XXV. Sous les étoiles

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Les trente chevaliers étaient en colère. Une colère sourde, qu'ils tentaient de contenir, mais palpable pour leur Roi. Quelqu'un avait voulu le maudire. Pire encore que le tuer, quelqu'un avait voulu lui arracher cette humanité qui le caractérisait.

La Reine mère, elle aussi, avait le visage figé en un masque inexpressif. C'était ainsi qu'elle gérait ses émotions. Mais son fils voyait bien que ses traits s'étaient creusés, que ses cheveux avaient même grisés en seulement un mois. Un mois entier à savoir son fils coincé sous forme bestiale. Elle avait repris les rênes du district tout en faisant discrètement venir des savants d'ici et d'ailleurs. Si jamais la vérité sur la situation du Roi s'était répandue jusqu'aux oreilles des dirigeants voisins, la Lubinicie se serait faite dévorée en une seule journée.

— Je ne veux pas entendre le mot « coïncidence », prononça enfin la reine Bathilde avec un timbre qui évoquait plus le grincement de la pointe d'une dagne prête à sortir de son fourreau que la voix d'une femme mature.

— Mais cette fois-ci, notre Roi a réussi à se libérer de sa malédiction, objecte un chevalier.

— Cela paraîtrait étonnant que le premier maléfice est réussi et pas le second s'ils avaient tous deux été lancés par la même personne.

Les voix graves de chaque homme présent dans la pièce éclata afin de donner son avis, exprimer sa théorie, essayant de comprendre l'incompréhensible. Ils étaient totalement étrangers à la magie d'Avalon. Ils ne comprenaient pas ses règles, ils ne connaissaient ni ses limites ni sa puissance ancestrale. Pour eux, la magie de ceux qu'ils appelaient sorceleurs étaient surtout une hérésie, fruit du Malin, peut-être même à l'origine d'une fornication entre le Mal et une mortelle.

Les divinités étaient des démons.

Le Dagda n'était qu'un des innombrables noms empruntés par le Diable pour tromper les vivants. Ces deux termes commençaient par la même lettre. C'était d'une évidence ! La magie n'était qu'une longue suite de malédiction.

Halmrik ne pensait pas ainsi. Il n'avait jamais su pourquoi, mais il sentait au fond de ses tripes que c'était bien plus complexe que cela. Rien n'était tout noir, ni tout blanc.

Aussi étonnant que cela ait pu paraître, la reine Bathilde pensait de la même façon que son fils. Elle-même était une femme tout en dichotomie. Dure avec ses enfants, mais ne cherchant qu'à les protéger au milieu de la fosse aux lions. Visionnaire, mais ambitieuse. Calculatrice, mais colérique.

Elle avait encouragé son mari puis son fils à ne voter aucune loi indiquant que les sorceleurs posant le pied sur le district de Lubinicie pouvaient être systématiquement réduit en esclavage par la première personne les capturants. Cependant, cela n'avait rien à voir avec une quelconque bonté d'âme. La Reine mère savait simplement qu'il valait mieux avoir les sorceleurs avec soi, que contre soi. Et après...

Après, il y avait mille et une façons de convaincre quelqu'un. La manière douce ne faisait pas partie de ses favorites, car elle la jugeait trop lente.

— Assez.

La reine Bathilde n'avait pas besoin de hausser le ton. Sa voix forte et profonde, remplie d'une majesté travaillée dès sa plus tendre enfance, était plus efficace.

— Écoutez au lieu de jacasser.

Le Roi réprima un sourire. Sa mère parlait à tous avec cette autorité irrévocable, mais elle parlait souvent à des adulte comme à des enfants. Elle ne devait même pas s'en rendre compte.

— Je me suis transformé en exactement la même créature que mon père, il y a six ans maintenant. Certes, à l'époque, il avait été malade durant des Lunes entières et était hanté par des cauchemars affreux, mais la coïncidence me paraît également impossible.

Éternel - Codex 2 - D'Écorce et d'ÉpreuvesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant