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L'amour que je porte à des objets qui peuvent sembler inintéressants pour la plupart des êtres, ne concerne pas que ceux qui appartiennent à d'autres personnes.

Il va jusqu'à tous les petits bibelots qui trouvent écho à mon cœur, lorsque je tombe dessus.

Et il y a une breloque, toujours présente à mon poignet gauche, qui occupe plus de quatre-vingt-dix pourcents de cet amour-là.


Au début de l'avenue qui mène à ma Fac se trouve une boutique tirant plus de la brocante que de l'antiquaire, tenue par une vieille dame qui semble porter toute la peine du monde sur son dos, malgré les larges sourires qu'elle offre à tous ceux qui poussent la porte de son échoppe.

J'aime y passer du temps quand des heures se libèrent dans mon planning, y fouiner, effleurer du bout des doigts les meubles en bois sombre et observer le regard des gens changer lorsqu'un objet trouve son chez-lui dans leur cœur.

Il est rare que je reparte avec quelque chose, mais lorsque c'est le cas, celui-ci gagne une place de choix dans mon univers.

Comme cette breloque en forme de bonhomme en pain d'épice, au bronze lissé et patiné par les années, qui ne me quitte même plus lorsque je prends ma douche.


Mais peu importe à quel point j'aime ce lieu et ce qu'il m'apporte, je concède volontiers m'attacher bien plus aux objets perdus plutôt qu'à ceux qui ont été abandonnés et vendus pour faire de la place dans un grenier ou une armoire.



Je remontai le col de mon manteau jusqu'à mon menton, réajustant mon écharpe sur mon nez alors que la porte du hall de mon immeuble se refermait derrière moi dans un grincement sourd.

À peine avais-je parcouru dix mètres que le froid piquait déjà mes mains, s'attelant à leur faire prendre une teinte rouge allant jusqu'au violet.

Le temps qu'elles se réchauffent, je sentis que le début de cette journée serait un calvaire, installé dans le premier amphithéâtre.

Et comme chaque jour de la semaine, je n'allais songer qu'à quand mes doigts congelés cèderaient sur le clavier de mon ordinateur, et ce, pendant au moins les trente premières minutes du cours.


Je fourrai aussi profond que je le pouvais mes mains dans mes poches, parcourant d'un pas rapide les six cents mètres qui me séparaient de la bouche de métro.

L'air chaud de celle-ci brûla mon visage déjà bien refroidi alors que je dévalai les escaliers, amenant avec lui les odeurs de pollution de la ville.

Mes pieds s'ancrèrent sur le quai tandis que j'essayai de détendre mes épaules, qui n'avaient pas attendu longtemps avant de se contracter sous l'effet du froid.


La rame ne tarda pas à arriver et je m'y engouffrai, calant mon dos contre la porte opposée pendant que je fouillai dans mon sac pour en sortir mon livre du moment :

l'histoire d'une jeune femme ayant perdu la mémoire en arrivant dans un nouveau pays.


Pour une fois, le trajet se déroula sans grand retard – aucun enfant ne s'amusa à tirer sur le loquet d'arrêt d'urgence – et rien ne me fit lever le nez de ma lecture avant l'annonce de mon arrêt, pas même la femme qui ne cessait de prononcer bruyamment des jurons au téléphone, comme si la terre lui appartenait.

À l'approche de ma destination, je me glissai dans le flot des gens qui se massaient devant les portes et attendis mon tour, priant pour ne pas me faire écraser le pied comme d'habitude.

Malgré mes précautions à me tenir en retrait pour sortir en dernier, le karma avait l'envie de s'acharner jour après jour sur la bonne santé de mes orteils.


Le métro se stoppa enfin alors que des murmures impatients se faisaient entendre et la foule se déversa dans le couloir, se divisant entre les adeptes des escalators et ceux des escaliers.

Je dois avouer que je n'ai jamais compris ceux qui se dirigent vers le premier et qui se permettent de râler parce que quelqu'un se stationne sur la marche juste devant eux. Pourquoi ne pas prendre directement l'escalier s'ils sont si pressés ?


Ruminant encore et mon pied à peine en dehors du wagon, le coin de mon œil gauche fut attiré par un éclat doré qui chutait au sol dans un petit « cling » proche du bruit que fait le plastique dur lorsqu'il rencontre le carrelage.

J'aperçu ensuite, lorsque la foule fut passée, à moins d'un mètre de moi, tout près du mur qui soutenait les deux sorties, un collier en perles colorées, comme ceux que les enfants chérissent quelques semaines après les avoir obtenus dans les distributeurs de bord de mer.

Et l'homme qui me précédait – son propriétaire peut-être ? – réajusta la bretelle de son sac sur son épaule avant de remettre correctement son écharpe et de disparaître dans les escaliers dans un halo de cheveux roux.

Il [T.1]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant