Prologue

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J'observai le manoir délabré, planté au dessus de la colline. Une vraie maison de film d'horreur. Les tuiles noires et les murs sales auraient bien eu besoin d'un peu d'entretient. En regardant attentivement la vieille bâtisse, je me dis qu'il pourrait bien y avoir un monstre à l'intérieur que ça ne me surprendrait pas. J'en avais des frissons de terreur. Il faut que vous sachiez quelque chose : je suis une grosse froussarde et j'ai une sainte horreur de l'épouvante.

-Tu es un gros malade, fis-je à l'intention de mon frère jumeau.

Connor éclata de rire avant de croiser les bras et de me regarder avec cet air de défi qui lui était si coutumier. Je détestais quand il faisait ça parce qu'il paraissait tellement sûr et fier de lui que je n'avais alors qu'une envie : lui envoyer mon plus beau poing dans la figure. Peut-être qu'avec un peu de chance, il aurait tellement mal que son sourire suffisant disparaîtrait aussitôt...

-Tu te dégonfles Zoë, lança-t-il.

-Mais tu crois vraiment que je vais rentrer dans cette baraque à moitié en ruine? Me défendis-je tant bien que mal. Si ça se trouve, y a personne là-dedans!

-Raison de plus pour s'y rendre, pouffa-t-il. De toute façon, t'as pas le choix vu que je suis moi-même aller vendre des chocolats à Mme Lopez.

Je lâchai un petit rire nerveux.

-Non, mais y a quand même une grosse différence entre Mme Lopez et... ça!

Connor haussa un sourcil inquisiteur, me fixant avec insistance. Je craquai au bout de dix secondes.

-Ok! T'as pas tort, y a pas pire que cette vieille folle, approuvai-je hargneusement.

-Je t'attends-là. Si tu as un problème, je viendrai te chercher, me rassura-t-il. Ou alors j'enverrai la police récupérer ton cadavre, faut voir.

-Bâtard, répondis-je.

-Ma chère soeurette adorée, si je suis moi-même un "bâtard", comme tu dis, t'es quoi toi alors? Se moqua Connor avec amusement.

-On n'a pas le même père, mentis-je en sortant de la voiture.

Je claquai la portière et m'engageai sur le sentier pour ne pas entendre son rire insupportable. Bientôt, les phares de la voitures n'éclairèrent plus ma route et je dus me servir de la lumière de mon portable pour pouvoir me repérer. Le chemin était encadré de longs arbres à l'aspect inquiétant. Les rayons de la lune n'arrivaient pas à percer entre les nuages lourds et sombres d'Angleterre. Il n'allait pas tarder à pleuvoir, pour changer... Je n'avais qu'une hâte : m'en aller d'ici au plus vite. Les lieux ne me disaient rien qui vaille et je mourrais d'envie de retourner à la voiture en prétextant qu'il n'y avait personne au manoir. Mais bon, l'inconvénient quand on avait un frère jumeau, c'était qu'il savait toujours quand je mentais. Je n'avais plus qu'à exclure cette échappatoire.

Bientôt, l'entrée de la grande maison se retrouvait devant moi. Jamais je n'avais vu une telle oeuvre d'art et je me demandai de quand pouvait bien dater le bâtiment. D'abord hésitante, je pris mon peu de courage à deux mains et toquai. J'attendis une minute, sans réponse. Je fus tentée de faire aussitôt demi-tour, prenant ce silence pour un signe du destin mais je retentai tout de même le geste. Toujours rien.

Heureuse comme jamais, je tournai les talons et m'apprêtai à entamer un petit sprint pour revenir plus vite aux côtés de mon frère, quand j'entendis un long grincement dans mon dos. Surprise, je me retournai vivement. La porte était grande ouverte. Et j'étais donc face à un dilemme de taille. Devais-je rentrer au risque d'avoir affaire à un vieux tordu, ou me carapater vite fait bien fait?

Étrangement, je choisis la première option. Derrière ma peur bleue, j'avais vraiment envie de découvrir le propriétaire des lieux. Peut-être pourrais-je aussi jeter un coup d'oeil au manoir, qui sait? Alors, faisant fi de tous mes bons conseils intérieurs, je passai le pas de la porte, effrayée mais aussi excitée. Ma curiosité maladive me perdrait.... 

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