- Chapitre 4 -

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Miranda

— Tu te moques de moi ? Tu pensais vraiment que j'allais te laisser partir quatre semaines avec ma fille. Jamais de la vie, tu m'entends, Miranda ?

— Adam, s'il te plaît. Je suis désolée... Je n'ai pas réfléchi. J'étais tellement sous le choc que j'ai agi spontanément.

Qu'est-ce que j'ai fait, bon sang... J'ai angoissé tout l'après-midi, à l'idée de lui annoncer la nouvelle. Je me suis repassée la scène une vingtaine de fois, mais rien n'y fait. Je savais pertinemment que la sentence tomberait, peu importait ce que je dirais.

— Ce n'est pas mon problème, tu répares ta connerie. Je t'interdis de partir d'ici.

Sa cigarette bouge au rythme de ses paroles autoritaires. Il faut que je trouve une solution. Certes, ma mère risque d'être très déçue, mais je n'ai pas le choix. Je n'ai pas envie de créer une enieme dispute.

— Comment allons-nous faire ? Je n'aurai plus les bonnes vacances, Adam, tu ne comprends pas ? Peux-tu au moins garder Lisa quelques jours ? Je vais annuler les billets pour New York. Je suis désolée...

— Quoi ? Mais tu as déjà pris les billets, en plus !

— Oui, j'ai juste pré-réserver. J'étais remontée contre ma responsable, il fallait que je trouve une solution rapidement.

— En quelques heures ? Tu me prends vraiment pour un con, sérieux. Je suis sûr que tu as manigancé tout ça depuis le début. C'est bien ton style !

— Mais non, je t'assure. Je n'ai rien prémédité. J'ai seulement paniqué, et j'étais en colère, c'est tout. Ne t'inquiète pas, je vais essayer d'annuler.

— Ah, mais non, ma petite, je ne m'inquiète pas du tout. Tu assumes, tu te débrouilles. Terminé. De toute façon, je ne serai pas là en juillet.

Adam, cigarette à la main, me domine de toute sa hauteur. Sa chevelure retenue par un élastique laisse échapper quelques mèches blondes sur son visage. Ses yeux bleus intenses me transpercent. Dire qu'il y a quelques années, je le trouvais beau. Je me perdais dans son regard et ne me lassais pas le contempler. Aujourd'hui, je ne vois plus rien à part de la colère dans ses yeux. Que vient-il de dire ?

— Attends, comment ça tu n'es pas là en juillet ? m'étonné-je en secouant la tête.

— C'est pas le problème ! Ne détourne pas encore une fois la situation, Miranda !

— De quoi parles-tu ? Je ne détourne rien du tout. Tu viens de me réprimander comme si j'étais en tort. Et maintenant, je découvre que tu pars sans Lisa et moi ?

Je commence à comprendre... Il utilise mon départ précipité pour justifier sa propre absence, alors que je m'efforce de trouver une solution à ce chaos. Une fois de plus, j'ai failli me faire piéger. Je dois toujours rester sur mes gardes.

— Ça n'a rien à voir. Ton pauvre petit cerveau est trop étroit pour comprendre, apparemment.

Ouch, celle-là, elle fait mal.

Je respire calmement et tente de garder mon self-control. Je ne vais rien obtenir d'Adam si je perds mon sang-froid. Il faut que je la joue finement.

— Adam, ma mère aimerait voir Lisa. Cela fait bien deux ans qu'elles ne se sont pas vues. Madame Calastre ne m'a pas laissé le choix. C'était soit en juin, soit je devais démissionner...

— Eh bien, la future PDG Vera Brown, on se la raconte moins, tout d'un coup...Pffff, même là-bas, t'es vraiment qu'une merde, ma pauvre. Ça ne doit pas être facile pour toi de voir que j'ai raison, encore une fois.

Je m'endurcis émotionnellement et m'efforce de ne pas le contrarier davantage. Avec son départ en juillet, il est hors de question que je prive ma mère de sa petite-fille. Je dois tenir bon. Au bout de vingt bonnes minutes de discussion et d'insultes, Adam s'est enfin rendu compte que la meilleure solution était que je parte avec Lisa chez ma mère. Alléluia. De toute façon, il n'est pas en mesure de s'occuper de notre fille plus de deux heures d'affilée.

Je me retire dans notre chambre pour me remettre de mes émotions, et j'en profite pour appeler ma mère. À sa voix, je sais qu'elle est complètement surexcitée.

— C'est vrai ? Vous venez me voir ?

— Oui, maman. Je te le promets.

— Adam ne t'a rien dit, ma chérie ? Il ne s'est pas fâché, j'espère ?

— Non, non, maman, ne t'inquiète pas pour ça. Tout va bien, il est même content pour nous.

Je n'aime pas mentir, mais je ne veux surtout pas la mêler à tout ça.

Perfect. J'ai hâte de vous voir. Je te kiss, ma chérie. Je file à la salle. Envoie-moi ton plan de vol. Je t'aime.

— Je t'aime aussi, maman. À très vite !

Finalement, je suis heureuse aussi. J'attends avec impatience de la serrer dans mes bras et de savourer ses délicieux gâteaux. Je n'irai quand même pas remercier ma responsable, mais depuis la naissance de Lisa, je n'ai plus foulé le sol américain. C'est toujours ma mère qui vient nous rendre visite, et j'ai hâte de dévoiler à ma fille une partie de mes origines. Depuis le temps qu'elle me le demande !

Ma mère, Rachel, a toujours aimé voyager à travers le monde. Elle a rencontré mon père lors d'une excursion organisée avec son groupe de yoga de l'époque. « Les YoGippies ». Lui, il est cent pour cent américain. Quant à elle, c'est une Française « du Sud ». C'était à la fin des années hippies, ils passaient leurs journées à écouter de la musique et à vivre aussi librement que possible, c'est à dire totalement nus. À leur façon, ils sont restés ancrés dans l'esprit des années 70. Leur histoire d'amour a duré quelques années. Puis, un beau jour, ils se sont séparés sans la moindre haine. J'ai toujours été étonnée par leur bonne entente, malgré leur divorce, et j'en suis plus que ravie. Une séparation « Peace and Love ».

Rachel n'a jamais souhaité revenir en France, même lorsque j'ai décidé de poursuivre mes études de Philosophie à Aix. J'ai tenu environ deux ans et demi à l'université, puis j'ai dû tout plaquer pour subvenir aux besoins de notre couple. Le rythme du travail personnel n'était plus compatible avec la vie qu'Adam et moi menions à l'époque.

En plus de leur excellente entente, ils partagent un point commun : ni l'un ni l'autre ne supporte Adam. Ils ont pris pour vilaine habitude de le surnommer « le tocard ». J'ai perçu de la déception lorsque je leur ai annoncé ma grossesse. Avec le recul, je pense surtout qu'ils étaient tristes pour moi, imaginant la vie qui m'attendait.

Ma mère ne s'est jamais remariée. Grands dieux, non ! Elle enchaîne les conquêtes sans la moindre gêne, vivant une vie totalement épanouie. Sa sexualité débordante défie les années, je crois bien qu'elle est cent fois plus active que moi. Il faut dire que ce n'est pas très difficile. L'atmosphère vibrante de New York lui convient parfaitement. Cette ville semble avoir été créée pour elle.

Demain, je préviendrai l'école. Pour l'heure, je dresse une check-list sur les affaires à emporter et les tâches à accomplir avant notre départ. Je ne veux pas qu'Adam ait quoi que ce soit à me reprocher. Je prends donc le temps de tout prévoir et organiser. Du moins, je fais de mon mieux...

Préparer les repas pour au moins deux semaines ;Programmer les drives ;Laver le linge ;Repasser ;Afficher le passage des poubelles vertes et jaunes ;Faire le plein des deux voitures ;Changer les draps et serviettes de toilette ;Afficher Post-it sur les repas ;Demander à Gio de récupérer mon courrier ;Laisser les clés à Sylvie (voisine) au cas où ;Dire adieu à mes plantes ;

Liste non exhaustive....

J'ai hâte de t'aimerOù les histoires vivent. Découvrez maintenant