8. Hope

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Mon histoire est une tragédie. Pas dans le genre roman à succès sur une Drama Queen que tout le monde se partage sur les réseaux sociaux, ni un soap opéra entre des amants maudits. Non, mon récit est bien plus sordide que tout cela.

Mon prénom signifie espoir, pourtant aujourd'hui il ne veut plus rien dire. Il m'a été retiré. Je ne suis plus rien. Plus qu'un cadavre laissé à l'abandon dans un ruisseau qui épouse une simple route de béton, un tas de viande qui retourne à la terre mère. Mon âme est encore là, elle flotte au-dessus de moi, essayant de comprendre ce qui m'est arrivé.

Je ne viens pas d'un pays sous développé, coincé indéfiniment dans l'ère régressive du Moyen-âge, où les femmes et les petites filles ne sont considéré que comme des objets ou avec un peu de chance, des animaux de compagnie qui méritent une bouchée de pain si elles remplissent leurs devoirs conjugaux.

Je suis née dans un pays libre, où des femmes courageuses se sont battues ardemment pour que nous ayons les mêmes droits que les hommes. Pour que l'on puisse faire de nos vies ce qu'on en voulait. Femme de carrière ou au foyer, célibataire ou mariée, mère ou pas... peu importe. Nous avons le droit de choisir ce que nous sommes et ce que nous voulons devenir. Nous pouvons nous raser la tête si cela nous chante, nous balader en tenues légères sans être inquiéter des regards lourds de sens ou avoir plusieurs amants sans pour autant que l'on nous fasse exorciser.

Pourtant...

C'est bien ma dépouille qui est en charpie aujourd'hui sur cette terre soi-disant libre habitée par une population soi-disant civilisée. Un corps souillé, brutalisé et torturé. Mon crime ? donner ma confiance.

Alors oui, effectivement...j'étais vêtue d'une mini-jupe qui laissait aux autres le loisir d'admirer mes cuisses ; parties du corps humain dont chaque être est doté, masculin ou non. Est-ce que les bretelles de mon débardeur étaient trop fines ? je dois avouer avec honte que je ne portais pas de soutien-gorge. Est-ce la vraie raison de tout ceci ? ou alors l'alcool ? Il est vrai que j'ai bu beaucoup. C'était un soir de fête, j'ai ri, dansé ... ma voix était elle trop fluette ? ai-je été aguicheuse ? je ne me souviens plus vraiment.

Ce dont je suis sûr, c'est que à aucun moment je n'ai souhaité être le mouchoir en papiers de ses messieurs. Mon corps n'a pas été créer pour satisfaire les pulsions animales de ses criminels. Mes oreilles n'ont jamais souhaité entendre leurs rires et commentaires glauques et sarcastiques pendant leur acte révoltant. Ma peau n'a jamais voulu receler leur sueur et mon vagin n'aurait jamais dû connaître la douleur que l'on ressent à ce moment-là.

Ils ont démembré mon être tout entier, déchirée mon âme. Ils ont utilisé mon corps comme un vulgaire jouet sans se soucier des conséquences sur mes os, mon sang ou mes organes.

Je me souviens que je voulais pleurer mais que je n'y arrivais pas. Apparemment, mon cerveau était positionné sur le mode survie et je pense que l'alcool a aidé. Parce que, oui au début je me suis dit avant tout que j'allais survivre. Il parait que c'est l'un des mystères de l'esprit humain ; Faire sortir l'âme du corps lors d'un traumatisme pour l'effacer. Avec le recul, je ne sais pas trop si j'aurais réussi à l'oublier et je suis sûr que je n'aurais jamais voulu survivre après ça.

Des milliers de femmes à travers le monde y arrive tous les jours, partout. Certaines se suicident, d'autres portes plaintes et d'autres oublient et font comme si tout allait bien. Il faut du mental, mais comment avoir du mental quand on vous l'a brisé ?

Peut-être que je ne suis pas assez forte, en tout cas, je suis un cadavre.

Les représentants du sexe fort m'ont désaxé le bassin, créer une hémorragie, et après de longues minutes à me vider de mon sang, j'ai finalement rendu mon dernier souffle. Ils étaient déjà partis depuis longtemps.

Ils ont dû rentrer chez eux, prendre une douche, manger un morceau, boire une dernière bière et fumer une dernière clope, avant de se coucher sur leurs oreillers moelleux, pour se lever le lendemain et continuer leurs petites vies comme s'ils ne m'avaient jamais privé de la mienne.

Si j'avais survécu, quelqu'un m'aurait-il cru ?

J'aurais surement dû me battre contre vents et marrées pendant des années pour prouver leur culpabilité. J'étais dans un état second à la limite du coma éthylique. Il n'y a donc pas eu de lutte ni de blessure de défense. Pour la justice, j'étais peut-être consentante.

Mais toutes ces questions n'ont pas lieu d'être puisque je suis morte. Ils m'ont jeté dans ce ruisseau comme une poupée brisée pour l'éternité. Suis-je loin du lieu de l'agression ou même de ma maison ? je n'en ai pas la moindre idée.

Combien de temps va-t-on mettre avant de me retrouver ? serais je déjà en forte décomposition quand les autorités arriveront ?

Sauront ils seulement m'identifier facilement ?

Mon prénom signifie espoir mais on me l'a retiré, comme tout ce que je suis, mon identité, ma vie.

Je pourrais être n'importe qui.

Votre meilleure amie, votre sœur, votre mère, votre fille, votre collègue, votre voisine. La mère de vos enfants, votre petite amie. La femme que vous croiser tous les matins en partant au boulot, celle que vous avait bousculé dans le bus. Celle que vous reluquez à la caisse de votre supermarché, la boulangère qui vous vend son pain le dimanche matin. La vieille dame qui promène son chien à 6h du matin. L'adolescente qui révise pour ses examens, la petite fille qui fait sa rentrée en septembre prochain.

Mais je ne suis plus rien.

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⏰ Dernière mise à jour : Aug 03 ⏰

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