XXIII. La malédiction de l'homme-loup

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La Bête avançait sous le couvert de la Forêt. Elle avait capturé une brebis qu'elle avait traînée sous le couvert des arbres. Le sang de l'ouaille maculait sa fourrure grisâtre. Il gicla sur les feuilles mortes et les fougères lorsque la chose s'ébroua.

Rapide sur ses quatre membres d'acier velus, elle louvoyait vers les lumières des chandelles qui filtraient hors des maisons. Insatisfaite, goulue, elle avait encore faim et soif. L'odeur du sang des habitants lui donnait envie de s'abreuver à même leurs entrailles.

La Lune brillait à nouveau dans la ciel nocturne, en parfait disque. La créature se dressa sur ses postérieurs, hurla. Hurla si fort que les oiseaux s'envolèrent des cîmes, que les villageois frissonnèrent dans leurs chaumières.

Du mouvement attira son attention. Une fille courrait pour rejoindre sa maison alors qu'elle avait été surprise par la nuit. Elle portait un panier rempli de champignons et de racines récoltés dans les bois. Cette scène aiguisa les instincts de prédation de la bête. Elle s'élança vers le bas de la colline. La fille la vit arriver et hurla à plein poumons alors que ceux-ci étaient déjà brûlés par sa course. La chose sauta sur elle, le renversa. La fille criait et se débattait au sol. Elle pleurait tout en essayant de repousser l'assaillant, poussant sur sa gorge alors que de la salive coulait sur elle.

Les crocs s'approchaient du visage noyés de larmes.

― Ne me faites pas de mal ! Mon Seigneur ! Pitié ! Ne me faites pas de mal...

Les suppliques de la jeune fille avaient un goût bizarre. À quelques centimètres de son visage, la créature maudite s'arrêta.

Elle ne pouvait pas tuer une habitante du village-fortifié. Cette évidence la fit frémir à son tout, car elle ne savait pas d'où elle venait, mais elle était enracinée en elle.

Une nouvelle odeur parvint à la bête. Elle leva en l'aire ce nez, trop long pour être humain mais trop court pour être lupin. Une odeur de chair fraîche, pure, sylvestre. Connue. Mille fois plus appétissante. Dédaignant la fille, la Bête mi-humain mi-loup galopa vers sa nouvelle proie.

Jamais la Bête n'aurait pensé la trouver ici. Se promenant, seule, dans la Forêt, le long de ce ruisseau, nimbée par les rayons éthérés de l'astre nocturne, ses longs cheveux noirs balayés par le vent portant son odeur résineuse. Comme un cadeau alléchant. La bête bondit, slaloma à travers les arbres, silencieuse comme une ombre fatale.

Margaid, de son côté, attendait avec le cœur prêt à rompre, la peau couverte de sueurs froides et les oreilles sifflantes de peur. Luann et Morenn avaient aidé les jumelles à retourner dans la chambre du Roi. Evidemment, les traces du sortilège avaient été détruites par les gens du château et la pièce avait été maintes fois bénie par le Père Vespasien, le vieux religieux veillant sur la chapelle du château. Cependant, personne n'était parvenu à effacer les cercles magiques qui avaient brûlé la pierre, sous le châlit. Tous les quatre les avaient finement analysés. Un cercle composant l'ensemble les avait particulièrement intrigué. Puis estomaqué. Si Luann, Morenn, Skrifenn et Margaid comprenaient bien, ce maléfice avait été activé à distance. À distance !

Un peu plus tard, les quatre Effrets étaient parvenus à mettre la main sur un échantillon de la paumade trafiquée, gardé par le Père Vespasien. Ce n'est qu'après cela que les Effrets avaient usé de chaque instant laissé à leur disposition pour trouver un remède.

Margaid et Skrifenn avaient réussi à comprendre le but et le fonctionnement de la malédiction. Quelqu'un l'avait placé sous le châlit du roi, mais quelqu'un d'autre, un Effret puissant, l'avait réalisé et activé, encore une fois, à distance, ce qui était incroyable car il fallait habituellement nourrir le sort par son propre Nwyvre.

Éternel - Codex 2 - D'Écorce et d'ÉpreuvesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant