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Une musique s'élevait dans la maison, vide, qu'Aidan et Aurore avait quitté le matin même pour se retrouver entre mère et fille, et le son de l'eau qui tombait l'accompagnait. Dehors, il pleuvait, et de plus, Bucky profitait d'une douche chaude dont il rêvait depuis un long moment. Rhys en avait profité pour allumer le poste de musique qui avait rythmé sa jeunesse et le disque qui se trouvait à l'intérieur avait débuté à jouer. Elle passa quelques musiques, qu'elle ne se sentait pas d'humeur à écouter, et s'arrêta finalement sur la sixième, laissant les "he did it" résonner dans toute la chambre. Aussitôt, elle attrapa le chapeau de cow boy que son père avait acheté il y a déjà un siècle et le posa sur sa tête, chantant au dessus de la voix de l'icône pop qui prononçait ces douces paroles. Arrivée au refrain, elle n'abandonna pas son chant et débuta à danser, laissant son corps tourner, ses mains posés sur son chapeau. Cette scène provoqua un rire chez Bucky, qui sortait de la douche habillé de vêtements qu'il avait attrapé dans les tiroirs auparavant. Rhys lui jeta un regard amusé et devint pivoine, mais ne s'arrêta point, espérant tout de même que Bucky vienne auprès d'elle, ce qu'il ne fit pas. Il la détailla simplement, avec un rictus, et rit en entendant sa voix. Lorsque la chanson s'acheva, elle éteignit le poste et s'approcha de Barnes, enfonçant sur son crâne le chapeau, avant de s'asseoir sur son matelas, suivi de l'homme.

"Mon dieu, heureusement que tu n'as pas vécu à l'époque des cow boy, tu aurais fais des ravages", glissa t elle, le ton envieux, avant de continuer en disant : "J'aurais eu du souci à me faire"
"Toi aussi, il te va terriblement bien", déclara Bucky. "Tu chantes tellement mal, par contre."
"C'est de famille", rétorqua Rhys
"Comment ça ?"
"Ma maman chantait aussi bien que moi", souffla t elle, en attrapant son téléphone et ses écouteurs filaires, dont elle tendit le gauche à l'homme, qui la regarda, circonspect. "Tu ne sais pas le mettre ?"
"Si, si" mentit il, et elle ricana, se penchant sur lui et posant dans son oreille l'écouteur, avant de faire la même chose avec l'autre.
"Écoute moi ça", signala la femme, activant la musique, qui s'avérait être une mélodie des années quarante, ce que Bucky apprécia beaucoup. Il ferma les yeux et elle l'observa, curieuse, constatant qu'il semblait perdu dans ses souvenirs, alors elle ne dit rien, concentrée elle aussi sur les mélodies.
"J'ai pas eu le temps de dire pardon à Stark", glissa Bucky, les yeux toujours clos.
"Pourquoi tu aurais du lui dire désolé ?"
"J'ai tué ses parents, quand j'étais encore le soldat de l'hiver"
"Oh", souffla la femme, les lèvres pincées."Je comprend, mais ce n'est pas parce qu'il est...tu sais...que tu ne peux pas t'excuser."
"Il ne m'entendra pas"
"Qu'importe", elle posa sa main gantée sur l'épaule de l'homme, lui décochant un sourire rassurant. "Tu peux le faire dans tous les cas. Et le connaissant, je ne suis pas sure qu'il t'aurait écouté."

Bucky laissa les lèvres former un léger rictus, et enleva l'écouteur, avec une grimace.

"J'ai toujours détesté cette musique", grommela t il, ce qui fit rire Rhys. Elle ôta le chapeau du crâne du brun et le déposa en bas du lit où ils s'étaient assis, croisant son regard, duquel elle s'échappa aussitôt, fragilisée par les papillons qui s'agitaient dans son ventre.
"Remet ton écouteur" rétorqua t elle, d'un ton qui indiquait que sa phrase était presqu'un ordre
"Oui madame" souffla t il.

Rhys soupira et se laissa écrouler sur son lit, fixant le plafond qu'elle avait regardé tant de fois. Bucky fut obligé de faire de même, en raison du fil de l'écouteur qui restait tendu, et elle ricana, en profitant pour poser sa tête près de son épaule, électrisée l'instant d'après par son contact pour la première fois. Il ne prononça pas un mot, mais lui aussi sentit son corps entier frissonner. Il se tourna vers elle, posa son bras gauche dans le creux du dos de la femme, pour l'attirer vers lui. Rhys ferma les yeux, un sourire béat sur les lèvres, et se contenta d'écouter les battements affolés de son cœur, et de celui de l'homme.

Le temps passa, contre toute attente, et bientôt, il fut l'heure d'aller manger. Elle se leva et se tourna vers Bucky.

"Tu veux manger quelque chose en particulier ?"
"Non"

Rhys sourit et lui fit signe de venir : ils descendirent les marches, atterrissant ensuite dans la cuisine. Parmi les ingrédients qu'ils cuisinaient alors, certains demeuraient des aliments qu'ils haïssaient, mais dans leur amour démesuré, ils se forcèrent : Rhys n'hésita pas une seule seconde et fourra dans sa bouche un morceau de champignons. Bucky, quant à lui, plongea non sans crainte sa cuillère dans le tas de quinoa, tas qui était dans son assiette, et mangea ce qu'elle contenait. Il ne trouvait aucun intérêt à ce plat, mais n'osa pas le dire à Rhys, qui, elle même, ne trouva pas le courage de dire à Bucky qu'elle avait toujours détesté les champignons.

Puis, après qu'ils aient tout rangé, Aidan et Aurore rentrèrent et montrèrent à Rhys les vêtements qu'elles avaient achetés, pendant que Bucky sortait, pour un rendez vous au tribunal, pour qu'il soit pardonné de ses crimes lorsqu'il était le soldat de l'hiver. Elle le salua et lui afficha un sourire pour lui inspirer courage, puis il passa la porte, laissant les trois femmes ensemble. Étonnement, elles n'interrogèrent pas Rhys, se contentant de parler de choses et d'autres, et elles passèrent l'après midi à discuter, avant de sortir marcher dans le parc, en famille.

S'installant ensuite sur un banc en face d'un parc pour enfant, Rhys écoutait d'une oreille distraite, mais tout de même amusée, Aidan et Aurore discuter vivement d'une destination pour partir en voyage : le Japon, ou l'Allemagne ? Son attention disparut totalement lorsqu'un enfant, devant elle, tomba, s'écorchant le genou. Elle sauta sur ses pieds et s'écroula à ses côtés, cherchant du regard sa mère, devant l'air surpris de sa belle mère et de sa meilleure amie.

"Vous auriez un mouchoir ?" s'enquit Rhys, empressée de pouvoir soigner l'enfant, à sa famille, et Aidan lui tendit un paquet entier. Elle en sortit un et l'appliqua sur son genou, qui saignait. "Tout va bien", murmura la femme à l'enfant.
"J'ai mal", sanglotait le petit garçon malgré les consolations de Rhys, qui cherchait toujours un de ses parents. Finalement, ce fut un vieux homme qui arriva, soulevant aussitôt l'enfant et remerciant en silence Rhys, et cette dernière se redressa avec un sourire. Elle reprit sa place sur le banc et regarda, douloureusement, partir l'enfant. S'il y avait bien une chose qui ne changeait pas, c'était ce sentiment troublant : cet appel du ventre, qui hurlait, inexorablement, son besoin de porter une vie. Cependant, si, le feu sur Domino avait su faire en sorte que sa peau soit détruite, son intérieur ne l'était pas. En elle, le poison demeurait, et, elle avait entendu les murmures des guérisseurs sur Domino "elle n'aura pas d'enfants", "la pauvre", "on ne peut rien faire, et c'est ça le pire". Malgré cette envie, ce besoin, ce désir irrémédiable, elle ne pouvait pas avoir des enfants. C'était impossible, et cela la brisait de l'intérieur. Sans enfant dans son ventre, Rhys se sentait vide. Elle n'était rien, ainsi, et devait le rester.

A cette pensée, Rhys posa ses yeux sur le ventre d'Aidan, qui n'indiquait pas de signe de grossesse encore.

"Tu voudras qu'on aille voir le papa quand ?" s'interrogea t elle, mais son amie ne lui répondit pas, elle se contenta d'écarquiller les yeux.
"Pardon ?" répéta Aurore, les sourcils levés en l'air, et Rhys réalisa aussitôt son erreur, plaquant sa main sur sa bouche grande ouverte.
"Rhys a gâché la surprise" soupira Aidan, fixant l'horizon au loin."Mais je suis enceinte maman."

A ces mots, Aurore fondit en larmes, demandant qui était le père -Rhys ne pouvait pas lui répondre, et Aidan semblait réticente à trop en parler-, depuis quand était elle enceinte -"cinq ans et un mois", rétorqua la mère- et enfin quand est ce qu'Aidan comptait en parler. Mais immédiatement, Aurore semblait convaincue qu'il était temps d'aller rencontrer le père, malgré les supplications d'Aidan.

"Cinq ans ont passé, s'il n'a pas disparu, il a sûrement refait sa vie", argumenta t elle
"Qu'importe", s'agaça Aurore. "Si un jardinier met une pousse de tomate dans son jardin, il faut bien qu'il l'arrose et mette de l'engrais, la nature ne peut pas tout faire toute seule."

Rhys pouffa à la réplique de sa belle mère, mais récoltant un regard de cette dernière, elle reprit son sérieux, affichant une moue impliquée dans ce débat.

POISON [Bucky Barnes]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant