6. Fanny

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Elle était plutôt de bonne humeur ce matin-là, un peu stressée c'est sûr, mais assez enthousiaste. Il faut dire qu'elle avait passé des vacances merveilleuses, entourée de sa famille et de ses amis. Ça lui donnait du courage pour affronter cette nouvelle étape de sa vie ; l'entrée en secondaire. Fanny venait de fêter ses 13 ans. Elle avait réussi ses examens de fin de primaires de justesse, mais elle avait travaillé dur pour ça. Quand sa mère la dépose devant la grille, Fanny a une boule au ventre. Elle ne connait personne. Seulement deux élèves de son ancien établissement qu'elle ne connait que de vu. La cour est bondée. Une petite femme brune à lunette se tient en haut des marches du fond. Fanny se faufile entre tous pour s'approcher. La directrice, Madame Godert fait un discours pour souhaiter la bienvenue aux nouveaux. Quand le speech est terminé, on invite les élèves à se diriger vers les rangs qui les conduiront vers leurs nouvelles classes. Fanny suit le mouvement, la peur monte de plus en plus. L'escalier qu'ils empruntent semble interminable. Certains adolescents parlent entre eux. Ils se connaissent déjà depuis longtemps, ça se sent.

Quand ils arrivent dans la classe, chacun se choisit une place. Les clans se forment déjà et beaucoup vont dans le fond. Fanny entre la dernière et est contrainte de se prendre une place au premier rang. une prof fait son entrée. Tailleur pantalon à couleurs neutres, les cheveux courts, des lunettes rondes. Son physique ne colle pas avec son style, comme si une vielle dame habitait dans le corps d'une trentenaire. Elle se nomme Madame Dubeau et sera la titulaire ainsi que le professeur de français.

-À présent, vous allez venir devant la classe pour vous présenter chacun votre tour, dit-elle avec un sourire qui se veut rassurant. Qui commence ?

Fanny voudrait disparaître, entrer dans un trou de souris, avoir la cape d'invisibilité dHarry Potter ou pourquoi pas, être un mutant téléporteur comme Diablo dans les X-mens. Malheureusement, elle n'est rien de tout ça, c'est juste une fille de 13 ans qui a abandonné ses Barbies seulement deux ans auparavant. Les autres sont plus téméraires puisqu'ils se battent tous pour savoir qui sera le premier à passer. Les garçons bombent le torse et les filles ricanent. Fanny se tasse de plus en plus sur sa chaise. C'est une jeune fille prénommée Ophélie qui sera l'initiatrice de cette épreuve. Elle est l'opposé même de madame Dubeau. Les cheveux déjà tant de fois décolorés, qu'ils ont laspect de la paille brûlée sous un soleil de canicule. Un piercing dans le nez et un petit haut qui dévoile son nombril, orné lui aussi dun bijou. Quand elle commence à parler, les gars de la classe chuchotent déjà sur son physique avantageux. Fanny, elle, l'observe. Ophélie a de la prestance, elle est sûr d'elle. Fanny tourne la tête et regarde les autres. Elle prend conscience de son décalage par rapport à eux. Ils ont tous l'air plus âgés et tellement plus à l'aise. Les filles surtout, sont toutes comme Ophélie, maquillées, colorées, sexy. La seule fois où Fanny s'est maquillée, cétait en cachette alors qu'elle était seule à la maison et quand sa mère était rentrée, elle était si furieuse que Fanny ne pouvait plus voir un rouge à lèvre sans en avoir mal au ventre. Donc pas de grimage pour elle, pourtant elle aurait tellement aimé pouvoir cacher ses tâches de rousseurs qui soulignaient ses yeux bleus inquiets et qui la rajeunissaient tant. Les cheveux brun tirés en queue de cheval, elle n'avait pas les moyens de s'acheter des vêtements de marques et rien que ce détail faisait d'elle une marginale parmi ces jeunes à la page. Les présentations s'enchaînent et la jeune fille se rend compte que ce sera très difficile de s'intégrer. Quand c'est son tour, Fanny croit défaillir. Ses jambes sont en coton, ses mains sont moites, des mèches rebelles collent à son front humide. Elle se place devant le tableau, elle essaie de se donner de la contenance mais ses genoux tremblent. Elle ne sait pas quoi faire de ses doigts qu'elle préfère tordre jusqu'à ce qu'ils deviennent bleus. Quand elle ouvre la bouche, elle fixe un point sur le mur d'en face pour éviter les yeux rivés sur elle.

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