Les trois géants continuent de progresser dans notre direction, accroissant mon anxiété grandissante. Je m'accroche plus fermement à la manche d'Amos. Celui-ci se tourne vers moi, une main sur chacune de mes épaules.
-Écoute-moi bien. Tu vas passer sous la roche et rejoindre la meute. Tu as compris ? me presse t-il.
J'hoche vivement la tête.
-Tu te faufiles par la faille, pendant que je m'occupe d...
Amos vacille légèrement. Ses yeux clignotent un instant d'une lueur violette inquiétante.
-Non, pas maintenant... grommèle t-il.
Mais le halo améthyste s'intensifie. Amos semble perdre contenance. Derrière lui, les golems continuent d'approcher. Encore quelques secondes, et ils seront à nos pieds.
-Changement de plan, déclare brusquement Amos.
Ses yeux reprennent leur teinte violacée, cette fois accompagnée d'un grognement furibond. Puis ils redeviennent noirs comme la nuit. Je me liquéfie sous l'emprise d'Amos, effrayée par son attitude plus qu'étrange.
Bon sang, que lui arrive-t-il ?
-Les lettres, marmonne t-il l'esprit embrumé. Efface la première.
J'ouvre la bouche sans rien dire. Peut-être est-ce dû à l'urgence de la situation, en tout cas, je ne comprends rien de ce qu'il me dit.
Des lettres ? Il veut que je récite l'alphabet ?
L'expression tourmentée d'Amos devient soudain froide. Ses iris luisent définitivement d'une teinte violette.
-A-Amos ? je l'appelle.
Mais est-ce seulement Amos ?
Je me souviens de ce soir où il s'est tenu devant moi, léchant mon sang sur ses lèvres tout en me dévisageant de ces mêmes yeux. À cet instant, Amos n'était plus lui-même. Et je crois qu'il ne le sera pas davantage maintenant.
Amos se penche vers moi, ses mains toujours fermement agrippées à mes épaules. Je ne peux réprimer ma grimace de dégoût lorsqu'il fait glisser sa langue humide le long de ma joue.
Je tremble sous mes épaisses couches de tissus. J'étais déjà dans de beaux draps avec les golems, désormais voilà que je me retrouve avec quatre monstres au lieu de trois.
Et je ne suis pas sûre duquel j'ai le plus peur.
J'écarte mon visage le plus loin possible de la langue rapeuse.
-Du calme, je ne vais pas te manger, petite chose. Du moins, pas maintenant, glousse t-il d'un air perfide.
Il jette un regard ennuyé en direction du trio de golems. Les monstres sont arrivés à notre hauteur, et semblent vouloir en découdre avec nous.
-Sois un gentil morceau de viande et reste là, ordonne Amos.
Je mets du temps à réaliser que le morceau de viande en question était moi.
Amos me lâche les épaules, me permettant de mieux respirer. Il se tourne vers les trois golems qui nous observent, bouche béante. Fait un pas vers eux.
Soudainement, une fumée mauve commence à se répandre autour de lui. Elle s'élève dans les airs, jusqu'à recouvrir le corps d'Amos entièrement. Il disparait derrière cet écran de fumée qui grossit à vue d'œil.
Les golems n'osent pas faire un geste dans ma direction, occupés à regarder le nuage mauve. Puis la nuée disparait aussi vite qu'elle est apparue. Mais Amos n'est plus là. À la place de son corps de colosse se tient un énorme fauve à la robe d'or tachetée.
La bête se dresse sur quatre énormes pattes, plus grosses que ma tête. Elle se redresse, la tête haute, me laissant apercevoir deux immenses canines dépasser de sa babine supérieure.
L'animal est grand, presque un mètre cinquante au garrot, et pas moins de deux mètres de long, je dirais. Il plisse son museau à la fois court et large. Ses énormes griffes grattent la neige à moitié fondue sous ses pattes. Il passe la langue sur ses dents proéminentes. Puis, prenant une forte inspiration, pousse un long rugissement.
Je me couvre les oreilles, maigre tentative pour adoucir le vacarme.
Nullement impressionnés par cet élan de sauvagerie - sans nul doute parce qu'ils ne possèdent pas d'orifices en guise d'oreilles - les golems s'avancent vers la bête, les bras tendus.
Se sentant menacé, le félin lève une patte et l'abat sur le premier venu. Son corps se brise en deux sous l'impact. Je m'attends à voir le sang gicler et souiller la neige immaculée. Mais rien ne se passe. Les golems ne semblent pas être faits de chair et de sang.
Amos a dit que ça sentait l'argile.
Je comprends soudainement la teinte brune de leur peau. Les golems sont faits de glaise.
Une des créatures, celui qui a un bras plus court que l'autre, balance son membre supérieur le plus long en direction du fauve. Mais celui-ci l'attrape au vol, le saisissant fermement dans sa gueule avant de lui arracher d'un coup sec.
De sa patte avant, il le couche sur le sol, l'écrasant de tout son poids jusqu'à creuser un trou béant au milieu de son dos. Puis, il passe au suivant, celui que je nomme Gros-Pieds. Ses mouvements sont ralentis à cause de sa malformation.
La bête n'en fait qu'une bouchée. Le corps de Gros-Pieds retombe dans la neige, scindé en trois morceaux distincts.
Le fauve s'ébroue, sûr de sa victoire. Mais, sans que l'on s'y attende, Gueule-Béante - celui qui a la mâchoire toute tordue - apparait derrière lui et tire sur sa queue avec force. Le félin bondit en feulant sous le choc de la douleur.
Je cligne des yeux, abasourdie. Je suis certaine d'avoir vu la créature le découper en deux.
En regardant en direction de Bras-Court, je m'aperçois qu'il n'est plus allongé dans la neige. Il se tient debout, son abdomen autrefois perforé est aussi lisse qu'à son arrivée. Il se penche en avant et ramasse son membre découpé de son petit bras. Puis il place l'extrémité de celui-ci près de son épaule.
Son grand bras se rattache soudainement à son épaule, comme s'il n'avait jamais quitté son corps. Ensuite il s'élance à nouveau dans le combat, déterminé à maitriser la bête.
Je tire nerveusement une mèche de mes cheveux, me demandant comment ce golem a pu se " réparer " en seulement quelques secondes.
Évidemment, il est fait d'argile.
Mon angoisse dépasse un seuil intolérable. Le fauve est fort, il maitrise sans problème les golems. Mais si ceux-ci ont la capacité illimitée de se régénérer, le combat ne s'arrêtera jamais.
Ou si, il s'arrêtera lorsque la bête tombera de fatigue.
Je tire plus fort sur ma mèche, ne faisant aucun cas de la douleur qui s'ensuit.
Il doit bien y avoir un moyen de se débarrasser de ces monstres de glaise. Tout être-vivant a son point faible - si l'on suppose que ces tas de boue sont vivants.
Efface la première lettre, m'a dit Amos.
Je n'ai aucune idée de quoi il pouvait bien parler. Je tape du pied. Je hais les énigmes. J'ai toujours été nulle en devinettes. Face à Gollum, je n'aurais pas tenu une minute.
Le grand félin griffe l'air et la tête de Gueule-Béante atterrit à un mètre de moi, dans la neige. Sa grande bouche tordue et ses orbites vides me font frissonner d'effroi. Celui-là est assurément le pire des trois.
Je fais un pas en arrière, hésitant à ramper sous la roche et rejoindre Cerise et son village, loin de tout danger. Mais je ne suis pas une poule mouillée et je dois aider Amos.
C'est alors que, désormais plus proche du golem que je ne l'ai été jusqu'ici, j'aperçus quelque chose sur son front. J'avance d'un pas tremblant. Des symboles ont été gravés sur le haut de son crâne.
Pas des symboles. Des lettres.
Je manque de bondir de joie tant la jubilation que je ressens en cet instant est grande. Je pense avoir enfin résolu l'énigme d'Amos.
Il est temps pour moi de passer à l'action.
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Maudit Smilodon !
ParanormalLilo n'a pas bronché lorsque Théo, son meilleur ami, est venu la voir en lui annonçant qu'il allait escalader le Mont Blanc. Elle n'a pas protesté quand il a insisté pour le faire seul, sans guide à ses côtés. Mais alors qu'elle aperçoit une étrange...