Peidu a lua em casamento

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(Artiste : ???)



La première bouffée d'air était toujours la plus délicieuse, celle qui emplit ses poumons enfumées à son réveil lui procura un bien si intense qu'elle n'y crut presque pas. Lorsque ses paupières se redressèrent doucement, le monde s'était métamorphosé. Le ciel n'était plus rouge, aucune falaise ne se dressait autour d'elle, le silence étouffant de la guerre ne comblait pas le chaos du deuil. Elle ne voyait qu'une simple plafond terne, des meubles bien rangés, et un soleil typique et lumineux qui filtrait à travers la petite fenêtre de la chambre. Elle soupira en sentant le matelas sous son corps s'affaisser, elle était drapée jusqu'aux épaules, un sentiment de fraîcheur se dégageait de son lit, elle avait l'impression de ne pas avoir ressenti un tel confort depuis des millénaires.

« Tu as dormi trois jours... tu m'as fait peur tu sais ? J'ai cru que tu ne te réveillerais jamais. »

Une petite voix cristalline brisa le calme des lieux. Flâne-Sentier cligna d'abord des yeux, paresseusement, avant de détourner son visage vers la personne qui venait de s'exprimer. Elle les écarquilla presque aussitôt lorsqu'elle reconnu son interlocutrice.

« Guizhong..? »

Ses cheveux avaient repris leur éclat châtain, presque gris, et flottaient naturellement autour d'elle. Elle bougeait gracieusement ses doigts pâles sur les cordes de sa cithare préférée, sans pour autant les pincer et en émettre le moindre son, elle les effleurait avec tant de délicatesse que son action ne ressemblait qu'à une succession de caresses illogiques. Sa tunique blanche s'évaporait en continuité sur ses extrémités, comme des bribes de poussières étoilées. Même son minois, éternellement juvenile, rayonnait de mille feux, ses beaux yeux bleus brillaient d'un éclat de malice délicieux, et sa jolie bouche rose s'étirait dans un sourire chaleureux qui brisa le cœur de la musicienne en le scrutant.
Est-ce un rêve ?

« Surprise ! Tu faisais déjà la Belle aux bois dormant quand je suis arrivée, donc je me suis permise de jouer quelques morceaux en attendant, j'espère que tu ne m'en veux pas. »

L'adepte fixa sa déité en plissant ses sourcils, effarée. Ses iris violets étaient voilés par la douleur et la consolation, un mélange inédit qui lançait sa poitrine la fit se recroqueviller brusquement sur elle-même. Elle sentait l'angoisse l'envahir, des sueurs froides reprenaient forme sur son épiderme glacée. Le bord de ses yeux était larmoyant, comme les rives d'une rivière après un jour de pluie, l'averse n'était pas loin.

« Ping ? Quelque chose ne va pas ? »

Ping.
C'était le surnom qu'elle lui avait donné, car elle adorait en fabriquer, surtout pour ses amis. Elle avait trouvé cette idée en observant une mare d'où s'écoulait une minuscule cascade d'eau, un cailloux surplombait son centre, une grenouille verte s'y trouvait et avait plongé dans l'eau dans un clapotis sonore. C'était en apercevant les ondulations de la surface réfléchissante, qui firent valser les lotus ainsi que les lentilles d'eau sur leur sillon, que l'inspiration avait implosé.
Ping.
Comme ces feuilles aquatiques qui s'amassent dans les bassins, qui n'ont ni racine, ni habitat fixe, la plus libre des plantes, en perpétuel mouvement.
Ping.
Un premier sanglot lui échappa en se remémorant cet instant. Elle ne comprenait pas ce qui lui arrivait. Était-elle morte elle aussi ? Était-ce le paradis ? Un simple songe beaucoup trop parfait ? Pourquoi lui revenait-elle ainsi ? Pourquoi était-ce si prompt à la souffrance de la revoir ?

« Ping ! »

Elle abandonna lourdement l'instrument bien qu'elle sache à quel point son amie détestait sa manie d'être aussi négligente. Le fracas fit frémir encore plus fort son poitrail enclin à des spasmes incontrôlables. Ses joues s'humidifiaient de plus en plus, même lorsque la déesse arriva à son chevet et passa sa main sur son front découvert, elle ne parvint à arrêter le saignement de sa tristesse, une hémorragie de larmes envahissait sa vision troublée. Elle mordit sa lèvre pour se contenir, en vain, le contact de sa peau chaude sur la sienne lui procurait des réminiscences si vives qu'elles en étaient insupportables.

« Guizhong... »

Elle gémit son prénom. Elle avait envie de l'hurler, de crier pour extérioriser tout ce qu'elle avait ressenti en voyant son tombeau, les secondes de souffrance qui avaient semblé être des siècles, l'amertume de rencontrer de nouveau son faciès paisible, alors même qu'elle s'apprêtait à lui faire ses adieux les plus sincères.

« Je suis là... »

Une paire de bras l'attira dans le creux de son cou, une étreinte avenante venait bercer son corps malmené par ses émotions bien trop humaines sur le moment. Elle se laissa aller contre le buste de sa compagne en espérant de tout son être que ce ne soit pas qu'un rêve, qu'elle ne s'en tire pas abruptement en réalisant qu'elle avait bien disparu, que ce câlin n'était qu'une illusion. Elle agrippa sa tunique aux nuances bleus et blanches, comme pour se prouver à elle-même l'existence palpable, donc véritable, de celle qu'elle aimait tant. En enfonçant ses ongles dans l'étoffe délicate, elle se murmura intérieurement une promesse qu'elle s'accorda, un contrat invisible qui pèserait dorénavant sur son cœur. Si ce n'était pas un rêve, alors elle profiterait de ce contact, elle profiterait de sa chaleur, elle en profiterait également pour la sauver, cette fois, faire en sorte que jamais la mort ne vienne frapper à sa porte. Aucune faucheuse ne menacerait sa nuque fragile, ni aucun tourment pourrait perturber sa longue vie de déité. Le temps devait lui avoir fait une faveur, elle tâcherait de la rendre à celle qui l'avait provoqué.
Ma douce et plus chère Guizhong.
Que je t'aime.

***

Si elle acceptait les avances du Soleil, ce dernier éclaterait de joie et réduirait le monde en cendres.
Si elle refusait, le Soleil ne brillerait plus et deviendrait aussi froid qu'elle, ne pouvant nourrir la Terre de sa splendeur.
Elle eut donc une idée, douloureuse mais idéale, et elle lui répondit : « donne-moi du temps pour y réfléchir ».
Depuis lors, chaque déclaration du Soleil est repoussée jusqu'à la prochaine, dans l'espoir de le voir étinceler tel l'étoile qu'il est, brûler tel la passion qui le consume.

Le Soleil et la Lune [GUIPING] Where stories live. Discover now