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Il arrive, quand on espère désespérément quelque chose, de se retrouver démuni lorsque les astres s'alignent et que nous obtenons ce que nous désirons.

Mais j'avoue avoir pensé être au-dessus de ça.

Et pourtant, je me retrouvais à tenir bêtement mes livres à bout de bras, sans parvenir à faire un pas vers lui.

Je n'arrivais qu'à l'observer longuement, sans réussir à songer à ce que j'allais bien pouvoir faire ou dire.

Je le cherchais depuis si longtemps que j'avais maintenant peur de me sentir vide, une fois ma quête accomplie.


Après de longues minutes à me demander comment j'allais aborder les choses, je me mis en mouvement et dépassai le rayonnage pour rejoindre les tables.

Je déposai ce que je tenais entre mes bras sur la table qui faisait face à la sienne avant de m'installer sans qu'il ne relève la tête.

Je glissai alors la main dans ma poche et en extirpai le collier, le faisant glisser sur le revêtement laqué sombre jusqu'à ce qu'il arrive contre son carnet de notes.


Je vis son geste se suspendre et son visage se relever brusquement alors que son stylo s'échappait de sa main pour rebondir sur la table dans un bruit de plastique.

La surprise se lisait dans ses yeux, mélangée à de l'incompréhension et une étincelle de bonheur.

Et cette simple vue me réchauffa le cœur, éloignant les doutes quant à mon avenir qui y séjournaient depuis les partiels.

Je retrouvais dans son regard la même sensation que j'éprouvais lorsqu'un objet, qui m'était cher, refaisait surface après plusieurs mois à le chercher.


Il lui fallut du temps pour se reprendre tant il était fébrile, peut-être plus que je n'en avais eu besoin moi-même pour m'approcher, mais il tendit doucement ses doigts en direction du collier, comme s'il se demandait si c'était bien réel.

Il l'effleura ensuite avant de le nicher au creux de sa paume.


— Merci, fit-il après quelques instants en me regardant, un sourire apaisé sur les lèvres.


Je haussai les épaules, ne sachant que faire de ses mots.

C'était la première fois que je cherchais à rendre un objet et je l'avais fait plus parce que quelque chose faisait pression en moi, plutôt que pour rendre le sourire à quelqu'un.


Sa main libre s'avança vers moi et je la pris, plus par réflexe qu'autre chose alors qu'il redressait ses épaules avant de murmurer pour ne pas déranger ceux qui étudiaient autour de nous :


— Alphonse, mais on m'appelle Al. J'avais fait une croix sur l'espoir de retrouver mon collier...j'ai séché les cours cette journée-là pour fouiller toute la station et le chemin que j'avais emprunté, mais il n'y avait rien. Pas plus aux objets trouvés de la ligne, qu'à ceux du quartier. Alors merci de m'avoir trouvé.

— Piotr, répondis-je avant d'ajouter avec une grimace, et on m'appelle juste Piotr, parce qu'aucun diminutif n'est vraiment...approprié.


Un rire discret s'échappa de ses lèvres et il acquiesça en me serrant la main avant de la relâcher.


— Je comprends. Enchanté. Mais pourquoi m'avoir cherché ? La plupart des gens n'auraient pas ramassé une merdouille pareille. Ou s'ils l'avaient fait, ça aurait été pour l'abandonner dans la poubelle la plus proche. Pardon, je suis étonné, se sentit-il obligé d'ajouter face à mon air intrigué.

— Il n'y a pas vraiment de raison. Je ne pouvais pas le laisser là, mais j'essaye encore de comprendre pourquoi j'ai ressenti le besoin de le rendre et de ne pas le laisser dans une boîte avec toutes ces autres choses que je récupère.


Il hocha la tête, comme si ce que les gens considéraient comme une manie, de ramasser des objets échoués au sol, n'en était pas une, mais plutôt un acte tout à fait naturel.

Et c'était un sentiment étrange de rencontrer quelqu'un qui semblait penser comme moi.


Il se leva ensuite, époussetant son jean et replaça sa chaise en douceur sous la table avant de glisser le collier dans la poche de devant de son sac, son carnet de notes et son manuel ayant élu domicile dans la poche principale.

D'un signe de la main, il m'indiqua les portes par lesquelles j'étais entré une vingtaine de minutes plus tôt.

Et se mit en marche vers celles-ci.


— Veux-tu bien me raconter ? Ce qui t'a mené à moi ?

Il [T.1]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant