- Chapitre 1 -

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  Miranda

— Maman, Maaaamannn ! »

Je dors, bon sang. Je dors. Pitié...

Je ne suis pas de ces femmes qui se lèvent deux heures avant leurs enfants. Celles qui font leur sport avant d'embaucher, qui préparent le petit déjeuner et qui prennent le temps de se maquiller. Non.

Je suis de celles qui se lèvent pile au dernier moment, juste avant que la dernière sonnerie du réveil ne retentisse. Celles qui ont des traces de leur oreiller imprimées sur la joue. Celles qui rêveraient de pouvoir se caresser le matin. Oui... Celles-.

Bienvenue dans ma vie, bienvenue dans mon enfer.

— Maman, j'ai faim, s'iiiiiiil te plaît !

Il est 7 h 40.

J'ai exactement trente minutes pour faire déjeuner Lisa, la forcer à mettre ses fichus vêtements et, éventuellement, si elle le « veut bien », lui laver les dents. Je sors du lit rapidement et ne prends pas la peine de me retourner, car je sais déjà qu'il dort prés de moi, tel un corps fatigué échappé d'un fossé.

Malheureusement, la nostalgie des bons moments s'est envolée. Celle qui vous retient, celle où les étincelles et les papillons frétillent à chaque regard. C'est bien trop tard pour tout ça. Dorénavant, place à la résignation. Il y a des choses qui ne changent pas. Je crois que j'ai cessé de croire au prince charmant depuis que je suis avec Adam. Il faut dire que si l'amour rend aveugle, je suis borgne depuis longtemps.

Avant de me diriger vers la chambre de Lisa, j'enfile mon vieux peignoir blanc délavé. Il est terriblement moche, mais incroyablement confortable. En bonne trentenaire « presque » respectable, c'est une pièce de collection que je garde précieusement dans ma garde-robe.

— Bonjour, ma sirène...

— Maman !!

Emmitouflée sous sa couette licorne, j'aperçois les jolies boucles rousses de ma fille. Après une interminable tempête de bisous et un énorme câlin, mon bébé agrippe ses petits bras chauds autour de mon cou. Je la hisse avec effort pour la sortir du lit, puis tente de ne pas trébucher sur les jouets pour sortir indemne de sa chambre.

Comme deux adorables koalas, nous descendons ensemble. Moi, en train de la porter. Elle, en train de me renifler les cheveux.

— Maman, je peux regarder un petit dessin animé... un tout riquiqui ? S'il te plaît, maman d'amour...

Je dis toujours « non », dans un premier temps. Question de principe. C'est certainement ma conscience morale qui prend le dessus. Mais deux secondes après, j'entends doucement :

— S'il te plaît, maman. Ça me ferait vraiment très plaisir, tu sais...

Lisa arbore son air faussement naïf. Elle est redoutable. Je déteste quand elle fait ça, je craque toujours.

— Non, pas de télé ce matin, ma chérie.

Tiens bon, Miranda !

— Mamaaaaaann !! Pitié... Je t'en supplie.

— Non.

— Pitié... Je te promets de faire tout ce que tu voudras.

— Hum... Lisa...

— Maman, juste une fois...

— OK ! Par contre, je te préviens ! Tu déjeunes, tu t'habilles, brossage de dents, et on y va !

OK ! J'ai encore cédé...

— Promis, maman. T'es vraiment la meilleure maman du monde, tu le sais ça ?

Je rêve ou elle me manipule déjà ?! Je pensais que c'était réservé à l'adolescence.

Ma mère me l'a répété à maintes reprises : c'est extrêmement mauvais pour sa concentration. Ne surtout pas laisser Lisa regarder un écran le matin. Le Dr Machin-Chose a même écrit un livre sur le sujet. Il serait grand temps que je m'en informe. Que les mères parfaites d'Instagram me jettent au bûcher. Moi, Miranda Kean, je laisse ma fille de sept ans regarder la télé le matin. Mon seul but : être tranquille !

Une fois au rez-de-chaussée, une vision d'horreur me coupe la respiration. La cuisine est totalement retournée. À quoi pouvais-je m'attendre de sa part ? J'avais pris la peine de tout ranger hier soir, avant d'aller me coucher. Pourtant, un étrange liquide coule le long de l'évier, les poignées sont collantes et une odeur de fromage envahit l'air. C'est un véritable remake de Cauchemar en cuisine, avec pour seuls acteurs : la saleté et mon désespoir. La nausée me saisit lorsque j'ouvre la porte du micro-ondes et découvre une explosion de sauce tomate à l'intérieur. Ecœurée, je referme vite. Comment peut-on être aussi désordonné ? Ah oui, je sais ! Adam... Il faut que je quitte rapidement cette pièce, car je sens que je vais défaillir.

Je retrouve Lisa, vêtue d'un t-shirt licorne, d'un short en jean et de Vans à paillettes. Ma petite sirène est presque prête pour sa journée d'école. Il ne reste que l'étape fatidique : ses cheveux. J'attrape sa brosse Ariel et du spray démêlant. Par automatisme, Lisa ferme les yeux et inspire profondément. Avec une infinie douceur, je coiffe sa magnifique crinière rousse, en prenant soin de ne pas tirer. Quelle épreuve...

— C'est bon, je suis prête ! Let's goooo, mamaaaaan d'amourrrrr.

Lisa se hisse aisément sur le siège auto de ma vieille Clio grise et s'attache avec l'habilité d'une grande. Avant même qu'elle me le demande, je mets sa chanson préférée à la radio : My Universe de Coldplay. À travers le rétroviseur intérieur, je la vois chanter avec un bonheur contagieux. Mon cœur de maman se réchauffe de la voir si heureuse. Chris Martin n'a qu'à bien se tenir, la relève semble assurée.

Il est pile 8 h 20. Nous sommes à l'heure. Ouf !

Je l'accompagne jusqu'au portail de l'école et lui dépose un tendre bisou sur le front, puis lui murmure un « je t'aime » qu'elle emportera avec elle pour la journée. Après le travail, je reviendrai la chercher. Elle fait la moue, mais finit par acquiescer. De toute façon, je n'ai pas le choix, Adam n'est jamais disponible. Elle s'éloigne timidement pour retrouver ses amies au fond de la cour.

Je contemple discrètement les autres parents qui déposent eux aussi leurs enfants, rassurée de ne pas être la seule en « jogging-pyjama ». Certains sont pressés, d'autres moins. Ils déposent un deux, trois, voire quatre enfants... Mon Dieu ! Qu'est-ce qui vous passe par la tête ?! Quatre enfants ! Sérieusement ? Parfois, avec Lisa, j'ai l'impression d'avoir un bus scolaire à la maison. Alors, sincèrement, je me demande si je survivrais avec une telle progéniture. Les courses, le ménage, les mioches... non merci. Gardez-les !

Tandis que je me trouve encore devant le portail, mon téléphone vibre dans la poche de ma veste. Un SMS de ma mère. Je le lis rapidement et le referme la seconde d'après. Je répondrai plus tard.

Mum <3 : [Miranda chérie, as-tu réfléchi pour les holidays ? Je veux voir ma petite fille ! Love U, xoxo]


❤️‍🔥Love❤️‍🔥

A.W

J'ai hâte de t'aimerOù les histoires vivent. Découvrez maintenant