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Sa présence sur ma commode ne cessait de m'attirer à chacun des passages que j'effectuai dans la chambre.

Et je commençai à comprendre l'attraction mortelle qu'éprouvaient les guêpes pour le sucre.

Si j'avais été dans un bouquin à l'univers fantastique, j'en serais peut-être venu à admettre qu'il m'appelait après avoir accepté que j'avais des pouvoirs spéciaux, me suppliant de le ramener chez lui à chaque fois que je trouvais le sommeil.

Mais je n'étais pas un personnage de roman et un collier en toc, qui ressemblait plus à un jouet de mauvaise facture qu'à un bijou fantaisie, n'était pas censé avoir une telle emprise sur moi.

Pourtant, à chaque fois que je le détaillais, blotti dans la tasse à thé en bois où je l'avais laissé en rentrant de la fac le jour où je l'avais ramassé, une tristesse douloureuse se mettait à gronder dans ma gorge.

Et puis, j'en venais irrémédiablement à penser à cette tignasse rousse, qui s'éloignait alors que les mots refusaient de sortir de ma bouche malgré mon envie de l'interpeler et ma main qui se tendait vers lui.


Son attraction me déstabilisait tant qu'un lundi matin, il trouva sa place dans la poche de mon jean et mon esprit, qui se trouva rapidement apaisé par ce geste ainsi que cette décision se mit en quête du propriétaire du collier.

Mais cette dernière, malgré les indices qui flottaient dans ma mémoire, s'avéra bien plus compliquée que ce à quoi je m'étais attendu.



Une certitude m'étreignait, vu l'arrêt où il était descendu, il s'agissait d'un étudiant.

Mais elle ne m'aidait pas pour autant, car même au sein de ma promotion, nous n'avions pas tous les mêmes horaires, rien que par nos options.

Sans compter qu'ils avaient tendance à varier d'une semaine à l'autre.


Alors je pris l'habitude, comme la rencontre avait eu lieu un mercredi, d'être sur place ce jour-là, dix minutes avant l'horaire où elle s'était produite.

Cependant, peu importe mon envie et mon attention, la saison fila, mais le collier ne retrouva pas le chemin de celui dont il avait orné le cou au creux de l'hiver.


Un temps, je crus que ma perception des choses avait changé lorsque je découvrais un objet échoué dans le renfoncement d'un mur ou au bord d'un trottoir, mais je me rendis vite compte que ce n'était pas le cas.

Je ne ressentais pas ce besoin pressant de retrouver son propriétaire.

Je n'en rêvais pas non plus la nuit, au point de me demander s'il n'y avait pas un indice dans mes songes, comme cela m'arrivait pour le collier.

Je me contentais juste de le glisser dans ma poche, à la manière d'une pièce de monnaie avant de mettre ma main dans l'autre et d'effleurer du bout des doigts le fermoir du collier pour m'assurer qu'il était toujours là.

Et c'est ainsi que s'égrenèrent les mois, entre découvertes et désillusions, jusqu'au week-end de Pâques qui entamait la semaine des vacances de printemps.


Les marches défilaient sous mes chaussures qui couinaient, encore humides de l'averse qui m'avait accompagné de la sortie du métro jusqu'au bâtiment où se trouvait la bibliothèque universitaire.

Je ralentis le rythme en arrivant dans le couloir du dernier étage et poussai le plus silencieusement possible les lourdes portes qui menaient aux rayonnages abritant la section commerce.

À peine installé dans l'un des fauteuils qui bordaient les allées, ma main se glissa instinctivement dans ma poche droite et effleura le fermoir du collier, dont je savais la couleur ternie à force de vérifier sa présence.

Même s'il retrouvait sa boite chaque soir, dès que je rentrais de la fac, il avait continué d'élire domicile dans ma poche malgré la baisse de ma conviction à retrouver ce halo de cheveux roux.


Rassénéré et les chaussures moins bruyantes, je me glissai dans les rayonnages à la recherche de manuels traitant de ce qui avait pu me faire défaut lors des partiels.

Ma semaine de vacances n'allait pas tarder à débuter et je comptais bien mettre à profit ces quelques jours pour combler mes lacunes entre deux repos afin de ne pas laisser mon année s'échapper.

Surtout après tant d'efforts.

Et ce fut les cheveux encore humides et les bras tremblants sous le poids des livres que je le vis, installé sur l'une des tables de travail, dans le seul endroit où je ne l'avais jamais cherché et où je passais le plus clair de mon temps libre.

Il [T.1]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant