La salle d'attente est vide, blanche et silencieuse.Un néon au plafond clignote en bourdonnant.
On se croirait dans un film d'horreur à bas budget pour adolescent.
Quelques infirmières font des vas et vient, d'autres font le pied de grue dans le couloir.
Et puis, il y en a deux ou trois qui me regardent discrètement en chuchotant.
Je pense qu'elles font des paris entre elles concernant la raison de ma présence dans cet endroit froid et sordide.
Mais je m'en fiche.
Le menton haut.
Le regard arrogant.
La bouche en cœur.
Et surtout, la poitrine en avant.
Ne jamais se cacher, ne jamais se voûter, ne jamais s'excuser.
Quoi qu'il arrive, ne jamais avoir honte.
J'assume totalement la raison de ma venue.
Je sais qu'un tas de gens condamnent cet acte qu'ils jugent barbare et criminel.
Mais je m'en moque.
Après tout, ça me va tellement bien cette situation.
Je fais toujours tout pour ne pas être comme ces gens voudraient que je sois.
Comme ils voudraient que soit la femme.
Un ventre, un utérus, un simple organe de reproduction.
Et pour le coup, on peut dire que je me suis surpassée.
Il fallait bien que ça arrive un jour...
Avec ma vie olé olé ! comme le dit si bien ma mère.
Il est vrai qu'aucun des aspects de ma vie ne correspond à l'image de la femme parfaite de notre époque.
D'aucune époque d'ailleurs !
Je suis indépendante, égoïste et complétement incapable de m'attacher.
Il ne faut pas y chercher une raison particulière et encore moins une explication Freudienne.
Pas de traumatisme durant l'enfance. Mes parents sont un couple idéal depuis plus de 30 ans.
Pas de chagrin d'amour qui aurait transformé mon cœur en cailloux. Je n'ai jamais été en couple assez longtemps pour ça.
Je n'ai pas peur de m'engager ni de me dévoiler ou je ne sais quoi d'autre. Ça ne m'intéresse pas, tout simplement.
Je ne fuis pas l'amour, j'y suis juste indifférente, insensible.
Malgré ce que l'on pourrait croire, ma vie n'est pas vide, bien au contraire.
Chaque soir, une nouvelle rencontre.
Homme, femme peu importe ! je ne me définis pas comme une bi-sexuelle, j'ai horreur de mettre des étiquettes.Je dirais plutôt que je suis charmée par l'âme des gens. Par ce qu'ils dégagent dans leur façon de bouger ou de marcher. Le genre n'est qu'un détail pour moi.
Quand je rentre quelque part, tous les regards se posent sur moi. Je suis ce qu'on appelle une bombe sexuelle. Je suis consciente de mes atouts et en joue partout, tout le temps, en toutes circonstances. Que ce soit dans la vie de tous les jours, en sorties ou au travail, je fais ce que je veux avec qui je veux et comme je le veux.
Je travaille dans une boutique de sous-vêtements et là, je peux vendre n'importe quoi à n'importe qui.
La plupart des gens se comportent toujours de la même façon en me voyant la première fois.
Les femmes me haïssent et les hommes me désirent.
J'adore sentir les yeux furibonds des mères de famille qui remarquent que leurs hommes essaient désespérément d'attirer mon attention.
Je suis quelqu'un de détestable, peut-être, mais je suis comme ça.
Je n'ai jamais rien promis à qui que ce soit.
Voilà aussi pourquoi je suis dans cette salle à attendre mon tour pour une interruption volontaire de grossesse.
Une nuit comme tant d'autres, passée dans un bar de nuit à siroter des cocktails. Un garçon au bar, timide mais très mignon, me remarque, me lance des regards, des sourires et enfin se décide à venir à ma rencontre.
Deux heures plus tard, nous sommes dans mon appartement, arrachant nos vêtements comme si nous étions pris par le temps. Pourtant, à chaque fois le temps s'arrête.
Je prends possession de son corps et ne lui laisse même pas le loisir de reprendre son souffle. Il m'appartient et je domine.
Comme toujours.
Un souci de préservatif explique le pourquoi du comment.
Après un retard, puis un test, mes doutes sont confirmés.
Je suis enceinte.
Prévenir le garçon en question ne m'est même pas venu à l'esprit.
Prendre le risque qu'il culpabilise et qu'il s'accroche à mes talons aiguilles ? non merci !
Je me souviens à peine de son visage, il n'est rien, comme tous les autres.
Voilà pourquoi je suis là.
Je ne suis pas faite pour être mère.
Mon mode de vie peut surprendre mais c'est mon choix.Et il est hors de question que l'on me dise ce que je dois faire avec mon corps.
Je suis libre et je veux le rester.
Mon utérus est mon organe, j'en dispose comme je le souhaite.
Cela ne regarde que moi.
Pas mes parents, pas les gens, pas la religion, pas le gouvernement.
Seulement moi !
-Mademoiselle Lécuyer Éloïse ?
appelle une infirmière-Oui, c'est moi.
-C'est à votre tour.
FIN
VOUS LISEZ
Histoires de femmes
Historia CortaCes petites histoires sont dédiés aux gens qui jugent, critiquent et parlent sans être eux même dans une certaine situation. Une situation dans laquelle une femme se sent coupable alors qu'elle ne le devrait pas. ceux et celles pour qui il est si fa...