0 • cornelius wadsworth

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Je te tiens !

Les éclats de rire insouciants de la gamine provoquèrent ceux de Porco qui, pourtant, aurait dû s'inquiéter bien plus que cela. Du haut de leurs douze ans, les deux enfants n'affrontaient pas les mêmes responsabilités et, à première vue, n'avaient même rien en commun. Kay Wadsworth était trop joyeuse, trop aimée, trop Mahr. Porco Galliard, lui, était trop méfiant, trop grincheux, trop Eldien.

Mais que pouvaient bien valoir deux mille ans d'Histoire et de guerres pour deux gosses qui ne voulaient que s'amuser ?

On avait répété à Kay des centaines de fois de ne pas approcher les Eldiens plus que nécessaire. On avait toujours cherché à lui faire comprendre que leur sang était sale, que ces monstres méritaient d'être enfermés dans des camps, moqués, maltraités, mais quand elle rejoignait Porco en cachette et attrapait sa main pour l'entrainer dans de nouvelles innocentes aventures, elle n'avait pas l'impression qu'il lui était inférieur ou bien qu'il lui voulait du mal.

Il était seulement son ami.

— Ça va, lâche-moi maintenant, râla le garçon.

Amusée, Kay obtempéra et dénoua les bras qu'elle avait enroulés autour de lui par surprise. Porco se retourna en se grattant nerveusement la nuque, les joues roses de gêne. Ce constat l'étonna tant qu'elle recula d'un pas en le pointant d'un doigt presque accusateur.

— Tu rougis ?!

— Bien sûr que non, rétorqua-t-il. Je devrais y aller, il vaut mieux pas qu'on me trouve ici.

— Pourquoi ?

Une moue confuse anima le visage de la jeune fille face au regard froid qu'il lui lança.

— Tu es un aspirant, maintenant, argumenta-t-elle. Personne n'irait te...

— J'ai pas le droit d'être ici à moins qu'on m'y convoque, coupa Porco en désignant d'un vague signe de main l'endroit où ils se trouvaient – soit le centre d'entrainement des guerriers. On peut pas tous se balader partout où on veut sans avoir besoin d'autorisation.

Il tenta bien de montrer que son ignorance l'agaçait, et échoua sans surprise. Bien sûr qu'elle n'était pas consciente de la moitié des injustices de leur monde. Même dotée de toute cette bienveillance et de cette douceur, elle restait une enfant née dans une famille Mahr respectée et elle baignait constamment dans tous les privilèges qui allaient avec. Il aurait pu lui en vouloir, mais la peine qui teinta ses grands yeux presque aussi bruns que sa peau le dissuada d'entretenir sa jalousie. Kay n'avait pas choisi cette vie, tout comme il n'avait pas choisi la sienne. Elle avait seulement eu plus de chance.

— Désolée. Je vais t'accompagner, proposa-t-elle ensuite avec un sourire réconfortant. Si quelqu'un nous voit sans qu'on ait le temps de se cacher, je dirai que c'est de ma faute si tu es là !

Porco leva les yeux au ciel, contrarié de constamment devoir être protégé. Jusqu'à peu, c'était Marcel, son ainé, qui avait toujours veillé à ce qu'il ne s'attire pas trop d'ennuis. Depuis qu'il avait hérité du Titan Mâchoire et quitté le continent pour se rendre sur l'île aux démons, il n'avait plus que Kay et elle semblait avoir repris le flambeau. Il accepta néanmoins de se remettre en marche sans un mot, prenant sur lui pour ne pas réagir quand leurs mains se frôlèrent tandis qu'ils avançaient côtes à côtes.

— Comment va Pieck ?

— Bien, hésita Porco. J'imagine.

— Tu ne l'as pas vue récemment ?

— Si, il y a quelques jours. Elle est toujours avec l'armée, alors... Mais ça t'intéresse vraiment ?

— Ben...  oui, répondit Kay. Ça devrait pas ?

𝗟𝗔 𝗣𝗟𝗔𝗖𝗘 𝗗𝗘𝗦 𝗠𝗢𝗥𝗧𝗦 ; porco galliardOù les histoires vivent. Découvrez maintenant