Chapitre 6

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Je regrette instantanément la douce chaleur du feu de camp à la seconde où nous quittons la grotte. L'intensité de la tempête s'est radoucie. Le vent souffle moins fort et les flocons sont moins abondants. Mais il fait toujours aussi froid, et même avec les trois couches de vêtements que je porte, je ressens l'air glacial comme si j'étais nue.

Près de moi, Amos avance sur la neige poudreuse avec aisance. Il a renfilé son manteau de fourrure gris, et je me dis que ce pardessus doit être sacrément chaud parce qu'il ne bronche pas une seule fois face à ce terrible vent.

Je râle mentalement en le voyant progresser avec facilité sur le tapis blanc, contrairement à moi qui m'enfonce un peu plus à chaque pas que je fais. Je n'ai pourtant pas l'air plus lourde que lui.

Nous ne marchons que depuis un quart d'heure, mais je ressens déjà une fatigue musculaire. Mes jambes me paraissent de plus en plus lourdes à mesure que nous avançons. Et je ne parle même pas de tous ces flocons qui tombent. Même avec mes lunettes de ski, je peine à voir plus loin que le bout de mon nez.

-Comment est-ce qu'on va faire pour le retrouver ? On ne voit rien avec toute cette neige ! je râle comme toujours.

-Tes petits yeux fragiles ne distinguent peut-être pas grand-chose, mais moi, j'aperçois tout.

Je fais claquer ma langue contre mon palais.

-Est-ce que tu peux arrêter de faire ça ? je lui demande un peu agacée.

Il s'arrête et se tourne vers moi, l'air surpris.

-Arrêter quoi ?

-Cesse de me rabaisser chaque fois que tu ouvres la bouche.

-Je ne te rabaisse pas, dit-il avec tant de nonchalance que je peine à le croire.

Je retire mes lunettes de ski pour mieux le fusiller du regard.

-Bien-sûr que si ! Peu importe la phrase que tu t'apprêtes à prononcer, il y a toujours un mot méchant à mon égard.

Amos se retourne et reprend sa marche. Je le suis avec peine, bien plus en difficulté que lui.

-Je ne dis rien de méchant, je ne fais qu'énumérer les tristes vérités.

-Eh bien, par pitié, arrête.

Nous continuons de progresser sur la montagne sans rien dire. De toute façon, le vent commence à souffler si fort qu'il faudrait nous crier dessus pour comprendre ce que l'autre dit. Et d'après Amos, mon spécialiste montagneux, il serait dangereux de faire trop de bruit. Cela pourrait attirer des animaux sauvages.

J'ai déjà failli me faire bouffer il y a quelques heures, je ne suis pas tellement pressée de recommencer.

Nous marchons durant deux longues heures sans résultat. Le soleil commence à se coucher et bientôt, je suis obligée de coller les basques d'Amos pour être sûre de ne pas le perdre.

Je ne sais pas comment cet homme fait pour y voir dans cette pénombre. Sans doute a-t-il acquis des supers pouvoirs à force de trainer dans les montagnes, en solitaire. Ou peut-être a-t-il été élevé par une meute de loups, et il a alors appris à vivre comme un sauvage. Ceci expliquerait sans conteste son manque de civilisation chaque fois qu'il me parle.

-Quand est-ce que l'on va faire une pause ? je demande, épuisée.

Je ne marche même plus, je traine les pieds dans la neige. Je sue à grosses gouttes sous mes vêtements malgré le froid glacial. Et j'ai des difficultés à respirer convenablement à cause de l'altitude.

-Pas maintenant.

-Mais il va bien falloir qu'on s'arrête. Il fait nuit, on ne voit rien !

Soudain, Amos se stoppe net. Aveuglée par l'obscurité, je lui rentre dedans de plein fouet. Heureusement, l'épaisse fourrure amortit le choc et je ressors de cet accrochage avec un nez seulement endolori. Je pose mes mains gantées sur celui-ci.

Maudit Smilodon !Où les histoires vivent. Découvrez maintenant