Chapitre 1

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Le son du batteur électrique retentit pour la cinquième fois de la journée. J'ajoute quelques gouttes de colorant alimentaire dans la mixture de mon saladier et observe les tourbillons colorés qui se forment. Bientôt, la pâte devient bleue. J'éteins le batteur et le pose sur le côté, satisfaite de la couleur. Fière du résultat, je m'octroie une petite pause et regarde à travers la fenêtre de la cuisine.

C'est une belle journée ensoleillée. Tout le monde est de sorti : les enfants, leurs parents, les promeneurs de chien. Même mon voisin gothique et bruyant a quitté son taudis. En les regardant passer dans ma rue, je ne peux m'empêcher de les traiter de fou mentalement.

Je ne sortirai pas un seul orteil dehors avec des températures aussi basses.

C'est l'hiver. Entre nous, ce n'est pas ma période préférée. J'ai toujours détesté cette saison avec son froid glacial, ses arbres morts, le soleil qui se lève trop tard et s'en va trop tôt. J'aurais peut-être réussi à apprécier cela si je pouvais faire un bonhomme de neige avec les enfants du quartier. Mais je n'ai jamais vu un seul flocon de neige tomber dans mon village - ou en tout cas pas depuis des années.

Alors je reste dans le confort de ma toute petite maison, réchauffée par la chaleur du four qui n'a pas cessé de fonctionner depuis le début de l'après-midi. Résolue à devoir trouver une occupation, j'essaie de confectionner une pièce montée.

S'il y a bien une chose que j'apprécie faire dans la vie, c'est la pâtisserie. J'en ai d'ailleurs fait mon métier. Enfin, jusqu'à ce que mon patron fasse faillite deux semaines auparavant. Ça ne fait même pas un mois que Noël est passé, et je me retrouve au chômage.

Le prochain qui vient me voir en me souhaitant la bonne année, je l'étrangle.

Des coups résonnent contre ma porte. J'essuie mes mains enduites de glaçage sur mon tablier et vais ouvrir. Je laisse entrer mon invité surprise, qui n'est autre que Théo, mon meilleur ami.

-Bonne année ! s'exclame t-il joyeusement en entrant dans la maison.

Et voilà, ça va encore me porter préjudice.

Je le détaille des pieds à la tête, surprise de le voir vêtu d'une tenue inhabituelle.

Mon ami porte une veste imperméable par-dessus une épaisse doudoune brune, un surpantalon étanche et une paire de grosses bottes fourrées. Ses mains sont gantées et tiennent une cagoule noire. Théo dépose un énorme sac à dos sur le parquet en bois. Le son que fait celui-ci en atterrissant m'indique qu'il est loin d'être rempli de plume.

-Je savais qu'il faisait froid dehors, mais à ce point-là... marmonnè-je.

Théo bataille avec la fermeture éclair de sa veste, puis de son manteau, et s'empresse de se déshabiller.

-La vache ! Ce qu'il fait chaud chez toi ! On dirait un sauna. s'écrie t-il, transpirant à grosses gouttes.

-Avec ce que tu portes, même l'Himalaya a un climat tropical, je me moque. Sérieusement, t'as combien de couches sur toi ?

-Trois ! Enfin quatre, si l'on compte le tee-shirt qui est en train d'éponger ma sueur.

Beurk ! Pourquoi ai-je posé la question ?

Il jette un coup d'œil derrière moi. Son visage s'illumine alors qu'il aperçoit le chantier dans la cuisine ouverte.

-Mmmh, que m'as-tu préparé de bon ?

Il s'y dirige en toute hâte. Je l'intercepte à l'instant où son auriculaire plonge dans l'abondant glaçage.

-Bas les pattes ! Ce n'est pas fait pour être mangé comme ça.

Maudit Smilodon !Où les histoires vivent. Découvrez maintenant