Une maladie addictive.

5. Eric

Je n'en reviens pas. Elle est là, c'est elle. La femme du casino est dans la même pièce que moi. Dans ma maison. La vie vient de réaliser un de mes rêves les plus fous.

Revoir la fille qui a réussi à assouvir mes désirs le temps d'une soirée. Qu'est-ce que j'aurais donné pour pouvoir la retrouver et la baiser une seconde fois, pour ressentir l'extase dans lequel elle m'a mis. Mais malheureusement, la vie en a décidé autrement.

Elle est belle, petite mais imposante. Sa robe blanche marque sa taille à la perfection, mais laisse place à l'imagination, le contraire de celle du casino. Ses seins, que je pourrais reconnaître entre mille, sont cachés par ce fin tissu que je rêverais d'arracher. Ses cuisses délicieuses sont elles aussi cachées par la longueur de son vêtement. Qu'elle est bandante.

Mais elle n'est qu'une pauvre fille qui jouit de la gentillesse de son compagnon. Jason est fou d'elle, ça se ressent rien qu'aux doux et intenses regards qu'il lui lance. Ne la satisfait-il pas ? Il m'a pourtant assuré qu'ils étaient l'un de ces couples qui baisent à longueur de temps. Quelle salope ! Ferme ta gueule Eric, tu peux pas en dire autant.

Bon, j'avoue qu'elle pourrait exactement me reprocher la même chose. Mais moi, je suis malade. Je suis atteint du syndrome de l'hypersexualité ou, encore comme mon psy aime tant l'appeler, la "sexualité compulsive". Je ne peux pas contrôler mes envies sexuelles. J'ai essayé de les refouler, mais dès que je suis pris d'un gros manque, je perds tout contrôle et me rue sur tout ce qui bouge. Mais imagine, c'est pareil pour elle... Bien sûr que non, cette forme d'addiction est très rare, elle apparaît souvent dû à de gros traumatismes, comme des viols ou des agressions, la perte d'un enfant, ou alors il y a des personnes qui sont dépendantes d'une drogue ou de substances illégales et qui refoulent cette addiction dans le sexe. Dans tous les cas, peu importe comment tu entres dans cette assuétude, il est très rare d'en sortir. Et je suis prêt à parier que cette femme est loin d'avoir subi un de ces traumatismes.

Même moi, avec tout ce temps et cette énergie à essayer de changer, j'en suis au même stade... Enfin presque. Depuis quelques mois, mon psy me rabâche sans cesse qu'il faut que je stoppe mes parties de jambes en l'air avec des inconnues si je veux guérir. Et pour ça, il voudrait que j'en parle enfin à Manon – ce qui est tout à fait impensable –, soit que je me trouve un ou une partenaire avec qui je pourrais assouvir mes besoins vitaux, qui aurait les mêmes intentions que moi. Depuis la soirée au casino, il m'a proposé de retrouver la demoiselle et d'établir une sorte de contrat. Au début, j'y ai vraiment réfléchi, je trouvais ça même pas trop mal. Si j'arrive enfin à ne coucher qu'avec deux femmes au lieu de quinze en une semaine, ce ne sera que bénéfique. Mais j'ai gentiment décliné à la consultation suivante.

Imaginer Manon, m'attendre tous les soirs pendant que je baise sans relâche une fille qui m'excite peut-être encore plus que mon épouse me brise le cœur. Alors je préfère m'envoyer plein de nanas que je ne reverrai sûrement plus jamais. J'ai légèrement moins l'impression de la tromper. Je sais qu'il n'y aura pas d'attache avec elles.

Je regarde Maddison s'asseoir à côté de Jason. Étant mon adjoint d'entreprise, il aurait dû s'asseoir à ma table accompagné de sa tendre et fidèle copine, mais me retrouver à deux sièges d'elle est impensable. Mon désir risque de monter et je ne suis pas sûr de pouvoir le supporter. Surtout que mon grand-père est censé nous rejoindre pendant le dîner. Après tous les viols qu'il a exercés sur moi, le voir ne me fait plus autant souffrir, je sais qu'il ne pourra plus jamais me toucher. Je suis bien plus fort que lui, maintenant. Le petit enfant de neuf ans que j'étais n'en serait pas sûr...

Ce qui me fait souffrir, par contre, c'est d'avoir assisté à ce qu'il a pu lui faire, à elle. Savoir que jamais je ne pourrais la venger et que je devrais mourir en enterrant ce secret avec moi brise le cœur de mon enfant intérieur.