Chapitre 9 : Sommeil

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Zombie. C'est le seul mot qui peut clairement me définir. J'ai passé la nuit, sans exagérer, la nuit entière à pourchasser l'ennemi. Le moustique a gagné un à zéro par manque de diffuseur qui tue tout ce qui vole et qui respire. Je n'ai rien pu faire d'autre que de m'enterrer sous ma couette par cette chaleur atroce et surveiller mes arrières avec une vigilance accrue. Ce bourdonnement incessant m'a maintenu éveillé, et j'ai eu beau essayer de le faire sortir par la fenêtre ouverte, il paraissait ne pas la voir. Je veux mourir. Je me sens si fatigué que j'ai envie de vomir. N'allez pas me demander le lien entre mon cerveau embrumé et mon estomac, mais il est bel et bien présent puisque je le sens au plus profond de mes tripes. Même ma mère a renoncé à me faire bouger après avoir vu combien ma mine était affreuse. Elle m'a dit avoir pensé voir une bête à l'abattoir. Ce n'est pas si faux en soit. Je suis encore en pyjama, bien qu'il soit midi, et j'essaie vainement de m'endormir sur mon lit. Dans un étalement élégant, j'ai l'air de fondre lentement sur le matelas, comme un glaçon exposé au soleil. Plus je prends de place, plus je suis fatigué. Je finis par changer de technique et me roule en boule. Vous la connaissez, cette frustration, pas vrai? Toi aussi tu la connais, Niall. Combien de fois ne t'ai-je pas senti te retourner avant de dormir? C'est terrible. Ce moment où on veut absolument tomber endormi, mais que quelque chose gêne. Qu'on tourne, se retourne, bouge, gigote. J'ai beau essayer, rien n'y fait: mon matelas paraît être plein de clous. Je soupire de désespoir et me redresse. Le temps que je connecte deux neurones, je pense qu'il sera déjà tard le soir. J'ai envie de dormir.

Je me traine mollement dans la cuisine et la table fait office d'appui pour ne pas que je m'écroule au sol. Ma mère me regarde avec lassitude, occupée aux fourneaux pour un gâteau, ma sœur l'aidant fièrement. Waliyha me toise d'un air supérieur et cela suffit à me faire migrer vers le canapé, endroit où je m'effondre littéralement. Je ferme les yeux et ne bouge plus d'un pouce, une jambe sur le dossier, l'autre pendante. Je dois ressembler à un cadavre désarticulé. Impossible de roupiller. Il fait trop chaud et l'air que produit le ventilateur me perturbe. Je sais déjà comment ça va se finir: J'attendrais ce soir et j'agoniserais dans t'atroces souffrances jusqu'à m'endormir pour de bon.

-Mamaaan... 

Moi, geindre? Pas du tout. J'entends d'ici son sourire contrarié et contiens un sourire insolent. Oui chère mère, je vis, donc je parle. Bien fait. 

-Oui chéri?

Ah non. Finalement elle m'aime. Je me love contre un coussin en levant les yeux vers la cuisine.

-Il faut acheter le tue-moustique. Il y en a plus.

-Je l'avais compris, tu as couru dans la chambre toute la nuit... Soupire-t-elle doucement.

-Pour une fois qu'il fait du sport, laisses le... Ricane ma sœur en léchant la cuillère pleine de chocolat fondu qu'elle tient à la main.

J'ignore la pique de ma sœur et replonge dans mon humeur maussade d'ours mal éveillé. Je papillonne déjà des yeux depuis plusieurs minutes lorsque mon portable vibre sur la table. Je tends le bras pour l'attraper, à l'aveuglette, le ratant par conséquent plusieurs fois. Comme je n'ai pas envie de me lever, je tente de l'attirer vers le bords pour parvenir à la prendre. J'aurais perdu moins de temps en me redressant, sans doute, mais ça aurait été une perte d'énergie trop excessive. Qui veut quoi, encore...? Je me réveille d'un seul coup en voyant ton nom sur l'écran. "Hey. Tu veux pas venir? Genre, là, maintenant, tout de suite, si tu fais rien? Je m'ennuie mortellement." Visiblement, tu vas droit au but. J'hésite à peine une seconde avant de te répondre. La perspective de potentiellement sommeiller en paix à la maison me nargue, mais la musique mise par ma sœur à un volume indécent me décide bien vite. Je te réponds un simple oui et monte enfiler quelque chose de correct. Le vieux pyjama délavé, c'est bien, mais c'est peu classe. Je me glisse en toute discrétion jusqu'à la porte, mais c'était sans compter de l'ouïe acérée de ma mère.

Fils de la LuneOù les histoires vivent. Découvrez maintenant