Chapitre 1 (partie 2)

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           Un haut-parleur se mit à grésiller : « Maintenant que vous êtes réveillés, vous allez pouvoir vous diriger vers la porte bleue foncée au fond de la salle. ». Tous regardaient maintenant cette porte avec appréhension car si certains avaient pu l'imaginer comme une issue, ce n'est surement que le début d'une sinistre aventure. Nous restâmes tous figés quelques minutes, le temps de se faire à l'idée qu'on n'avait pas le choix et que si on ne bougeait pas on mourrait surement ici, il fallait avancer. Un jeune homme aux cheveux rouges et aux bras parsemés d'écailles turquoises brillantes se leva, il se dirigea vers la porte, se saisit de la poignée, hésita et finit par ouvrir rageusement la porte. Il la laissa s'ouvrir entièrement, se tourna vers nous et lança à l'intention de tous : « Vous venez ? » avant de nous adresser un sourire triste. Sa voix ne tremblait pas, il semblait traversé d'émotions contradictoires, l'envie de s'en sortir et l'envie de rester ici à se cacher, l'envie d'aider les autres et l'envie qu'on l'aide lui. Il nous balaya du regard de ses yeux gris, il était avant tout déterminé. Et ce seul sentiment suffit à me convaincre de le rejoindre : je me levai à mon tour et le rejoins. Il afficha un petit sourire en coin et s'adressa aux autres :

      - Si une gamine comme elle a pu trouver la force de se lever vous pouvez tous le faire, dit-il sur le ton de la plaisanterie.

Dans un autre contexte je l'aurais surement frappé pour m'avoir décrédibilisée mais il faut dire que mon accoutrement ne mettais pas en valeur mon charisme et que j'avais l'air ridiculement petite,  je ne lui arrivai pas aux épaules, et de toute façon n'importe quel moyen est bon pour motiver les troupes :

      - Il a raison ! On ne peut pas rester ici pour toujours... Et même si on reste on sera forcés de sortir : par la faim ou par la force, je ne pense pas qu'on ait été trafiqués pour rester enfermés.

Certains acquiescèrent, d'autres regardaient dans le vague. Comme pour me soutenir, Amaluna et Oryon se levèrent et se placèrent à mes côtés. Les autres se levèrent un par un, restait une fille qui pleurait : elle pleurait accroupie près d'un des corps resté sans vie. L'autre corps était seul dans un coin de la pièce, personne ne saura jamais qu'il était là, ni qui il était tout simplement. Un garçon sorti de notre petit groupe pour l'écarter du corps et la ramener avec les autres. Nous étions douze en tout. Le garçon aux écailles reprit la parole :

      - A partir de maintenant, on ne se sépare pas, on ne laisse personne seul et on ne prend pas de décisions sans s'être concertés, sauf cas d'urgences. C'est tous ensemble qu'on va s'en sortir : pour nous, pour punir ceux qui nous ont fait ça et pour ceux qui n'ont pas survécus.

      - Sérieux ? interpella une voix. On va vraiment le suivre sans moufter ? Tu paniques pas beaucoup c'est louche... continua la même voix, se frayant un chemin pour arriver devant lui. Qui nous dit que t'es pas avec eux ?

Il soupira et se passa une main sur le visage :

       - Je suis tout autant paniqué que vous, je vous l'assure, mais il faut garder son sang-froid autant que possible. On ne sait pas où on est ni pourquoi on y est donc il vaut mieux rester ensemble pour éviter les mauvaises surprises, répondit-il.

      - Très bien, conclu la voix, qui se révélait être en réalité une blonde aux yeux verts avec des écailles émeraudes sur les joues et les mains et des canines crochues impressionnantes pouvaient être aperçues quand elle parlait, un serpent surement. Mais on devrait au moins savoir qui tu es, non ? demanda-t-elle.

      - Tu as raison, on devrait tous se présenter, moi c'est Jake et toi ?

      - Ava, répondit-elle.

      - Victorine Edlund, dis-je pour continuer les présentations.

La jeune fille qui pleurait se présenta à son tour : Noëlla, suivie du garçon qui l'accompagnait : Ewen, puis des jumeaux et des cinq autres adolescents qui nous accompagnaient : Justine, Sarah, Romain, Arthur et Felix.

      - Bien ! conclu Jake. On peut y aller ?

Nous nous mîmes à avancer dans le couloir qui s'étendait devant nous, les murs et le sol étaient en carrelage blanc salis par le temps, additionnés aux néons clignotants, cela donnait une ambiance suffocante. Pas un bruit de respiration : tout le monde semblait retenir son souffle. Juste le bruit de nos pieds sur le sol froid.

             Nous devions être surveillés car un autre haut-parleur se mit à grésiller dès que nous arrivâmes devant deux portes : « Bien. La porte de droite est pour les filles, l'autre pour les garçons... Vous vous retrouverez après ça. ». Les deux groupes se formèrent et nous entrâmes dans les pièces en même temps, résignés. Dans la pièce : deux chaises en métal, deux miroirs avec des sortes de trappes à mi-hauteur et c'est tout. Le sol sale et les tâches douteuses sur les murs n'annonçaient rien de bon, ni même l'odeur âcre flottant dans l'air : l'odeur de la peur et celle métallique du sang. Un haut-parleur situé dans un coin de la pièce nous fis sursauter - je crois que ce grésillement me hantera jusqu'à la fin de mes jours – « Je vais vous demander de vous asseoir sur les chaises près des miroirs et de placer votre avant-bras droit devant les trappes », ce n'était pas la même voix, elle se voulait plus douce mais ce qu'elle annonçait ne correspondait pas. Même si ce n'était pas la chose la plus rassurante qu'on nous ait annoncé, ce n'était pas ce qui nous préoccupait : nous avions la possibilité de voir notre reflet.

            Amaluna m'avait déjà annoncé la couleur, je savais ce qui m'attendais, pourtant je ne me reconnaissais pas : mes cheveux bruns remplacés par un roux chatoyant, le noisette de mes yeux effacé par un vert pale surmontés de pupilles en forme d'ovales fins et des canines effilés pour compléter le tableaux. Ce n'était pas moi, ce n'était plus moi, le seul point commun avec la Victorine d'avant étaient ces deux fichus mèches blanches plantées sur le devant de mon crâne et héritées de ma mère qui m'ont values tant de brimades en cours. Et maintenant c'est tout ce qui me restait de la moi que je connaissais. Ava, elle, se regardait avec admiration, visiblement ravie de ce qu'elle voyait, il faut dire qu'elle était très jolie et que ni les écailles ni les canines ne gâchaient sa beauté indéniable. Amaluna regardait quant à elle ses tâches avec dégout avant de détourner le regard. Noëlla passa sa main dans sa nuque pour y trouver quelques plumes noires sous ses cheveux blancs. Justine et Sarah faisaient de même, regardant respectivement les cornes dressées sur sa tête et les tâches - surement de vache – un peu partout sur son corps.


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