4.FRICTION...

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Je me réveillais en sursaut suite à un mauvais rêve. Je m'étais vue étrangler puis ensevelir par un homme dont je ne vis pas le visage. En sueurs, le cœur battant légèrement, je tâtonne sous mon oreiller pour tirer mon téléphone. Il était trois heures quinze minutes du matin.     Fichu cauchemar, mon sommeil s'en était envolé. Engourdie, je me traînais jusqu'à la cuisine où je me servais d'un verre d'eau que je bus d'une traite avant de retourner sur mon lit. Je détestais ce genre de situations où je me retrouvais à faire face à mes pensées. Surtout en cette nuit calme, où mes doutes les plus enfouis ressurgissent me causant une angoisse. D'un coup, plusieurs questions se bousculaient et à force de tenter d'y répondre, je me retrouvais dans une grande anxiété. Que ferais-je une fois mes études achevées ? Comment vais-je faire face à mes parents le moment venu pour les faire comprendre que désormais je n'étais plus leur petite fille innocente qui a quitté le Sénégal pour l'aventure au Maroc ? A vrai dire, je ne me suis jamais vraiment penchée sur ce que je voulais vraiment être dans la vie ou où je me voyais dans le futur. C'était une question que je ne m'étais jamais réellement posée et d'ailleurs mes parents aussi ne m'y ont jamais poussées. Faute de quoi, à l'école, à chaque fois que l'on nous demandait ce que nous voulions devenir plus tard, les réponses comme pilote, hôtesse de l'air, médecins, avocat, présidents et j'en passe fusaient de partout. Moi je ne savais jamais à quoi y répondre et me confortais à la phrase que mon entourage me jetait juste après : <<Ne t'inquiètes pas, tu es encore jeune, tu as le temps d'y penser>>. Mais ai-je réellement une chose qui me motive aujourd'hui que j'ai atteint ma majorité ? Une chose qui serait ma raison de me lever le matin ? J'ai beau y réfléchir, rien ne me venait à l'esprit. J'en ressentais de la pitié envers moi-même. Pas moyens d'arrêter la spirale de questions. J'en venais à vouloir me cogner la tête contre le mur. Je ne voulais en aucun cas douter de moi, où à penser négativement de ma nouvelle vie. Je me le refusais car c'était tout ce dont je n'avais jamais vécu proprement ; ma jeunesse.

           L'horloge de mon téléphone affichait maintenant quatre heures du matin. Je me rapiéçais en boule, tirant bien la couverture sur moi et décidais de forcer mon sommeil coûte que coûte. C'était la seule solution pour noyer ces idées existentielles qui s'avèrent négatives à prime abord sur moi. Je ne voulais pas penser à demain mais juste vivre ce présent que j'avais dernièrement.

C'est sans surprise que je me réveillais le lendemain fatiguée, la moitié du crâne qui faisait mal. Pas de possibilités de faire la grasse matinée, j'avais un cours dès le matin. Comme une automate, je prenais une douche rapide et enfilais des vêtements amples mais chauds. Un bol de céréales ensuite et me voilà engageant les escaliers. Il devait surement m'attendre dehors. Avec un grand sourire je poussais sur la porte et me retrouvais sur la devanture. Mon sourire se rétrécit aussitôt. Il n'y avait personne. Je balayais rapidement la rue des yeux à la recherche de sa silhouette en vain. Aucune trace de lui alors que cela fait quand même plus de deux mois que je le retrouvais au même endroit, jamais un retard jusqu'ici. Je décidais toutefois de patienter un peu et me saisis de mon téléphone pour l'appeler. Je n'avais pas eu besoin de le faire jusque-là. On programmait souvent nos sorties à l'avance oralement avec l'heure exacte et ce moment venu, je le retrouvais en bas de chez moi sans faute à m'attendre. Boite vocale. Je réessayais une deuxième fois, puis une troisième. Toujours pas de réponse et je ne l'apercevais nulle part. Voyant que j'étais pratiquement en retard, je décidais de partir seule pour aujourd'hui, il a surement dû avoir un empêchement. Bien que cette idée soit facile à ingurgiter, je passais la journée dans les nuages, pire que d'habitude : plus le temps passait sans ses nouvelles, plus il était impossible pour moi de me concentrer sur ce que mes profs m'enseignaient. Je ne cessais de tomber sur son répondeur et ceci me rendait littéralement folle.

          C'est avec une grande délivrance que la sonnerie témoignant la fin de mes cours me parvint. Avec l'espoir de le retrouver devant mon établissement à m'attendre, je me ruais vers la porte en ne manquant de bousculer au passage certains parmi la marée estudiantine. Mais mon espoir me retomba rapidement quand je ne le vis aucunement comme ce matin. Je commençais à en perdre la tête alors que c'était juste des heures sans le voir. Je m'énervais contre ma personne en réalisant à quel point j'étais éprise de ce gars. J'en venais à en perdre mon sang froid pour une petite absence de quelques heures. La dernière fois que je l'avais vu, c'était juste hier soir bon sang ! Bredouille, je regagnais ma maison sans m'empêcher d'inspecter de nouveau le quartier à sa moindre trace. Rien. Déprimée, je passais une soirée morose assise près de ma fenêtre guettant les passants. Plus les heures passaient, une colère sourde montait en moi. J'étais en colère contre lui. Comment pouvait-il rester toute une journée sans essayer au moins de me contacter ? Il s'en foutait de moi visiblement et j'étais la seule qui en faisait autrement.

Mes Premiers DéboiresOù les histoires vivent. Découvrez maintenant