Les nécromanciens d'Ostrie

VII/ Le château dans les montagnes

7e chapitre, avec un peu d'architecture pour changer de la magie noire et des cauchemars.

Alessa Von Hardrasdottir

« Qu'importe les lieux, il semble que nous revenions toujours aux vieux démons de l'Ostrie. » Déclare ma maîtresse en observant la forteresse de Steinfrei d'un air intrigué, réjouit de retourner en cet endroit maudit.

Steinfrei est un château de conte de fées. C'est la description la plus adaptée qu'on puisse en faire.

Malgré mon inculture historique, il me suffit d'un coup d'œil pour comprendre que c'est un caprice de noble plutôt qu'une fortification stratégique. Bâti au sommet d'une montagne qui a été soigneusement dynamitée pour l'aplanir quelque peu, le château voit la plupart de ses fenêtres donner sur le vide. L'ensemble n'a pas vocation à la guerre, mais au repos. On s'en rend vite compte en marchant à l'intérieur : la pierre blanche, les toits en ardoise, l'architecture qui imite à la perfection un ouvrage des temps anciens.

Cet endroit est le fantasme secret d'un architecte à qui on aurait donné carte blanche, pour exaucer le souhait irréel d'un riche seigneur.

Contrairement aux autres qui discutent dans la cour centrale, je ne m'intéresse guère aux grimoires que nous cherchons : c'est encore une fois des discussions d'experts et si je suis invitée à écouter, je n'ai pas l'expérience pour tout comprendre. Alors, quitte à gaspiller mon temps, autant le dépenser en jolis souvenirs : je m'accoude au rebord d'une fenêtre et observe le paysage.

Tout autour de nous, ce sont des montagnes recouvertes de sapins, dans la forêt noire qui recouvre tout l'est du territoire, se trouve le château de Steinfrei. Malgré l'automne, le ciel est bleu, les températures sont acceptables et j'ose le penser : je me sentirais princesse, si ce n'était pour le couteau à ma ceinture.

Il n'est pas donné à tout le monde de voir une œuvre d'art comme celle-ci, encore moins de marcher en son sein.

« Tu profites de la vue ? » Demande ma mentor, quelque pas derrière-moi.

« Pour une fois, nous sommes loin de l'hôpital. Le panorama est magnifique.

-Il l'est. Les terres alentour servaient pour des parties de chasse. Elles ont été conservées intactes. Tu remercieras le prince amoureux qui a construit cette demeure pour sa fiancée.

-Quel homme ! Il devait être épris de sa belle.

-Assez pour casser sa tirelire, oui. Le château a été bâti en une décennie. » Elle me rejoint et s'accoude elle aussi contre le rebord. « Grimm pourrait t'en dire plus, c'est lui le féru d'architecture, mais pour ma part, je n'ai guère d'intérêt pour les vieilles pierres.

-Celles-ci sont particulièrement belles.

-En effet, suffisamment pour faire vibrer ma corde sensible, pas assez pour éveiller ma curiosité. C'est un travail qui mérite le respect, ni plus ni moins.

-Tant de détachement pour une magicienne qui a traversé les âges. » Vona ne dit rien, elle se contente d'un haussement d'épaule. « Il y a une histoire derrière cet endroit, n'est-ce pas ? Un lien avec la guerre.

-Non. » Répond ma maîtresse d'une voix pleine de regrets, d'une moue qui déteste le présent et pense avec nostalgie du passé, elle me raconte, « c'est... difficile à décrire. La guerre a du sens pour définir les générations d'aujourd'hui. Il y a ce pathos du conflit sanglant que nous regrettons tous. Disons que le château de Steinfrei, va en opposition totale avec ce narratif. Son histoire est celle de la nécromancie en Ostrie. Certes, il a été utilisé comme quartier général par des nécromanciens durant le conflit. Mais c'est une virgule dans son histoire. De tout temps, dès sa création, il y a des mages qui l'ont habité. »