Le masque de la colère

2 1 0
                                    


Le trajet était silencieux. Personne ne semblait avoir le moral à part 113 qui n'osait pas trop le montrer de peur de donner de mauvaises idées à Brena.

"Pourquoi il a le droit à un cheval, lui ?" demanda-t-elle.

"Parce que sinon il va nous ralentir", répliqua sèchement Keryll.

"Ça se tient. Et en même temps si on l'attache au cheval on pourrait même aller au galop !"

"Moi ce que j'aimerais savoir c'est pourquoi c'est à moi de me le coltiner", ajouta Ni'iterci.

Un regard noir de la part de Keryll suffit à arrêter ces jérémiades.

"Nous venons à peine de quitter le fort et nous avons un long chemin pour traverser les marécages d'Algirus. Alors, épargnez-moi vos remarques stupides."

"Permission de parler, madame ?" demanda respectueusement Brena.

"Accordée ?" se risqua Keryll.

"Pourquoi partons-nous vers l'Est si notre objectif est Oshensta ? Nous ferions mieux de rejoindre Dayand par bateau et de traverser Asterite vers l'Ouest non ? C'est plus court..."

"C'est une bonne remarque, repris Ni'iterci, mais Oshensta est un royaume humain. Et pour ta gouverne nous sommes en guerre contre eux alors tu te doutes bien qu'ils ont bloqué leur frontière... Notre seule chance d'entrer c'est de passer par la mer en venant d'Ambrios ou de faire le tour complet du continent pour quand même entrer par la mer... Donc finalement c'est plus court par là..."

Brena eut un petit rictus énervé en étant pris pour une idiote comme cela, mais se contint pour ne pas offusquer sa Générale.


Le peuple Drake était composé de reptiles humanoïdes pas spécialement amoureux des étrangers et vivants renfermés sur eux-mêmes. Le seul chemin qui permettait de traverser les marécages était une vieille jetée de bois de plusieurs centaines de kilomètres de long et très peu entretenue. Ce pays était dangereux et de nombreux aventuriers et voyageurs s'y perdaient régulièrement s'il ne le suivait pas, car il était très déconseillé de faire quelques brasses dans l'eau trouble. Parfois les Drakes les trouvaient à temps et les emmenaient jusqu'à la frontière de leur territoire en leur défendant de revenir, mais souvent on ne les revoyait jamais. Keryll espérait vraiment ne pas tomber sur eux, car sa mission l'obligeait à continuer, peu importe l'obstacle. Sachant que le pays bordant Algirus était Fardis, le deuxième royaume humain contre lequel elles étaient en guerre, s'ils voulaient les repousser jusqu'à la frontière, cela signerait un arrêt de mort. Le leur ou celui des Drakes. Elle préférait à la limite tomber sur une bonne vieille créature dénuée de civilisation pour lui mettre une dérouillée rapide. La politique ou la diplomatie n'était pas vraiment son fort. Brena était une brute qui frappait avant de réfléchir, 113 n'avait aucune expérience dans ce genre de domaine et Ni'iterci lui était inconnu donc il était difficile de compter sur ses compétences. Toujours est-il que les premières heures de voyages se passèrent sans encombre et ils purent se frayer un chemin jusqu'au milieu du territoire. Il était assez difficile également de dire quelle heure de la journée il était. Le brouillard ambiant ne laissait pas vraiment la place à l'observation du ciel. Ce genre de temps était détesté par les Nar', l'humidité sur leur pelage étant très désagréable. De plus cette humidité rendait impossible l'allumage d'un feu de camp pour se réchauffer ou faire cuire la nourriture. 113 était habitué au fait de ne pas manger et les autres étaient des guerrières d'élite surentraînées donc ce n'était pas ça qui les gênerait le plus.

Le jeune Nar' avait prié tous les dieux qu'il connaissait pour les remercier de cette aventure. Agrippée à la taille de Ni'iterci, il observait les environs, envoûté par le parfum de camélia s'échappant de la chevelure rousse de sa cavalière qui dépassait légèrement de son heaume.

Le prix de la folieOù les histoires vivent. Découvrez maintenant