4- Luna

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Assise à la table d'honneur, je regardais ma "femme" danser avec ma sœur. Je ne pus retenir mes pensées de me dire qu'elle aurait été tellement plus chanceuse si elle avait pu s'unir à elle plutôt qu'à moi. Elle riait aux éclats. Ses cheveux bruns virevoltaient dans leur valse. Elle semblait respirer la joie de vivre, avoir un caractère bien trempé et je ne pensais pas me tromper en la devinant futée. Elle méritait tellement mieux que le destin qu'on lui imposait. Mariée à moi, moi qui refusais de me lier à qui que ce soit. Sa vie future risquait d'être une grande déception pour elle.

A la vue de mon père s'approchant, je me crispais un peu plus encore sur ma chaise. Il était accompagné d'hurleur d'orage, mon premier conseiller. Un vieil homme tout courbait qui semblait sage mais beaucoup trop vieux pour vivre tout au long de mon règne. Enfin, si je restais reine assez longtemps avant que mon père ne me tue pour mes petites mesquineries durant la cérémonie.

— Debout devant ton alpha, tonna ce dernier.

Je ne pus retenir un sourire en coin lorsque le vieil homme le reprit.

— A vrai dire, devant sa majesté, le protocole veut que ce soit à vous de vous courber.

Mon géniteur se contenta d'hocher la tête, je n'aurais pas mieux.

— Hurleur d'Orage va vous accompagner à vos appartements, il était temps pour l'union Fenrir, grogna-t-il.

— Il me semble que c'est mon mariage, et j'ai envie de profiter un peu de la fête.

— Ne fais pas la maligne, si tu sièges sur ce trône, c'est grâce à moi. Je peux te reprendre ton pouvoir aussi vite que je te l'ai donné. Alors si je te dis que c'est maintenant, c'est maintenant.

N'ayant aucune autorité sur moi, j'aurais pu le contredire. Or, j'étais à bout de forces. Et le reste de la soirée s'annonçait plus dure encore. Je me contentais donc de quitter ma place pour interrompre la danse de ma reine.

— Vous vous êtes ravisée ? Demanda-t-elle à mon arrivée. Vous voulez danser ?

— Je vous l'ai dit, je ne danse pas. Il nous faut désormais regagner nos appartements.

Son visage s'assombrit.

— Déjà ?

Elle jeta un regard autour d'elle, peut-être qu'elle cherchait quelqu'un à qui dire au revoir. Elle fixa son père un instant puis se ravisa.

— Bon, ben on y va.

Je redoutais sincèrement les instants qui allaient suivre. Non seulement la pauvre allait être coincée avec moi, mais elle n'avait pas l'air de savoir ce qui était prévu pour la suite.

Après qu'elle eut remercié Cendres d'avoir égayer sa soirée, nous suivîmes patiemment le vieillard qui me servait de conseiller, dont l'allure des jambes et de sa canne nous laissa amplement le temps de regarder autour de nous. Il nous fit traverser la cour enneigée où les ouvriers avaient tout laisser en plan, pour atteindre, dans un coin reculé des travaux, une sorte de boite métallique et circulaire par laquelle on accédait via une passerelle.

— Je vous présente vos appartements, déclara l'ancêtre. Un cadeau de la cité Clémentine pour votre mariage. Ils ont été très généreux quand ils ont appris que notre forteresse était encore en construction.

Très généreux... Ils voulaient surtout nous graisser la patte. Hurleur d'orage commença son ascension sur la pente métallique et passa une drôle de chose devant un boîtier. La porte coulissa instantanément au-dessus de nous et la boîte s'ouvrit comme par magie.

Mariage arrangé loin d'EmmersonOù les histoires vivent. Découvrez maintenant