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La pluie avait cessé et nous nous étions installés sur l'un des bancs protégés par le préau qui jouxtait le bâtiment de la bibliothèque.

Al se balançait légèrement et je le voyais réfléchir à ce que je venais de lui expliquer.


— Et tu dis que c'est la première fois ? fit-il en regardant les quelques gouttes qui s'échappaient encore de la gouttière la plus proche.

— Oui.

— Pourquoi ? C'est dommage. Quand je vois la détresse que j'ai ressentie à sa perte et le bonheur qui a surgi lorsque tu l'as glissé devant moi, je trouve ça vraiment dommage que d'autres ne puissent pas ressentir la même chose en récupérant un objet qui leur est cher.

— Mais comment savoir s'il est important pour eux et que ce n'est pas une breloque achetée initialement pour une soirée à thème ? demandai-je, dubitatif, bien qu'un peu emporté par son enthousiasme.


Al tapota son torse de sa main droite avant de tourner son visage souriant vers moi.


— Avec le cœur. C'est lui qui t'a poussé à me retrouver.


Je haussai les épaules, peu certain d'attribuer ce que j'avais ressenti à une injonction de mon palpitant, mais hochai finalement la tête.


— Alors c'est bon pour toi, on essaye ?

— Je ne sais pas si... commençai-je.

— Les objets sont importants et je sais que tu es d'accord avec moi. Essayons seulement sur notre temps libre. Que fais-tu la semaine prochaine ?


Je restai interdit, muet pendant quelques secondes, n'osant dire que je comptais passer ces jours de vacances à bûcher dans le noir de ma chambre.

Sur le moment, ça me semblait idiot.

Idiot de continuer à vivre seul dans mon coin.


Alors j'ouvris de nouveau la bouche pour déclarer, sans songer à ce qui allait en sortir :


— Je dessine. Peut-être que si je couche sur papier ce dont je me souviens de ces personnes, ça pourrait être utile ?


Et Al rayonna, plus que le soleil n'avait pu jamais le faire dans la région.



Les pieds sur le pas de la porte de mon appartement et la bretelle de mon sac en équilibre sur mon épaule, l'impression d'oublier quelque chose de crucial me tiraillait le ventre.

Mais j'avais beau faire le point dans ma tête de tout ce dont j'avais besoin pour l'après-midi, rien ne manquait, hormis l'assurance qui me caractérisait la plupart du temps.


Les doigts tremblants, je verrouillai la porte d'entrée avant de me glisser dans les rues, le souffle court.

Si tout se déroulait comme je l'avais prévu, je devais arriver sur les lieux du rendez-vous avec vingt minutes d'avance.

C'était le temps qu'il me fallait pour remettre de l'ordre dans mes idées, et éloigner le risque de passer pour un idiot.

Il [T.1]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant