16- Luna

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La pièce était sombre, je n'y voyais rien, mais je savais qu'il était là. Je sentais sa présence, comme une menace tapie dans l'ombre. Le plancher craquait sur son poid alors qu'il tournait autour de moi. Mon souffle était court, mon cœur battait dans ma poitrine si vite qu'il m'en faisait mal, je serrai le poings, prête à me défendre.

Tu pensais t'être débarrassée de moi? demanda-t-il.

Il m'était inutile de voir mon géniteur pour savoir qu'il souriait en disant cela. Rien que le ton de sa voix me donnait des frissons.

Je serais toujours là, continua-t-il, pour te rappeler la vérité.

Je l'entendis faire claquer sa ceinture dans la paume de sa main. Je déglutie, ne sachant pas où poser le regard. Il était là, mais où?

Tu n'es rien! hurla-t-il.

A peine eut-il terminé sa phrase que je sentis la lanière de cuir claquer dans mon dos, lacérant le tissu de mon haut jusqu'à marquer ma chair. Sous la douleur, je tombais à genoux.

Comment oses-tu penser que tu es meilleure que moi?

Nouveau coup de fouet, je serrai les dents, mes ongles se souillant de crasse alors qu'ils rayaient le sol. Je ne pleurerais pas.

C'est alors qu'il m'asséna un grand coup de pied dans le ventre qui me coupa le souffle une bonne minute. J'étais à terre, en larmes, le suppliant d'arrêter.

— Tu n'es rien et tu ne seras jamais rien.

Les coups de ceintures ne s'arrêtaient plus, il prenait à peine le temps de lever le bras entre deux heurts. Mon sang maculait le sol, j'étais incapable de bouger, baignant dans le liquide rougeâtre et mes larmes.

Tout à coup, plus rien. J'entendis quelqu'un se précipiter vers moi et me prendre dans ses bras.

— Pardon! Je suis en retard, je suis désolée. Excuse-moi.

Ses larmes se mélangèrent aux miennes et quand je relevai la tête, je reconnus Chris.

D'un coup, mes yeux s'ouvrirent pour apercevoir Chris, en chair et en os, accroupie sur notre lit, une main sur mon front.

La réalité me percuta de plein fouet.

— Qu'est-ce que tu fais?

L'Elfe se redressa précipitamment, comme prise en faute.

—Je... Euh... En fait...Euh... balbutia-t-elle. Ce n'est pas ce que tu crois.

Je fronçai les sourcils en me mettant debout, énervée comme rarement je ne l'avais été dans ma vie. Mon cœur encore soumit aux palpitations de mon cauchemars et ... ça. S'en était trop pour moi.

— Vraiment? criai-je. Parce que moi je crois que tu étais en train de t'insinuer dans mon esprit sans mon consentement!

Elle se redressa sur le matelas, les mains sur les cuisses, des yeux suppliants.

— Bon, d'accord, c'est peut-être ce que tu crois. Mais je n'avais pas de mauvaises intentions, crois moi. Après notre mariage, j'ai vu que tu faisais des cauchemars alors... J'ai voulu rendre tes nuits plus sereines.

— T'es en train de me dire que tu fais ça depuis notre mariage?

Elle baissa les yeux, confuse. Cela faisait donc des mois entiers qu'elle fouillait dans mon esprit.

— Mais on ne fait pas ça aux gens sans le demander! Et dire que je pensais que c'était ta simple présence qui me rendait plus calme. Tu parles.

Elle se remit debout à côté du lit en en faisant le tour pour me rejoindre de mon côté.

— Luna, s'il te plait, ne m'en veut pas... Je suis désolée, vraiment, je ne recommencerais plus je te le promet.

— Manquerait plus que ça. Est-ce qu'au moins tu te rends compte de la gravité de ton geste?

— Oui, c'était pas sympa... J'aurais dû te demander la permission.

— Pas sympa? Pas sympa! ça s'appelle trahir la confiance de quelqu'un, envahir son intimité, c'est du viol Chris!

Elle déglutit, prenant conscience de ses actes. Mais, alors que je pensais qu'elle allait me demander pardon, l'inverse se produisit.

— Je ne te laisserai pas m'insulter comme ça, dit-elle d'une voix froide que je ne lui avais jamais entendu. Je suis consciente que ce que j'ai fait est mal et je ne réitérerais pas l'expérience. Mais je ne vais pas m'excuser d'avoir voulu ton bien. Tu ne dormais pas, tu étais épuisée et colérique. A la limite de la dépression. J'ai fait ça pour toi.

— Pour moi? Tu vas me dire que le soir de notre nuit de noce tu te souciais de moi et non pas de ton sommeil dérangé?

— Il s'est passé énormément de choses depuis et c'est pour ça que j'ai continué. Tu ne peux pas t'en prendre à tous tes proches dès qu'ils agissent pour ton bien.

— Tu voulais mon bien? Dans ce cas pourquoi tu n'as pas demandé?

Elle croisa les bras sous sa poitrine, le regard froid.

— Parce que tu aurais accepté peut-être?

Elle marquait un point. Je ne comptais pas lui faire savoir.

— Peut-être, répondis-je n'y croyant pas moi-même.

— Toi, Lune Glacée, qui a mis 25 ans à accepter de fonder sa meute avec son meilleur ami et sa propre sœur, tu aurais accepté qu'une inconnue entre dans la forteresse surprotégée de ton esprit?

— A juste titre! Tu ne t'es pas dit que si je ne voulais pas que tu connaisses ses informations sur moi il y avait une raison?

— Et quelle raison? Madame avait peur de se retrouver vulnérable devant quelqu'un? Sache que si je n'avais pas fait ça, je n'aurais jamais su que ton air froid n'était qu'une carapace. Sans ça, je n'aurais jamais appris à... t'apprécier...

Je me sentais tellement trahie, tellement déçue, que je ne voulais pas lui laisser une chance de m'apitoyer.

— Et bien je n'avais peut-être pas envie que tu m'apprécies.

Son visage changea. Si tout a l'heure il était glacial, maintenant, ses traits ne reflétaient que du mépris.

— Bien, dit-elle et me contournant pour retrouver sa place. Dans ce cas-là, débrouilles toi avec tes fantômes pour dormir.

Elle s'enfourna sous les draps et me tourna le dos. Il était hors de question que je retourne dans le lit qui avait été le témoin de cette hypocrisie qu'était mon mariage. Je pris mon oreiller et allai m'installer sur le canapé. 

Mariage arrangé loin d'EmmersonOù les histoires vivent. Découvrez maintenant