C'était une bien trop belle journée pour des adieux.
Ce constat empli de frustration heurta Kay tandis que les détenteurs des Titans Charrette et Bestial saluaient une dernière fois leurs proches par des signes de la main et de la tête. Contrairement à leurs camarades alors enfants cinq ans auparavant, ils n'avaient pas défilé dans tout Revelio et jusqu'au port sous les encouragements et acclamations. Leur départ illustrait d'une certaine manière un échec de l'armée. Il n'y avait rien à célébrer.
Coincée dans son uniforme le plus formel et postée en première ligne devant le navire qui prendrait bientôt le large pour l'île, Kay prit la liberté de se retourner discrètement pour croiser le regard insondable de son ami le plus cher. Que les Mahr admettent cet échec en lançant une nouvelle mission confirmait ce qu'il pensait depuis des années : les guerriers n'avaient pas tous survécu, ce serait même un miracle d'en voir revenir un seul. On avait envoyé Marcel au front alors qu'il n'avait que treize ans et maintenant, Porco en avait presque dix-sept et peinait à se rappeler le visage de son aîné. Plus en arrière encore, le père malade de Pieck et les grands-parents plus qu'inquiets de Sieg devaient accepter de voir partir leurs protégés en terre inconnue tout en gardant l'espoir de ne pas les perdre comme les autres petits guerriers avaient été perdus.
Malgré tout, le Soleil était haut dans le ciel et rendait l'injustice et la peur plus colorées, plus tolérables.
Une fois le bateau parti, Kay pourrait rentrer chez elle, passer du temps avec sa mère, saluer tous les militaires qui la respectaient, profiter de chaque quartier de la ville comme elle le faisait naturellement. Les Eldiens privés de leurs proches, quant à eux, seraient priés de demeurer sagement derrière leurs murs et de baisser les yeux en présence Mahr. Et Kay avait beau être désolée et détester ces inégalités, elle savait qu'elle ne renoncerait pas à ces privilèges même si elle le pouvait. La souffrance endurée par le peuple Mahr pendant pratiquement deux mille ans coulait dans ses veines autant que l'envie très pure de changer la donne emplissait son cœur.
Elle y songea durant toute la réunion militaire qui suivit le départ des guerriers, l'esprit bien loin du Moyen-Orient et ses conflits. Plus le temps passait, plus le fonctionnement de l'armée et de ses membres lui échappait. C'était à croire que l'humanité n'avait pas sa place dans les discours qui concernaient pourtant le destin de l'ensemble des humains.
— Même entraînés et dotés de Titans, ces incapables d'Eldiens vont réussir à causer notre perte à force d'échouer. On sera la risée du monde entier pour avoir cru pouvoir nous servir de leur monstruosité pour le bien commun !
Ramenée au moment présent par ces mots haineux si classiques, Kay tourna la tête vers le militaire qui venait de prendre la parole et le dévisagea avec scepticisme. Un certain capitaine Dogan, quarantenaire et pourtant rien de mieux à faire que de gaspiller toute son énergie dans sa colère envers le peuple Eldien.
— Puisque nous sommes tous d'accord sur le fait que notre armée a échoué, ne devrions-nous pas remettre en question nos manières d'opérer plutôt que de blâmer aveuglement nos guerriers ? intervint-elle, peu surprise par le silence que sa réplique jeta sur l'assemblée.
Du coin de l'œil, l'adolescente vit Fernsby secouer la tête avec agacement et l'ignora sans remords. Ils partageaient le même grade, désormais. Ses conseils avaient beau être les bienvenus, il n'était plus un modèle à atteindre et elle était assez bien placée pour exprimer ses propres opinions.
— Qu'est-ce que vous voulez dire, capitaine Wadsworth ? questionna le général Calvi, installé en bout de table comme son grade l'exigeait.
— Les guerriers étaient trop jeunes pour être envoyés au front.
VOUS LISEZ
𝗟𝗔 𝗣𝗟𝗔𝗖𝗘 𝗗𝗘𝗦 𝗠𝗢𝗥𝗧𝗦 ; porco galliard
FanfictionEnfants, Kay et Porco s'aiment avec autant d'innocence que d'imprudence, ne pensent qu'à s'amuser malgré leurs statuts sociaux différents et tous les interdits qui pèsent sur leurs épaules. Puis les années passent et viennent les tragédies et les re...