Le souvenir que je t'ai laissé...

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Les deux tours. Un joli nom pour une simple cabane construite dans le creux d'un grand arbre. Les gens de la ville nommaient cet endroit ainsi à cause des deux plus grandes branches qui dépassaient largement du reste de la forêt de Mirissa, s'étirant vers le ciel. La forêt de Mirissa était une immense étendue d'arbres en tout genre, bénie par les esprits de la forêt depuis des siècles et recouvrant toute la partie Est de l'empire d'Oshensta. Beaucoup de choses étaient dites sur cet endroit et peu savaient si ce n'était que rumeur ou la simple vérité... Ce qui était vrai néanmoins était le fait que dans cet arbre si particulier, blotti sur un drap recousu à mainte reprise, dormait à poings fermés une femme sur laquelle d'autant plus de choses étaient dites. Dans son sommeil agité de cauchemars et de hurlements toujours plus persécutant au fil des années, elle semblait pourtant être une personne douce et simple. Ses longs cheveux blancs tombaient de son matelas pour presque s'étaler sur le sol, cachant une partie de son visage aux traits fins. Une trentaine d'années la séparait de sa naissance, mais elle avait gardé une jeunesse accablante, si bien que beaucoup de gens la pensaient encore jeune adulte. Mais ce n'était pas de cela dont les gens parlaient le plus. Julie était une mage. Une sorcière pour certains, une hérétique pour d'autres. C'est pourquoi la seule présence dans cette maison était la sienne. Seule, perdue au milieu de la plus grande forêt du pays, elle vivait en ermite. Néanmoins, cela lui plaisait bien. Elle avait beaucoup de mal à s'entendre avec les gens à cause de son tempérament froid et impérieux...

Soudain réveillée par le hurlement de trop, elle se redressa haletante et transpirante. Elle frotta son visage d'une main tremblante, essuyant au passage les larmes que laissaient s'échapper ses beaux yeux dorés fendus, mais cernés à l'infini. Se hissant hors de son lit, elle courut vers un bout de miroir brisé fixé au mur de sa chambre. Une chambre aussi large que l'arbre lui-même et parsemée de meubles récupérés ou bricolés. Elle n'arrivait pas à sécher ses larmes, mais son reflet lui, la toisait de son regard vicieux.

"Ça te plait, hein ? lui demanda-t-elle."

Celui-ci ne lui rendit qu'un sourire malsain et satisfait avant qu'elle ne brise le miroir d'un coup de poing. Ses dents acérées comme des lames de rasoir luisaient à la lueur de l'aube qui passait par les volets ajourés. Elle desserra la mâchoire et descendit dans ce qui lui servait de salle à manger en se bandant la main avec un tissu. Le lien entre sa chambre et le rez-de-chaussée tenait à une simple échelle en bois et la salle à manger n'était rien de plus qu'un débarras de bizarreries entassées avec les années. Deux tables se partageaient l'espace, une près des fenêtres contre un mur et l'autre, plus petite, près de la porte d'entrée. Les bizarreries ressemblaient à des enchevêtrements de plantes et de roches plus ou moins grosses et formant de drôle de talisman magique pendant un peu partout. Les murs étaient recouverts de plantes débordant de leur pot et croulant sous leur propre poids. La pièce était très lumineuse grâce à deux fenêtres creusées dans l'écorce et parées d'un verre fait sur mesure, bien que terni par les années.

À peine eut-elle descendu l'échelle faisant le lien avec le rez-de-chaussée qu'une bête sauvage d'une violence inouïe lui sauta à la gorge.

"Georgette ! Arrête tu vas mettre des plumes partout, ricana légèrement Julie en attrapant le gallinacé au vol."

Elle reposa son amie sur sa table et prit une miche de pain à la place. La séparant en deux pour en donner à la poule, elle mangea sa part en silence, assise à la table contre le mur. Son regard passa mélancoliquement par la fenêtre sur sa gauche qui donnait sur l'arrière de sa cabane. La vue était rapidement coupée par la densité de la forêt en lui donnant un air légèrement lugubre qui rassurait la magicienne. Elle avait néanmoins un semblant de jardin tout autour de sa bicoque fait naturellement par les racines de son arbre qui avaient empêché les autres de pousser trop près.

Le prix de la folieOù les histoires vivent. Découvrez maintenant