18 - Luna

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Quelqu'un tambourinait quelque part. C'est tout ce que j'arrivais à comprendre dans mon esprit embrumé. La nuit avait été très courte, beaucoup trop, et je me demandais sérieusement si ce bruit ne provenait pas de la multitude de questions qui frappait contre les paroies de mon crâne dans l'espoir de sortir de ma tête.

J'ouvrai doucement les yeux et me relevai sur la banquette qui m'avait accueilli pour la nuit, je me massai les tempes dans l'espoir de calmer la douleur lancinante qui me maltraitait.

J'avais embrassé Chris. Et elle m'avait rendu mon baiser. Puis avait pris la fuite.

Je ne savais plus quoi faire, quoi penser, ni même quoi ressentir.

Ce n'était pas prévu. Je voulais que ce mariage se passe bien, je n'avais jamais anticipé de m'attacher autant, de partager tant avec une autre personne un jour. Sans compter que la colère restait présente, elle avait utilisé ses pouvoirs sur moi, s'en était caché. Elle avait vu le pire de moi même, ce que je cachais au reste du monde, et pourtant, elle m'avait rendu mon baiser...

J'étais prise dans une tempête de questions qui s'entre-choquaient toutes les unes dans les autres rendant impossible toute réponse cohérente. Sans compter que ça continuait de frapper.

— Putain Luna mais tu vas l'ouvrir cette porte!

La voix de Cendres me fit enfin émerger. Je tournai la tête pour la voir s'acharner sur la porte d'entrée. Je fis un effort pour me lever malgré mes muscles endoloris et passer mon bracelet devant le détecteur. Ma soeur déboula en criant beaucoup trop fort pour mon mal de tête.

— ça fait au moins un quart d'heure que je t'appelle! Est-ce que tu te sers de ton bracelet pour autre chose qu'ouvrir les portes au moins?

Pas vraiment. ça impliquait de lire, et ça me prenait trop de temps. Un simple regard sur mon visage digne d'un mort vivant et elle répondit elle-même à sa question.

— Bon, reprit-elle plus calmement. Va enfiler ton armure, on part dans 10 minutes. Des Shargs ont attaqué un village, à l'heure actuelle, il doit déjà être exterminé, je voudrais arriver avant qu'ils ne s'en prennent à un deuxième.

— Quoi? Où?

— A une heure d'ici, dit-elle gravement.

— Comment sont-ils arrivés aussi près de la capitale?

— J'en sais rien, mais je pense que tu n'as pas bien saisi, j'ai dit qu'on partait dans 10 minutes, alors active toi!

— Je préviens Chris et j'arrive.

Cendres croisa les bras sous la poitrine et me jaugeant du regard.

— Ah mais vraiment alors, tu ne te sers pas du tout de ton bracelet. Chris est partie il y a une heure déjà. La grande prêtresse a demandé une audience, elle est déjà en route pour les montagnes nymphes. Bon, aller, bouge!

***

Alors que notre troupe avançait sur la route, tous nos soldats étaient en alerte. Les Fenrir reniflaient le sol à la recherche d'une piste, les elfes, du haut de leurs cheveux, scrutaient les environs. D'après les premiers rapports, les Shargs n'étaient pas loin d'une dizaine. Ils avaient rasé un village entier en l'espace d'à peine deux heures. Ils n'étaient pas loin, nous en avions conscience.

Le plus intrigant étaient qu'ils n'aient pas été repérés avant l'attaque. Ces créatures étaient dépourvues d'intelligence, ils ne répondaient qu'à leur instinct meurtrier, quelqu'un les avait forcément aidé.

Cendres posa un regard sur moi du haut de son cheval.

— Qu'est-ce qu'il se passe? demanda-t-elle.

Je hochai les épaules.

— Ne te moque pas de moi, insista-t-elle. Je te connais par coeur. Tu n'es pas du tout concentrée. Quelque chose te tracasse.

Il était vrai qu'il était difficile pour moi de cacher quelque chose à Cendres, d'autant plus maintenant que nous faisons partie de la même meute. Je rapprochai mon cheval du sien pour parler à voix basse.

— Chris et moi... On s' est embrassé hier soir.

— Félicitation! Tu as embrassé ta femme dont tu es folle amoureuse! Quel exploit! Aller, demain, on tente le calin.

Je lui lançai un regard méprisant.

— Ce n'est pas une blague. Je ne sais pas quoi faire. On s'est embrassées et elle s'est s'enfermée dans la chambre, et ce matin elle est partie sans même me prévenir. Je ne sais pas ce que je dois en penser.

Ma soeur ne put retenir un rire moqueur.

— Votre baiser était catastrophique? Trop de bave? Des dents qui se cognent? Tu l'as étouffé avec ta langue?

— Pitier Cendres arrête tes bêtises! Je suis sérieuse! Je pense qu'elle a pris peur. Je ne sais pas ce qu'il s'est passé dans sa tête mais elle avait l'air tellement surprise. C'était merveilleux et... Et je crois qu'elle n'avait aucune idée de ce que je ressentais pour elle.

— En même temps, tu ne lui as jamais dit. Ecoutes petite sœur, je sais que ce n'est pas dans ta nature, mais si tu veux que ça marche entre vous, il va falloir que tu communiques. Dès qu'on rentrera, il faut que vous parliez et que vous mettiez les choses au clair et surtout... Que vous vous envoyez en l'air! Parce que je te rappelle que vous vivez dans l'illégalité et que ça met votre vie en danger!

Si elle pouvait faire preuve d'ironie, je pouvais le faire aussi. Je l'imitai lorsqu'elle se moquait de moi pour lui rappeler la situation.

— Oh oui, je vois bien le tableau. "Chère épouse, tu as complètement paniqué après un simple baiser, et si on recommençait totalement nues pour voir si ça se passe mieux?"

Au lieu de la remettre à sa place, ma petite ânerie la fit rire d'autant plus.

— Voilà! T'as compris le principe.

— Majestée! m'interpella un soldat. On a une piste!

Stoppant net notre conversation, mon général et moi nous lançâmes immédiatement dans la mission, remettant à plus tard l'analyse de mon prochain objectif: parler à ma femme. 

Mariage arrangé loin d'EmmersonOù les histoires vivent. Découvrez maintenant