3.

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En mille neuf cent quarante et une, un nouveau drame secoua la vie de Rhys : son père se vit forcé de partir à la guerre en Europe. Le jour de son enrôlement, elle le regarda partir, le cœur serré, mais il lui promit de revenir, la voix basse, ces mots murmurés rien que pour elle, rien que pour sa fille.

Les semaines passèrent et, un matin, le facteur, sur son petit vélo, s'arrêta devant la maison. Sur le pallier de la porte, il déposa une enveloppe, que Lio remarqua bien des heures après. La mère l'attrapa et ferma la porte derrière elle, en fredonnant, comme à son habitude. Elle l'ouvrit avec un couteau, déposa là, sur la table, sans trop de raison, comme s'il n'avait attendu que cela, que tous les éléments de cette scène montraient que cette annonce devait se faire aujourd'hui.

Au moment même où Lio ouvrait l'enveloppe, Aurore passait la porte, et déposait dans l'évier une tasse. A peine le récipient avait touché l'évier, un grand bruit se fit entendre et elle se tourna aussitôt. Elle fit face à son amie, qui s'était laissée tomber par terre, sanglotant sans un mot. Aurore enlaça sans attendre Lio et ne la lâcha pas, sans même savoir la raison de ses larmes.

Les deux femmes prirent la décision d'annoncer à Aidan et à Rhys ce grand malheur le soir même. Pour anticiper le choc, Aurore avait préparé pour toutes des infusions, songeant que le liquide consolerait les femmes.

Les mots se firent d'abord prudents, délicats, mais leur impact resta pourtant grand.

"Papa est mort"

Ces simples termes alourdirent la poitrine de Rhys, qui se mit aussitôt à pleurer, de manière incontrôlable.

Cela changea à jamais la famille, mais cela permit au moins à Lio de réaliser qu'elle était amoureuse d'Aurore, au fil des mois. De manière plus réelle désormais, Aidan et Rhys étaient presque maintenant sœurs.

Les années passèrent et alors que la guerre s'arrêta, on découvrit en Allemagne, des camps d'exterminations, menés par Hitler, et ce fut un nouveau coup pour la famille. Elle réalisait alors enfin à quoi elle avait échappée, spéciale et indomptable qu'elle était.

Alors la famille décida de toujours passer les autres avant elle, mais cela brisait toujours autant le cœur de Rhys de ne pas pouvoir enlacer ceux qu'elle aidait. Elle avait tant besoin de contact humain, de connaître cette sensation enivrante de la peau chaude d'un être humain, mais elle savait que c'était impossible. Elle payait le prix d'un amour qui n'aurait pas dû exister.

Rhys n'a jamais comprit pourquoi, dès sa naissance, sa malédictions n'avait pas tué. Mais non, celle ci avait été plus vicieuse : elle était apparue à ses un an, et dès ce jour, on lui avait ordonné de porter des gants et des manches longues. Elle avait gardé cela secret, ne vouant pas que les autres sachent, comme elle, que c'était un monstre. C'est sa curiosité qui avait tué, parce que le jour où l'Incident était arrivé, Rhys avait considéré que les gants n'étaient pas aussi importants que ses parents le disaient. Et voilà ce qui était arrivé.

Aidan et Rhys faisaient l'école à la maison depuis si longtemps maintenant que lorsque les deux amies eurent atteints le niveau adéquats, elles arrêtèrent. Elles restèrent cependant chez Aurore et Lio mais elles commencèrent à explorer le monde autour d'elle. Les deux amies découvrirent avec joie ce que faisaient les autres personnes, comme aller au cinéma, ou bien passer des soirées entières au bar. Ce fut comme découvrir un nouveau monde.

Tandis que les années humaines passèrent, les deux femmes continuaient de vivre des aventures. Elles se trouvaient souvent, le soir, dans les bars, et Aidan draguait tout ce qui bougeait. Rhys restait plus amicale, parce qu'elle savait que, même si elle le voulait, elle ne pouvait rien faire. De plus, Aidan paraissait plus charmante que son amie, parce que quand celle ci ouvrait son esprit aux autres, elle était submergée de compliments. Aidan était une jeune femme aux cheveux courts blonds polaires qui s'accordaient parfaitement bien à ses yeux azurs. A côté d'elle, Rhys faisait pâle figure, avec ses boucles ébènes indomptables et son regard marron. Mais cela l'arrangeait : se cacher, et disparaître, voilà ce qu'elle faisait de mieux. Quand parfois il arrivait qu'elle parle avec quelqu'un de manière romantique, elle se haïssait : percevoir dans leurs yeux un élan de désir la rendait folle, parce que jamais elle ne pourrait combler cette envie.

POISON [Bucky Barnes]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant