Chapitre 6

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- Mais qu'est-ce qui t'a pris ?

Julian fait mine de ne pas m'écouter.
Nous sommes garés juste devant chez moi mais je refuse de sortir avant d'avoir une explication.

- Julian, sérieusement, je crois que je n'ai jamais été aussi embarrassée de toute ma vie.

Il se tourne enfin vers moi, quittant le volant des yeux.

- Enfin Luciana ! Faire comme si nous étions en couple pendant une heure ne t'a pas tuée, tu es toujours là, assise à côté de moi.

- Malheureusement.

- Cet homme avait l'air tellement content que nous soyons en couple !

- Il s'en fout totalement tu sais, ricané-je.

En réalité, je n'avais cessé de me demander comment cela se serait passé si nous étions vraiment en couple, s'il me regarderait de la même façon qu'il l'a fait tout à l'heure. Puis je me suis souvenue qu'il se moquait de l'autre gars et me suis sentie bête.

La vache.

Pourquoi je pense des choses comme ça, je ne le connais même pas.

- Bon, c'est quand tu veux, me dit-il.

Je le regarde, surprise.

- A moins que tu ne veuilles continuer la comédie, ici, dans cette voiture... me dit-il en essayant de paraître sérieux.

- Je m'en passerai volontiers, répliqué-je sans m'empêcher pour autant de rire.

- Bonne nuit et merci Lucy, m'adresse-t-il en souriant.

- Y a pas de quoi.

Je sors de la voiture et fais un signe de la main à Julian une fois que je suis arrivée sur le perron. Il redémarre la voiture et s'en va dans la direction opposée de celle du garage.
Je rentre dans la maison où le calme règne. Il n'y a absolument aucun bruit et j'aperçois l'heure sur l'horloge au dessus du buffet. Vingt-deux heures treize. Il n'y a aucune lumière ni dans la cuisine ni même dans le salon. Je monte à l'étage et entends des ronflements qui émanent des deux chambres voisinant la mienne. Aucun doute, tout le monde dort. Je me mets rapidement au lit après m'être brossé les dents et repense à la soirée. Je n'ai même pas pensé à lui demander ce qu'il faisait par ici.

~

Deuxième journée de cours. J'arrive à peine à garder les yeux ouverts, ce qui me vaut plusieurs remarques de mes professeurs. J'essaie en vain de me concentrer mais la fatigue reprend sans cesse le dessus. C'est une véritable lutte entre elle et moi. Seule la voix de mon voisin qui participe activement au cours me permet de rester éveillée.

Comme d'habitude, je ne parle à personne de ma classe et personne ne me parle, je suis comme invisible pour eux, ce qui ne me déplaît pas pour autant. Jim est absent aujourd'hui, cet imbécile a encore réussi à choper un rhume en cette saison. Julian, quant à lui, m'évite comme la peste. Il évite mon regard et s'obstine à ne pas croiser mon chemin. Je pensais que c'était totalement involontaire jusqu'à ce qu'il change de couloir en me voyant arriver en face de lui. Ce gars est putain de flippant. Une chose est sûre, ce n'est pas moi qui irai le voir, pourquoi je le ferais d'ailleurs ? J'ai appris à vivre avec la solitude et elle me convient parfaitement, alors ce n'est pas un garçon en plus qui changera ma vie.

Je tire une des chaises de la table du fond du réfectoire où j'ai l'habitude de m'installer. Je m'avachis dessus, les deux pieds croisés sur la table en face de moi. Je sors mes écouteurs et lance la musique. La meilleure chanson de tous les temps.
Je regarde les gens vaquer à leurs occupations, certains rigolent entre eux, d'autres sont bien trop concentrés sur leur nourriture pour accorder la moindre attention au monde qui les entoure. Seulement à ceux qui ont la générosité de leur céder une partie de leur repas. Mes yeux continuent de parcourir la salle, à la recherche d'une quelconque situation intéressante. Ils tombent sur Julian, son plateau à la main. Il marche tranquillement vers une table où se trouve un groupe de garçons ayant presque fini leur repas mais une silhouette féminine se glisse devant lui juste avant qu'il ne puisse l'atteindre. Victoria glisse sa main sur son poignet et le tire jusqu'à la table où ses amies l'attendent, touchant leur assiette du bout des doigts. Je regarde à mon tour mon plat, à côté de mes pieds. Une chose est sûre, ce n'est pas aujourd'hui que je vais m'engraisser. Je range mon iPod dans la poche de mon jean et m'en vais débarrasser mon plateau. Je n'entends pas le bruit insupportable des personnes riant, chahutant, criant et mangeant, la musique inondant mes pensées. Je passe devant celles-ci, frôlant quelques tables trop rapprochées au passage.

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