéliques qui m'enjôlent.

— Je peux l'écouter encore ?

— Bien sûr.

Louis appuie sur un bouton et la musique me caresse de nouveau, assaut délicat,
lent et doux sur mes sens.

— Vous aimez la musique classique ? lui dis-je en espérant apprendre quelque chose
sur lui.

— J'ai des goûts éclectiques, Harry. Ils vont de Thomas Tallis aux Kings of Léon.
Tout dépend de mon humeur. Et vous ?

— Moi aussi. Même si je ne connais pas Thomas Tallis.

Il se tourne vers moi un instant.

— Je vous ferai écouter ça un de ces jours. C'est un compositeur anglais du xve siècle.
Époque Tudor. Musique chorale d'église. Ça fait très ésotérique, comme ça, je sais, mais c'est magique.

Il appuie sur un bouton et les Kings of Léon se mettent à chanter. Hum... Ça, je connais. Sex on fire : un choix pertinent. La musique est interrompue par une sonnerie de téléphone. Louis presse un bouton sur le volant.

— Tomlinson.

Une voix rauque et désincarnée surgit des haut-parleurs.

— Monsieur Tomlinson, ici Welch. J'ai l'information que vous m'avez demandée.

— Très bien. Envoyez-moi un mail. Autre chose ?

— Non, monsieur.

L'appel prend fin et la musique revient. Ni merci ni au revoir. Je suis heureux de ne jamais avoir envisagé de travailler pour lui. Rien que l'idée me fait trembler. Il est trop autoritaire et froid avec ses employés. La musique est de nouveau interrompue par le
téléphone.

— Tomlinson.

— L'accord de confidentialité vous a été envoyé par mail, monsieur Tomlinson, annonce une voix féminine.

— Très bien, Andréa. Ce sera tout.

— Bonne journée, monsieur.

Louis raccroche en appuyant sur le bouton du volant. La musique revient
brièvement avant que le téléphone ne sonne de nouveau. Qu'est-ce que c'est emmerdant... C'est ça, sa vie ? Des coups de fil à tout bout de champ ?

CINQUANTE NUANCES DE TOMLINSONOù les histoires vivent. Découvrez maintenant