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Lorsque le repas fut achevé, tous commencèrent à débarrasser la table, sauf Rhys, qui s'éloigna, le téléphone en main. Elle ne l'avait pas regardé depuis une éternité, alors elle ne fut pas surprise de voir qu'Eddy lui avait envoyé une bonne centaine de messages, tous se composant de "tout va bien ?", ou de "chérie j'ai peur". Elle manqua presque d'esquisser un sourire nerveux et lui répondit simplement :

Rhys [14:07] Je crois qu'on devrait parler, Eddy.
Eddy [14:07]  Tu me fais peur, tu sais. Tu vas bien d'abord ?
Rhys [14:08] Oui, tout va bien. J'ai retrouvé ma meilleure amie, et ma mère. Et toi ?
Eddy [14:08] Oui tout ceux qui sont partis sont revenus, alors je suis plutôt content, c'est cool. Pourquoi tu n'as pas répondu ?
Rhys [14:08] J'étais occupée, désolée. Je crois qu'on devrait rompre.
Eddy [14:09] Quoi
Rhys [14:10] Je ne t'aime plus. Désolé c'est un peu dur à dire, je m'en excuse, mais ça ne peut plus durer.
Eddy [14:10] Mais Rhys, tu peux pas me quitter comme ça. On se marie dans un an, à peine. Et tu le fais par message ?
Rhys [14:11] C'est pas le truc le plus courageux que j'ai fais, j'en ai conscience.
Eddy [14:11] Waouh. Donc ça s'arrête comme ça, une histoire de quatre ans ? Tu me laisses comme ça.
Rhys [14:12] Je sais, je m'excuse. J'annulerai tout, je le ferai pour pas que tu sois obligé d'appeler tout ceux qui devaient faire notre mariage.
Eddy [14:12] Il y a quelqu'un d'autre ?

Rhys se figea devant son écran, et se recula. Elle posa son téléphone et décida qu'elle ne lui répondrait pas, jamais, même si son silence était une réponse involontaire.

Ses pas la menèrent ensuite à la cuisine, où Bucky se faisait interroger par Aidan et Aurore. Elle eut un sourire en voyant qu'Aidan prenait des notes sur son téléphone, et marcha jusqu'à attraper le bras de l'homme, ses doigts sur l'épaule de son bras en vibranium.

"Où on est là ?" demanda t elle, avec un rire "Je vous trouve un poil insistantes."
"Barnes apprécie les spaghettis, mais pas les macaronis -grossière erreur, ce sont les meilleures pâtes. Il préfère toujours la musique des années quarante, ce qui est compréhensible, et la moitié des réponses qu'il a pu nous fournir était composée de grognement. J'en déduis donc que c'est un ours."

Rhys manqua d'éclater de rire, constatant qu'Aurore tapait le dos de sa fille d'un air mi fier mi dépité.

"C'est bien, ma fille", déclara t elle
"Un ours, donc", murmura Rhys à Bucky, tournant la tête vers le visage de l'homme, qui la dévisageait déjà, ses pupilles se concentrant sur sa face, détaillant ses lèvres, toujours gercées. Elle se trouva soudainement immobile, face à son regard, et le temps se figea, grain de sable de ce sablier flottant dans l'air, prêt à retomber. Elle réalisa avec regret qu'elle n'avait pas encore goûté ses lèvres, et qu'elles l'appelaient brutalement. Tout en elle reprenait vie lorsqu'elle l'approchait, et qu'il la regardait ainsi. Mais Rhys détourna vite les yeux, préférant se tourner vers la table, qui n'était pas encore débarrassée. Embarrassée, elle attrapa les carcasses de ce repas et marcha jusqu'à les déposer dans le lave-vaisselle, l'esprit bien ailleurs. Ensuite, elle se tourna vers l'évier, où était encore une casserole, qui attendait d'être lavée, et s'y dirigea.

"Laisse, je vais le faire", déclara Bucky, attrapant une éponge dans un geste maladroit.
"Tu es sûr que tu sais le faire ?" rétorqua Rhys, le regardant attraper le liquide vaisselle, pendant que ses mains saisissaient un torchon pour sécher la casserole.
"Quand Steve a perdu sa mère, il était tellement triste que c'était compliqué pour lui de se préparer des repas. C'est moi qui lui préparait, et je lui faisais la vaisselle."
"Oh, alors je n'ai rien dit alors", murmura la femme, avec un sourire.

Il afficha la même expression, et tendit la casserole à cette dernière, qui la sécha, pendant que Bucky l'observait, sans un mot.

"C'est la première fois que je rencontre quelqu'un de plus vieux que moi", déclara t il, amusé
"Je te permets pas", rétorqua t elle en lui donnant un coup de torchon "On ne traite pas une lady ainsi"
"Vieillesse rime avec sagesse"

Rhys lui jeta un regard joyeux, éclatant de rire, tout en le maudissant à voix haute, et accrocha le torchon à l'anneau qui était sa place.

"Que faisons nous maintenant ? As tu une envie particulière ?" s'interrogea la femme, rejoignant ensuite le hall d'entrée.
"Non, pas vraiment."
"J'aimerais sortir", lui apprit elle, levant les sourcils vers lui, et il hocha la tête. Elle annonça cela à sa famille et ils passèrent la porte, silencieux, découvrant le vent vivifiant de l'été qui annonçait sa disparition totale.

Rhys marcha, suivie de Bucky, sans parler, croisant les New Yorkais qui se pressaient pour aller quelque part, endroit qu'ils se presseraient de quitter ensuite, à croire que le temps se devait de passer plus vite. Le calme et la tranquillité que le couple affichait tranchait clairement avec l'empressement qui se trouvait autour.

Ils profitaient de chacun de leurs pas comme d'un trophée, d'une victoire qu'ils avaient tant attendue, et se contentaient du frottement de leurs vestes en cuir qui s'entrechoquaient, créant des milliers d'étoiles entre eux, qui réchauffaient le monde. Rhys leva les yeux vers Barnes, et ce dernier retomba amoureux à nouveau en la voyant, avec ses lèvres colorées en un sourire, le vent qui faisait s'envoler ses mèches de cheveux dans son visage, son rire qu'il aurait pu entendre au loin. Il figea cet instant dans sa mémoire, décidant que le bonheur ressemblerait désormais à cela.

Bucky comprit doucement que le bonheur n'était pas simplement le reflet de Rhys, il était Rhys, et ses cheveux bruns qui ne paraissaient jamais trouver ordre, ses lèvres toujours craquelées, ses yeux marrons, sa voix qui résonnait en lui. Une des plus grandes chances que l'homme avait était qu'elle semblait aussi amoureuse que lui l'était, et qu'il garderait toute sa vie ce trésor.

POISON [Bucky Barnes]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant