Chapitre 2 : Je suis une victime

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Je regarde mollement au travers de la fenêtre, allongé dans le salon. Sur le tapis, ma sœur m'ayant viré sans ménagement. J'ai capitulé, parfois je me dis que je suis trop gentil. En même temps, quand elle a menacé de me castrer dans mon sommeil, ça m'a poussé à réfléchir. Résultat, mon seul moyen pour ne pas mourir de chaud est de rester au sol, devant le ventilateur, pendant que Waliyha squatte le canapé qui hurle mon nom avec désespoir. La vie est injuste.

-Waliyha...?

-Non, cherche même pas. C'est non, je vais pas me décaler. Répliqua directement ma tyrannique sœur.

Je me renfrogne tout de suite. Le respect des aînés, dans tout ça, il est passé ou? Pour ma part, je n'ai jamais parlé ainsi à ma plus grande sœur... Oui, j'ai beaucoup de sœurs, parfois j'ai envie d'en pleurer. Plus encore en me disant que ma mère regrettait de ne pas pouvoir me refiler les robes de la grande quand j'étais petit. Merci maman, ça fait plaisir. Toujours est-il que j'ai beau être l'homme de la maison, je me fais misérablement marcher dessus. Je n'arrive pas à lui crier dessus. Elle a un regard de biche, alors qu'elle est aussi redoutable qu'un requin. Ça reste évidement de mon point de vue, quand je t'en ai parlé j'ai cru que tu allais mourir tant tu riais. Toi aussi, tu es un tyran en fait. Je suis entouré de tyrans monstrueux. Je suis une victime de la société. Devant ma moue boudeuse, ma sœur grogne et se demande à voix haute si j'ai réellement dix-sept ans et non cinq. Je fais mine de ne rien entendre et me relève pour partir quand ma mère me retient par le col.

-Hep, reste ici. La moindre des politesses, c'est tout de même de se présenter aux nouveaux voisins. Lance-t-elle, avec ce visage qui ne présage rien de bon.

Elle nous pointe, moi et ma sœur, avec un sourire satisfait. J'ai peur.

-Vous deux, vous allez aller les saluer, d'accord? Ce sera plus agréable pour tous si on est aimables avec les personnes qui partagent notre entourage. Compris?

-Pardon? Mais maman! Tu sais parfaitement que je veux plus me montrer devant eux, c'est la honte de se faire attraper à les espionner! C'est hors de ques...

Je croise le regard noir de ma mère et laisse un sourire éclatant d'innocence s'étirer sur mes lèvres.

-Bien sûr qu'on va aller voir ces gentils voisins, on en sera ravis!

-Maintenant.

-Qu... Bien sûr maman!

J'attrape ma sœur sans plus de cérémonie, la tirant dehors. L'injustice de ce monde est inhumaine. Cette phrase ne veut rien dire, mais je n'ai pas envie de la rayer parce qu'elle exprime bien ce que je ressens. Je grogne aussitôt la porte refermée.

-Je veux pas y aller! Mais c'est horrible, tu imagines? La femme va me rire au nez!

-Pauvre petit grand frère... Souffle ma sœur.

Je me fais tirer dehors malgré mes cris de protestation et me calme bien vite quand ma sœur sonne au portail voisin, me cachant du mieux possible derrière elle. J'ai envie de fuir, c'est dingue. Même si, bien malgré moi, je détail déjà l'endroit du regard. C'est ce que j'imaginais être le fils qui ouvre. À entendre son léger rire, il m'a reconnu. Zut. Je pense que je vais migrer vers un autre continent histoire d'échapper à cette honte totale. Heureusement, ma chère petite sœur prends les choses en main en me voyant fixer l'inconnu dans le blanc des yeux sans rien dire.

-Bonjouuur, on est vos voisins, et maman nous a dit de vous dire que si jamais vous avez un quelconque soucis, vous pouvez demander, on sera toujours la pour aider! Annonce-t-elle gaiement.

Faux. Maman n'a jamais dit ça, mais à mon avis elle a dut le penser très fort. Ou bien, c'est simplement que ma sœur est plus dégourdie que moi et a saisit le message entièrement quand moi je n'en voyais que les premières lignes.

-C'est bien aimable à vous. Ravi de vous rencontrer, je suis Greg! Entrez, faites pas les timides.

J'ai l'impression que la dernière phrase s'adresse directement à moi et me renfrogne. Je ne fais pas attention, sur le coup, mais les vitres sont teintées, c'est étrange. Je rentre sagement, avec ma sœur qui s'empresse de faire les présentations pendant que ce dénommé Greg ferme la porte avec soin. La dame d'hier nous rejoins vite, souriante. Je pense qu'elle est sympathique, à la voir.

-M'man, c'est les voisins. Ils sont venus se présenter. Explique Greg, gentiment.

Je veux sortir, vraiment. J'ai l'impression d'être une pauvre araignée observée, dans un bocal.

-Ah, c'est bien. Du moins, c'est mieux de savoir qui sont ces espions très discrets...

Son regard se pose sur moi et je rougis en une fraction de seconde.

-Maiiis...

-Mon frère à jamais été discret. Affirme Waliyha.

Traîtresse, je vais te faire bouffer des cheveux dans ton sommeil. En plus, elle semble parfaitement à l'aise, alors que je suis affreusement tendu. J'en profite pour regarder la maison, rénovée à l'intérieur également. C'est beau, bien blanc, moderne. C'est sympa comme décoration, même si je ne comprends toujours pas pourquoi deux personnes seulement vivent dans une si grande maison. Je commence à me sentir mal, pas à ma place. Je veux partir d'ici et rentrer. Je n'ai aucune raison de connaître ces voisins. Ce qui me sauve? Ma mère. Finalement je l'adore, c'est ma libératrice. En fait non, elle se joint juste à la troupe parce qu'elle avait peur qu'on se soit perdu en route. Dois-je lui signaler qu'il y a trois mètres entre nos deux jardins? Je ne pense pas, sinon elle va encore me crier dessus. Je me répète, mais je suis une victime du monde entier. Oh malheur. C'est presque en se traînant que ma mère parvient à se tirer des griffes de la plus qu'adorable voisine. Pas assez vite à mon goût, je me sens de moins en moins à ma place, mais la tirer par le bras en pleurant toutes les larmes de mon corps comme un enfant de deux ans serait une mauvaise idée. Toujours est il que l'on arrive finalement à rentrer à la maison. Je ne tarde pas, me jette littéralement sur le canapé en scandant à qui veut l'entendre:

-Le canapé est à moiiii!

Je lâche un rire de psychopathe. Je sais, je suis très mature. Toutefois, il suffit que ma sœur revienne avec la tondeuse pour que je me carapate en vitesse dans la chambre. Psychopathe, mais pas fou pour autant. Elle est capable de me raser la tête si je ne bouge pas. Le temps passe, lentement. Je suis incapable de reste immobile. Je joue avec un stylo. Un avion. Je lis un livre dont j'oublie chaque phrase à la fin d'un paragraphe. Je dessine une chose si étrange que moi même je ne peux lui donner de nom. Le soir tombe, enfin, me libérant quelque peu de ma souffrance intolérable à la chaleur. Je me poste sur ma chère fenêtre, pour aérer un peu, bien que sachant parfaitement que le reste de la nuit sera consacré à des luttes sans merci avec les moustiques. Je reste parfaitement immobile. Je recommence à m'ennuyer.

Pourtant cette fois ci, un mouvement vif attire mon attention, dans le jardin d'à coté.

Une forme blanche. Une personne inconnue.

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Les actions s'enchaînent un peu, je sais, mais il faut bien avancer le récit.^^

Sinon, no comment, bonne lecture!

Fils de la LuneOù les histoires vivent. Découvrez maintenant