Chapitre 5 - Depuis quand Stella Summers recycle une robe ?

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Tyler était mort. Il n'avait pas survécu à cette énième fusillade.
Après m'avoir trouvée dans le placard, Jordan m'a renvoyée chez moi, dans un Uber, sans même m'avoir adressé un autre regard.

Avait-il honte de m'avoir révélé maladroitement son amour ou était-il pris de tristesse après la perte d'un autre frère ?

Ne sois pas si égocentrique Stella, il a perdu en l'espace de trois mois deux êtres chers. Tu n'as rien à voir là dedans.

Je n'arrivais pas à imaginer sa tristesse. Leur tristesse.

J'étais triste moi aussi. Je ne connaissais pas bien Tyler mais il avait toujours été cordial avec moi. Enfin, plus ou moins.

Je ne pus m'empêcher d'imaginer ce que Dean ressentirait s'il était encore en vie. La mémoire de Dean me rongeait de l'intérieur.

Je pensais beaucoup à ce que Jordan ressentait aussi. Ses confessions m'avaient laissée perplexe.
Je ne savais pas quoi en penser.

En réalité je n'avais pas envie d'y réfléchir. Ma vie était déjà assez chaotique.

Le soleil traversait la fenêtre de ma chambre et ricochait sur les murs.

Je n'étais pas ressortie depuis, c'est à dire depuis avant-hier.

Aria, Gigi ainsi que quelques curieux m'avaient laissé de nombreux messages. Restés sans réponse.

Je n'avais pas envie de retourner au lycée. Anne m'avait rédigé un mot pour expliquer que j'étais en dépression.

Je l'étais sûrement. J'en savais rien. Peu importe.

Ma mère n'était pratiquement plus à la maison. Elle avait étrangement beaucoup de séminaires de yoga.

Si on veut, elle testait différentes positions de yoga avec le peintre.

Mon téléphone bipa. L'écran indiquait un message de Jordan.

Je me précipitai dessus pour en découvrir le contenu.

On enterre Tyler demain. Tu peux venir si tu veux.

Je ne pus m'empêcher de penser combien cela a dû être difficile pour Jordan et ses frères d'organiser les funérailles de Tyler. Juste après celles de Dean.

J'y serai.

Sa réponse fut aussi rapide la mienne.

15h.



- Bonjour.

Je sursautai face à la voix de mon père.

On était le lendemain, le jour des funérailles de Tyler. Mon esprit était envahi de pensée angoissantes depuis l'incident.

Ironique que j'utilise le terme « incident ». J'étais bien la fille de ma mère.

J'étais obligée de minimiser ce qu'il m'était arrivé, j'étais déjà en train de péter les plombs.

- Bonjour, murmurai-je froidement.

Mon père se tenait debout dans la cuisine. Il n'avait pas allumé la lumière et sirotait son café comme si sa femme ne le trompait pas avec un homme à peine sorti de l'adolescence.

Ma relation avec mon père était ... compliquée depuis l'enlèvement. Je n'avais plus aucune confiance en lui.

- Tu vas bien ? Ça fait plusieurs dîners qu'on ne te voit pas.

- Je suis en dépression, tu te rappelles ? Donc non, ça ne va pas.

Il se racla la gorge. J'avais réussi à le mettre mal à l'aise.

- Oui, je me suis mal exprimé. Dis moi ce que tu veux pour aller mieux. Tu pourrais partir pendant les vacances de Noël. Je vous offre des vacances à tes copines et toi.

C'était typique de mon père. Il achetait ce qu'il ne pouvait pas avoir.

J'engouffra entièrement un donut au sucre dans ma bouche.

- Je n'ai plus de copines, balançai-je l'ai bouche pleine.

Mon père afficha une mine perplexe. Il ne comprenait pas comment sa fille pouvait ne pas avoir d'amis. Moi qui avais toujours eu tout ce que je voulais : amour, reconnaissance, argent, succès, ... Et de bonnes manières.

La fille du très respecté juge Summers n'aurait jamais dit une phrase aussi exaspérante. Elle aurait encore moins enfoncé un donut dans sa bouche comme un vulgaire policier diabétique.

C'était le gêne des Summers de réussir tout ce qu'ils entreprenaient.

- Ne te fatigue pas, ce n'est pas ça qui me fera oublier ce que tu m'as fait.

Il baissa ses yeux, remplis de honte et de culpabilité.

Ce n'était pas assez, j'avais encore envie d'en rajouter. J'étais pleine de rancoeur.

- Au fait, maman n'est pas à sa retraite de yoga mais se fait sauter à Palms Spring par le peintre.

La mâchoire de mon père se déboîta. Sa tasse de café s'échappa et tomba en grand fracas sur le carrelage italien de la cuisine.

Ça y est, je me sentais un peu plus légère.




Il s'agissait du même cimetière que pour l'enterrement de Dean. Leurs tombes allaient se retrouver côte à côte.

Subitement, je me trouvais trois mois en arrière. Je portais la même robe noire et les mêmes chaussures plates.

Ce jour-là, il pleuvait aussi. Le cimetière était vide à l'exception du porteur funéraire.

Non. Je n'allais pas y arriver. Je n'en étais pas capable.

- Tu es venue.

Jordan se tenait derrière moi, les mains dans les poches de son costume noir.

Des cernes entouraient ses beaux yeux verts. Il semblait à bout de force.

Je m'avançai et le pris dans mes bras. J'avais besoin de ressentir cette chaleur, celle que j'avais ressenti pendant l'attaque du gang adverse. Et lui aussi en avait besoin.

Il fut surpris mais ses mains entourèrent rapidement mon dos tremblant sous les sanglots.

Une main vint caresser ma chevelure. Je n'avais jamais remarqué à quel point Jordan avait été doux avec moi. En réalité, je m'en étais jamais vraiment rendue compte avant qu'il le fasse remarquer il y'a quelques jours.

Qu'est-ce qui clochait chez moi pour avoir préféré la violence et l'affection « tumultueuse » de Dean ? Je pensais réellement que c'était de la passion ?

La chaleur de Jordan se propagea d'abord dans mon buste puis gagna l'intégralité de mon corps. Je ne sentais pas la pluie.

Il m'aime. Enfin, c'est ce qu'il dit. Je ne sais pas quoi en penser. Mon esprit est trop embrumé par toutes ces larmes.

Jordan resserra son étreinte autour de moi. Je me blottis contre lui, mouillant par la même occasion son costume.

Pleurait-il avec moi ?

Jordan hoqueta et laissa brusquement tomber ses bras. Il eu un mouvement de recul.

Je me retournai alors mais mes yeux remplis de larmes et la pluie battante ne me permis de voir qu'une ombre.

- Salut princesse.

KIDNAPPÉE (Tome 2)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant