- Chapitre 2 -

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Miranda

8 h 30. Il faut que je me dépêche.

Je me gare rapidement devant la maison. Note à moi-même : graisser le portail de l'entrée. Je me précipite dans l'allée et glisse la clé dans la serrure. J'ouvre la porte sans un regard et m'immobilise.

— T'étais où ?!

Je sursaute. Il est bien trop tôt pour qu'Adam soit debout. Pourtant, il se tient là, en haut de l'escalier, et me domine de toute sa hauteur.

— Comment ça ?

— Ne me prends pas pour un con. T'étais où, je t'ai dit ?!

— J'ai déposé Lisa à l'école, comme tous les matins.

— À 8 h 30 ? Tu te moques de moi ?

— Oui, à 8 h 30. C'est l'heure habituelle depuis septembre.

Je ne sais pas s'il réalise l'absurdité de sa question, ou si c'est la fatigue qui parle pour lui. Je préfère miser sur la fatigue.

— Ouais... C'est ça. Fais attention, ma p'tite, ne me mens surtout pas. Ça risque de très mal se passer pour toi. Tu le comprends bien, n'est-ce pas, poupée ?

— Tu devrais retourner au lit, Adam. Te lever tôt ne te réussit pas.

— Tu me provoques ?

— Non, je te donne un conseil.

Je referme la porte doucement derrière moi. Après coup, cette conversation me laisse perplexe. Mon petit ami cherche sans cesse à me déstabiliser ces dernières années. Je ne sais jamais sur quel pied danser ni quelle humeur il aura au réveil. C'est assez déroutant, mais avec le temps, je m'en suis accommodée. Je me dis toujours qu'il y a bien pire ailleurs. Les soucis avec son groupe l'ont rendu de plus en plus... aigri. Le refus des productions, les annulations de concerts, et j'en passe. C'est certain, tout ça n'a pas aidé. Ni notre couple ni son fort caractère. Mais tout ce mal qui le ronge a pris racine en lui il y a longtemps...

Toujours habillé des fringues de la veille, Adam descend les escaliers avec l'assurance d'un conquérant. A priori, ce n'est vraiment pas un bon jour. Ses cheveux blonds poisseux luisent d'un éclat terne. Il les repousse d'un geste lent et assuré. Lisa a hérité les belles boucles de son père, du temps où ses cheveux étaient encore soignés. Un frisson glacial parcourt mon dos. Malgré tout, vivre en surveillant mes moindres faits et gestes devient de plus en plus épuisant. Ma patience et ma résistance s'amenuisent de jour en jour, même si je tiens bon. Mes sentiments pour lui ont disparu au fil de nos incessantes disputes. Je reste uniquement pour ma Lisa. Moi... je ne suis plus une priorité. Mais elle, elle le sera toujours. Rien d'exceptionnel en cela ; après tout, n'est-ce pas ce que l'on appelle par « résilience » ?

Je pose mon tote-bag noir – oui, je raffole de ces sacs en tissu – au bas de l'escalier, monte les marches deux par deux en prenant soin d'éviter Adam, et commence par ranger rapidement la chambre de ma fille. Faire son lit, ouvrir les fenêtres, ranger les « quelques » jouets éparpillés. Puis je m'attaque à notre chambre avec les mêmes gestes mécaniques. Seulement, au lieu de ramasser des jouets, je ramasse les vêtements abandonnés de la veille. Un paquet de cigarettes écrasé et des pièces de monnaie dispersées sur le sol. Encore un numéro de téléphone griffonné sur un ticket de caisse. Dans un élan de motivation, je descends pour nettoyer de nouveau la cuisine.

Adam, immuable sur le canapé, un sourire narquois aux lèvres, la main enfouie dans son pantalon et les pieds négligemment posés sur la table basse, sirote son café, absorbé par son téléphone. Imperturbable. Le ménage terminé, je file dans la salle de bain enfiler ma tenue de travail : chemisier blanc, pantalon noir, et surtout les talons.

J'ai hâte de t'aimerOù les histoires vivent. Découvrez maintenant