J'ai pas eu l'occasion de beaucoup écrire ces derniers mois, alors je me suis dit que pour m'y remettre progressivement j'allais écrire un petit texte qui prend place dans l'univers du roman que j'écris.
***
À force de ne pas vouloir fermer complètement ses volets, Lee se réveillait toujours aux aurores, dès que le soleil commençait à darder ses rayons au travers de la vitre. La lumière d'aujourd'hui était différente, et, curieux, il passa sa tête dehors une fois sur ses pieds. Le froid l'avait surpris, mais les flocons qui tombaient du ciel, tapissant la ville de blanc étaient suffisants pour qu'il oublie la morsure du vent. La fenêtre sitôt refermée, il s'était précipité dans la chambre que partageait Kyris et Lizzy.
D'ordinaire, Lizzy se réveillait grâce au son strident de son réveil. Cette fois-ci il était éteint, elle avait mérité un jour de repos. Son visage était enfoui dans les cheveux pour une fois détachés de Kyris. Toutes les conditions étaient réunies pour passer une bonne nuit de sommeil reposante. C'était sans compter sur l'énergie débordante de Lee qui fit irruption dans la pièce, sans avoir pris le temps de vérifier si toquer à la porte avait eu un quelconque effet.
— Il a neigé ! C'est tout blanc dehors !
En entendant sa voix, Kyris se leva d'un bond, encore engluée dans son sommeil et persuadée qu'il s'agissait d'un intrus. En face d'elle il n'y avait que Lee, tout sourire, et l'adrénaline descendit.
— Putain Lee tu refais plus jamais ça.
Sa main était crispée sur son cœur, et sa respiration bien trop rapide pour quelqu'un qui venait de se réveiller. Le sourire du plus jeune se transforma en une grimace désolée.
— Pardon, je pensais pas que j'allais vous faire peur.
Kyris leva les yeux au ciel, puis repoussa les couvertures, achevant de réveiller Lizzy qui n'avait été que peu impactée par cette entrée fracassante.
— Tant pis, bon tu nous la montre cette neige ?
Elle avait attrapé un sweat et se battait avec pour l'enfiler. Content de voir que l'ancienne militaire ne lui en voulait pas, Lee pointa la fenêtre du doigt.
— Tu peux voir par toi-même ! Y en a vraiment partout.
Joignant le geste à la parole, il s'approcha et effleura du doigt la commande qui actionnait l'ouverture des volets. Ils couinèrent, grincèrent mais finirent par s'ouvrir, dévoilant le paysage sous les yeux encore ensommeillés des deux femmes. Le temps s'était suspendu, les grands bâtiments aux fenêtres aveugles paraissaient moins austères ainsi recouverts d'une fine pellicule blanche.
— C'est beau... murmura Lizzy, son bras passé autour de la taille de sa compagne.
— Oui, lui répondit-elle. On va voir ça de plus près ?
— Avec joie, Lee tu vas réveiller les autres ?
Il mima un salut militaire et fit demi-tour tel un danseur.
— J'y vais ! Je crois que Kellam est déjà levé mais je sais pas pour les autres !
En deux enjambées il avait déjà atteint la porte. Kyris leva un doigt.
— Lee attend.
— Quoi ?
— Réveilles-les avec un peu plus de douceur s'il-te-plaît.
Lee inclina sa tête sur le côté.
— Promis je vais faire gaffe.
Il repartit comme il était venu, tel une tornade d'énergie pure. Kyris secoua la tête comme une mère qui aurait réprimandé son enfant.
— Fais pas comme si il t'énervait autant, se moqua Lizzy.
— Laisse-moi au moins faire semblant d'être fâchée ! Il m'a gâché ma grasse mat' ! Rigola sa compagne.
Ce fut au tour de la mécanicienne de lever les yeux au ciel, ses lèvres étirées en un rictus amusé.
— Aller on se bouge, j'ai trop envie d'aller dehors.
Il ne fallut qu'une dizaine de minutes pour que toute la petite bande soit réunie dehors, dans un état plus ou moins proche de l'éveil. Lee avait déjà apposé sa marque sur la neige immaculée. Peu importe où l'on posait son regard, il y avait toujours une trace de pas dans son champ de vision. Lizzy frottait ses mains entre elles, elle avait beau être protégée du froid, l'air glacial parvenait tout de même à s'infiltrer entre les couches de vêtement.
— Faut bouger pour se réchauffer, se moqua Kyris en lui prenant la main.
— T'as jamais froid toi ! T'as de la chance.
Elle ne répondit pas à la provocation, se contentant de la tirer vers elle pour la prendre dans ses bras. Lizzy protesta pour la forme et se blottit dans ses bras.
— C'est mieux que de bouger, ça. Fit-elle remarquer.
— T'inquiète pas, après on va courir un marathon sous la neige. On a prévu ça avec Daonn.
— Mais bien sûr ! C'est hyper casse-gueule en plus.
— N'importe quoi, regarde.
Elle la lâcha, écarta les bras et se mit tant bien que mal à courir. Les jambes de l'ancienne militaire s'enfonçaient de moitié par endroit.
— Tu vas te casser la gueule ! Lui lança Lizzy, prête à se mettre à rire lorsque cela arriverait.
— Mais nan !
Kyris avait parlé trop vite, sa jambe gauche glissa dans une congère plus profonde que les autres, et elle s'effondra comme un jouet aux piles épuisées dans la neige. L'éclat de rire de sa compagne lui parvint et elle jura.
— Putain je déteste quand elle a raison.
Elle se releva tant bien que mal, de la poudreuse compactée dans sa main qu'elle lança dans la direction de Lizzy, son air malicieux collé au visage. Le projectile n'atteignit pas sa cible, mais les hostilités étaient lancées. La mécanicienne se jeta sur le sol pour offrir le moins de surface possible lors de la prochaine attaque. Ses mains s'activaient sur la neige devant elle afin de former un projectile qui la vengerait de l'affront que venait de lui faire Kyris. Les deux femmes s'échangèrent des boules de neige ainsi, chacune restant campée dans ses positions pendant un moment. Elles furent rapidement rejointes par le reste de leurs amis, attirés par leurs cris de guerre. Kellam prit immédiatement le parti de Lizzy. Il fallait bien se soutenir entre mécaniciens ! Il donnait des instructions à sa consœur, lui indiquant quelle trajectoire la neige compactée devait prendre afin d'être la plus efficace possible.
— Si tu lances en cloche elle ira plus loin je te jure ! S'échinait-il à lui dire.
— M'en fous, je veux lancer vite ! Y en aura bien une qu'elle pourra pas éviter !
Face à cette logique imparable, il ne pouvait que s'incliner. Il garda donc ces commentaires d'ingénieur pour lui, et continua de leur construire une muraille de fortune non sans un sourire. Lee les aidaient bien, il ne se satisfaisait pas de leur campement, il avait préféré se jeter dans le no man's land qui s'était formé au début de la bataille. Le jeune homme se faisait certes arroser de neige, mais c'était bien plus drôle de courir pour jeter des pelletés de neige plutôt que de faire des stratégies dans un coin du champ de neige. De l'autre côté, Jax et Kyris jouaient les snipers, visaient Lee qui offrait une belle cible mouvante, mais aussi leurs adversaires de l'autre côté. Jax ne lançait pas très loin, il se faisait donc un plaisir à mitrailler Lee, pour une fois qu'il pouvait lui lancer quelque chose sans avoir peur des conséquences. Et puis son ami le lui rendait bien, avec toujours un sourire sur le visage. Lui-même avait du mal à garder son flegme habituel. La neige et ce moment rare d'amusement pur était finalement parvenu à le faire se dérider un peu. Le poids de la solitude sur cette planète et la guerre qui se jouait au dessus de leurs têtes, dans les étoiles, tout cela n'avait plus d'importance.
Dans cette ancienne cour d'immeuble, entre deux bâtiments qui menaçaient de s'effondrer, les six jeunes s'amusaient comme si plus rien d'autre n'existait. Leurs rires résonnaient dans le silence de la ville. Et le monde leur sembla un peu moins froid et vide.
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