ꜱᴏᴜᴄɪ

2°

Et sans en avoir vraiment décidé, Alhaitham se retrouve à rester avec Kaveh.
Peut être que, au grand dam de celui-ci, il est comme les autres et que sa curiosité envers Kaveh ne fais que s'accroître, attiré sans cesse par cette personnalité atypique.

Et peut être qu'un jour il sera de ceux qui fermeront la porte derrière ces questions sans réponses.
Qu'à jamais Kaveh restera une personne étrange.

Ces pensées sont coupés par celui-ci.

"- Regardes...

Kaveh affiche un air fier tout en tenant dans ses mains un calepin à dessin qui ne semble jamais le quitter.
Un petit portrait se distingue au coin de la feuille jauni.

- C'est toi."

Alhaitham reconnaît certain de ses traits dans le croquis, son air morne, les ondulations de ses cheveux, ses lèvres droites, pourtant il ne voit qu'une chose.

"- Je n'ai pas les yeux aussi grand."

Kaveh laisse échapper un léger rire tout en affichant un air narquois.

"- C'est tout ce qui t'interpelle ? Tu ne soulignés même pas la justesse de ses traits ?"

Dit-il en feignant un air faussement outré tout en portant une main à sa poitrine.
Puis son ton devient plus sérieux, ses yeux se perdent un instant dans le vide, son sourire reste là, toujours, comme une habitude.

"- Les gens savants comme toi voit le monde en grand, ils veulent tout comprendre, tu as besoin de grand yeux pour que rien ne t'échappe."

Ses mots semble rester en suspend, résonner en un murmure dans la pièce.
Une accalmie déroutante.
Le silence de Kaveh, les légers bruits de son crayons sur le papier.
Le silence de d'Alhaitham, les mots qu'il ne trouve pas, le sens de ceux du blond qui lui échappé.

Le silence est une nouvelle fois brisé par Kaveh.

"- Tu m'accompagnes ?"

L'air perplexe qu'affiche Alhaitham ne fait qu'aggrandir davantage son sourire, et un nouveau rire échappé à ses lèvres.

"- Je voudrais aller dans la forêt cet après-midi, te joindrais tu à moi ?"

Et Alhaitham accepte.
Parce qu'il est jeune, qu'il court après les mystères et que Kaveh en est un qui ne parvient toujours pas à résoudre.

_________

Les bruits discrets de la forêt remplace les conversations.
Il n'y a que le son des pas feutrés des deux jeunes hommes, celui des feuilles qui se froissent à leur passage, et les écho lointain de l'envol des oiseaux qui percent l'épais feuillage des arbres.
Kaveh emboîte le pas, et à chaque pas Alhaitham a l'impression qui lui échappe davantage, qui s'éloigne sans cesse, avec entre ses mains, la solution de cette énigme insensée.

Qui es-tu ?

Des milliers de questions lui brûlent les lèvres, et peut être bien qu'il y en a encore plus.
Et Kaveh semble s'éloigner, loin, toujours plus loin.

"-Kaveh."

Celui-ci se retourne, une expression de surprise se lit sur son visage juvénile.
Peut être lui a-t-il répondu, mais Alhaitham ne perçoit pas sa voix, il n'entend que la cacophonie, le bourdonnement permanent de ses questions, de ses incompréhensions.

"- Pourquoi restes tu avec les autres ?...

Il marque une pause, le visage de Kaveh affiche une expression impassible, insaisissable.

- Il ne t'apprécie même pas, je sais que tu entend ce qui se dit dans les couloirs."

L'air imperturbable de Kaveh demeure, puis, alors qu'il reprend sa marche, semble plonger dans une profonde réflexion.

"- Je ne sais pas, je pense simplement qu'on gagne beaucoup à comprendre les autres."

Ses yeux se perdent dans la contemplation du ciel partiellement recouvert par le feuillage des arbres.
C'est à cet instant que Alhaitham remarque le contraste singulier entre le ciel azur et les yeux rubis de Kaveh.

"- En comprenant les autres on démultiplie les images du Monde, les choses nous apparaissent différents, elles prennent un tas de signification distinctes."

Son regard se plonge dans celui d'Alhaitham.

"- Chacun à un Monde dans son cœur, il n'en existe pas un, mais des milliers, des milliards, il existe autant de Monde qu'il y a d'Hommes."

Alhaitham reste pendu à ses lèvres, boit ses paroles insensé.
Et Kaveh se rapproche, toujours plus.

"- Tu comprend ?
- Oui."

Tu es si loin.

"- Comment est ton Monde Alhaitham ?"

En même temps que ces mots franchissent ses lèvres, un frisson d'angoisse traverse le dos de Alhaitham.

Toujours plus loin.