Chapitre 1 (partie 3)

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            Je ne saurais dire combien de temps nous sommes restées face à nos reflets mais nous fûmes sorties de notre contemplation par un rappel à l'ordre venant du haut-parleur : « S'il vous plait, on n'a pas la journée et croyez-moi il vaut mieux que vous vous mettiez en place de votre plein gré ». Ava fut la première à s'exécuter : elle s'assit puis plaça son bras comme indiqué sans la moindre hésitation, la trappe s'ouvrit et rien. Nous la fixâmes en quête du moindre mouvement, la tension laissait place à l'incompréhension puis soudainement : une main se saisit du poignet de la blondinette et une lumière violette éblouissante s'alluma à l'intérieur de la trappe, révélant des inscriptions sur son poignet. On pouvait y lire son prénom, son nom de famille, sa date de naissance, l'espèce dont les gènes lui ont été implantés et un numéro :

Ava Delaforge

04/04/2005

COBRA

N°24

On entendit un léger vrombissement, la voix conseilla d'une voix monotone à Ava de prendre une grande inspiration. Elle n'eut pas le temps d'appliquer le conseil qu'elle hurlait déjà de douleur, elle tenta de s'extirper mais elle était maintenue fermement. Nous attendîmes quelques minutes sans pouvoir rien faire pour notre camarade puis ses hurlements cessèrent. Elle se leva précipitamment, haletante et les joues maculées de larmes. « C'est fini » dit la voix. Nous nous penchâmes sur le poignet d'Ava pour connaître la source de cette douleur, bien que le reste des inscriptions avaient disparues en l'absence de lumière, on pouvait clairement lire les derniers ajouts encore rouges vifs : « Réussite 80% » et un code barre à l'encre noire lui bien visible.

      - Oh ! Génial on est des morceaux de viande maintenant ! s'exclama cette dernière avec un rire nerveux.

Silence s'en suivit. Puis le grésillement se rappela à son bon souvenir : « Vous n'avez pas le choix » répéta-t-elle.

Noëlla se dirigea vers l'autre chaise et hésita un instant avant de positionner son bras correctement, elle était terrifiée, comme nous toutes. J'allai prendre la place qu'occupait Ava précédemment, mis mon bras libre en arrière et saisi la main de Noëlla avant de me positionner à mon tour devant l'orifice déjà ouvert. La lumière violette, le vrombissement. Je devançai l'avertissement en prenant une grande inspiration et fut quasi-immédiatement transpercée de douleur. Contre mon envie, je lâchai la main de ma camarade pour mordre ma main et m'empêcher d'hurler. Si j'ai bien retenu une leçon de cette foutue pension où j'ai grandi, c'est que pour ne pas perdre connaissance en cas de douleur extrême, il faut faire abstraction de la douleur et rester maître de sa respiration. De son côté, Noëlla poussait des cris déchirants, elle ne pleurait pas mais il n'était pas difficile de deviner qu'elle était au bord du malaise. Notre calvaire s'arrêta et juste avant que la lumière s'éteigne, j'eus le temps de lire les inscriptions qui deviendront invisibles :

Victorine Edlund

12/01/2008

CHAT

N°25


J'étais donc un chat... Ce n'était pas flagrant par rapport aux autres. Je me penchais alors sur la dernière ligne encore à vif : « Réussite 99% ». Maintenant que je l'ai sous les yeux, cela semble logique, fallait-il se réjouir de cette nouvelle ou en pleurer ? Après tout, aucun d'entre nous ne sait à quoi nous sommes destinés. Je ne m'attardai pas sur le code barre et me tourna vers Noëlla, à présent silencieuse. Elle se contenta de nous tendre son poignet avec un « Alors ? » presque étouffé. On put rapidement lire les inscriptions tant que la lumière avait un peu d'effet :

Noëlla Salmon

30/11/2008

OIE

N°26

« Réussite 74% », c'était pas mal, mais on ne sait toujours pas si c'est bon signe ou non, on pouvait uniquement se réjouir d'être en vie.

      - 74%, répondis-je. A toi de juger si c'est positif ou non... Tout ce que je peux affirmer c'est qu'on est clairement recensés : âge, numéro de cobaye, espèce animale, ajoutais-je pensive.

      - Dans quel but ? s'exclama Justine avec un craquement dans la voix

      - Si on le savait on agirait ! hurla presque Ava.

      - Qu'on en finisse puisqu'on a pas le choix... soupira Amaluna.

Elle se mis en place et subit la même chose, elle poussa un premier cri et s'évanoui presque instantanément, elle glissa de la chaise mais son poignet restait fermement maintenu au niveau de la trappe, je la relevai à l'aide de Sarah et la maintint assise le temps que la torture se finisse. Une fois son bras débloqué, je l'éloignai des autres, en la soutenant du mieux que je pouvais, je l'appelais et elle ne répondait pas, je vérifiai son pouls : elle était vivante mais sa respiration était faible. Je commençai à vraiment paniquer : il fallait vraiment que je me calme, je jetai un regard à son poignet, on pouvait y voir uniquement le code barre et la dernière ligne rougie « Réussite 82% », les autres inscriptions avaient déjà disparu, mais elle ne devait pas être beaucoup plus âgée que moi et elle avait son frère, elle ne pouvait pas mourir comme ça. Quand j'eus retrouvé un rythme cardiaque normal, je recommençai mes tentatives pour la réveiller, j'allai jusqu'à lui donner des claques de plus en plus fortes. Absorbée par ma camarade, les cris des autres filles m'apparaissaient lointains, Ava s'était approchée, je ne la remarquai pas immédiatement, elle du parler pour que je me tourne vers elle :

      - Tu devrais lui maintenir les jambes en l'air, normalement ça aide si on perd connaissance, me suggéra-t-elle.

Je m'exécutai, et quand j'allais perdre espoir, la jeune fille à l'allure féline ouvrit faiblement les yeux. Les nerfs à vifs, je ne retins pas mes larmes et lui adressai un « Tu m'as fait super peur ! » des plus sincère.


            Un « clic » de loquet interrompit ce moment émotion : une autre porte invisible jusqu'alors s'était ouverte, nous nous empressâmes de quitter cette pièce qui allait hanter nos songes pendant des années, si on reste en vie. De l'autre côté de la porte, nous retrouvâmes les garçons qui avaient subis le même sort que nous. Oryon faisait les cent pas et se rongeait les ongles, il fonça vers Amaluna dès qu'il l'aperçue. Ne voulant pas gâcher ce moment fraternel, je fis un tour de la salle pour graver dans ma mémoire tous ces visages marqués de terreurs et sillonnés de larmes, je tentai de les imaginer souriants sans leurs attributs animaliers. Je me laissai glisser contre un mur et fixai mon poignet : « 99% ».


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