Ñao sei, ñao sei, ñao sei

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(Artiste : ???)




« Non ! »

Elle tendit sa main vers la silhouette qui fendait vers le corps à découvert de Guizhong, cette dernière ne remarqua même pas qu'on la prenait d'assaut dans son dos, et ce ne fut que lorsque son assaillant se trouva à quelques millimètres d'elle qu'elle réalisa le danger imminent qui planait sur sa personne. Une lance acérée, décorée de ronces comme une œuvre de mauvaises herbes, transperça son poitrail fébrile et la fit hoqueter de stupeur en sentant le métal pénétrer sa chair torturée. Une giclée de liquide écarlate s'évapora de l'entaille comme un feu d'artifice, son sang vint tacher le sol et des parcelles de poussière s'en dégagèrent, tel des cendres écumant d'un brasier nouveau.

« Pourquoi..? »

Les yeux écarquillés et larmoyants, la Déesse questionna son assassin avec véhémence, ignorant les motivations d'une démarche aussi cruelle. Ce dernier ne lui répondit rien, et se contenta de tourner sa lame dans ses tissus sanguinolents avant de la retirer sèchement, laissant un nouveau flot se déverser sous son coup fatal. La déité tomba à genoux, désemparée, son visage ruisselait de douleur. Malgré sa nature immortelle, sa constitution restait la même que celle d'un humain, le liquide qui coulait dans ses veines avait la même couleur, les fléaux qui effleuraient sa peau les mêmes effets, et parfois, elle subissait la même fragilité qu'eux. La faucheuse n'était pas le propre de l'Homme. Aucun être de Teyvat n'était épargné par les tréfonds du paradis ou de l'enfer, tous étaient contraint d'un jour s'éteindre sous la volonté d'un autre si ce n'était le temps. Flâne-Sentier l'apprît à ses dépends lors de ce trentième voyage dans le passé, malgré tous ses efforts, sa bien-aimée finissait toujours par périr dans des souffrances atroces sous ses yeux incompétents. Cette fois-ci, elle avait voulu rester à ses côtés pour ce moment fatidique, mais sa volonté seule n'avait suffit à arrêter le destin funèbre de la Déesse de la poussière de se produire.
Personne ne peut interférer avec l'Histoire.
C'était ce qu'une personne sage aurait finalement dit après tant d'essais vains, mais l'adepte n'était pas de cet avis, et son amour dépassait tout l'entendement dont elle était pourtant capable. Même si elle finissait presque pas s'habituer à avoir les mains tachées par le sang de son plus grand trésor, elle ne manquait jamais d'accourir vers sa dépouille avec toute la volonté dont elle pouvait faire preuve. Cette fois-ci, Guizhong avait assez de souffle pour lui sourire faiblement lorsqu'elle la prit dans ses bras pour serrer son corps froid contre le sien.

« Ping... »

Ses lèvres pulpeuses étaient d'un éclat encore plus mystique, leur nuance était si intense qu'elle en devenait paralysante, la couleur de son hémoglobine donnait à sa bouche cette douce teinte carmin qui anime la sensualité et l'effroi.

« Ne dis rien, il faut économiser tes forces. Ne t'en fais pas, tout ira bien. »

C'était un mensonge. Elles le savaient. Mais même si la voix de l'adepte flanchait et que ses yeux s'humidifiaient, il était beau d'avoir foi en ses tromperies. Elle avait fait en sorte d'accumuler le plus de savoir possible concernant la médecine, elle était dorénavant capable de soigner ceux auxquels elle tenait, cependant, peu importe le degré de puissance qu'elle accumulait au fil de ses tentatives, aucun de ses sorts ne suffisait à guérir les pauvres blessures de la déesse.

« Ping, il faut que je te dise quelque chose... »

La jeune femme aux cheveux bleus enlaça les doigts glacés de sa compagne et les pressa contre sa joue. Puis elle supplia du regard son amie de ne pas poursuivre ses propos, dans l'espoir vain de remarquer une énergie flagrante animer de nouveau ses cellules en cours de décomposition.

« Je t'aime, je t'ai toujours aimé. »

Il aura fallut trente vies pour qu'elle entende ces trois mots. Trente fois où elle se dévouait tantôt jusqu'à en crever aussi, ou certaines où elle tâchait de simplement admirer la joie de sa déité. Dans aucune de ces chronologies, elle n'avait tant attendu cette confession. La stupeur et le chagrin se mêlaient dans son cœur chamboulé, les larmes parlèrent à sa place et elle sanglota de plus en plus fort en observant les pupilles de l'autre s'obscurcir.

« Non... non pas encore... »

Oui, elle m'aimait.
Mais pas comme moi, je l'aimais.

***

Pour ravaler ses larmes et sa mélancolie, la Lune se scella à la mer, où elle déversa toute sa peine et s'unit avec les flots.

Le Soleil et la Lune [GUIPING] Where stories live. Discover now