5 • les risques de l'égoïsme

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Ce soir-là, le couple Galliard eut bien du mal à comprendre la situation mais tous deux se gardèrent de poser des questions quant à la présence de la jeune Mahr qui entra chez eux dès qu'ils lui ouvrirent. Les restes du dîner traînaient encore sur la table. En enlevant la capuche qui l'avait dissimulée jusqu'ici, Kay remarqua le portrait de famille posé sur le buffet du salon. Marcel et Porco y étaient représentés souriants, plus jeunes encore que l'âge auquel ils avaient commencé l'entrainement pour rejoindre l'unité des guerriers, à l'époque trop courte où ils avaient pu être des enfants aussi normaux que possible. Leurs parents étaient eux aussi plus en forme, plus vivants - moins endeuillés - que les deux quadragénaires qui lui faisaient face aujourd'hui.

— Navrée du dérangement, s'excusa-t-elle poliment avant de se présenter sans trop savoir si elle devait leur serrer la main ou non. Je suis le capitaine Wadsworth. Je dois juste parler à Porco une minute.

Craignant de vexer une Mahr, le père voulut lui indiquer là où se trouvait son fils sans rechigner mais fut devancé par le ton inquiet de sa femme.

— Est-ce qu'il a des ennuis ?

Kay réalisa au même moment la frayeur qu'elle devait leur causer. Les Mahr n'approchaient les Eldiens que par intérêt ou bien pour les humilier, alors en voir débarquer une chez soi à une heure pareille ne pouvait qu'être un mauvais présage. Même si elle leur avait tendu la main en guise de salutation, ils ne lui auraient rendu le geste que par peur de s'attirer des ennuis. Traversée d'une vague de culpabilité, l'adolescente esquissa son sourire le plus rassurant et secoua la tête avec l'espoir de ne plus leur causer la moindre anxiété.

— Pas du tout, je vous le promets. Aussi bizarre que ça puisse paraître, je suis une amie. Je vous le dis parce que je sais que vous ne prendrez pas le risque de me dénoncer, sinon ça voudrait dire dénoncer votre fils aussi. En tout cas, Porco fait du très bon travail et je ne lui veux aucun mal, rassurez-vous.

La mère resta bouche bée, aussi fière d'entendre ces mots que confuse quant à l'idée que son Eldien de fils eût pu se lier d'amitié avec une gradée Mahr. Son mari, moins tendu que lorsqu'elle avait passé la porte mais n'ayant pas pour habitude de faire attendre l'oppresseur, se contenta de montrer le couloir à Kay.

— C'est la porte du fond.

Elle les remercia d'un geste digne de la tête et s'empressa de suivre cette direction, peu surprise de trouver un Porco plus que perdu au milieu du couloir. Il aurait pu reconnaître sa voix entre mille, même depuis l'autre bout de l'habitacle. Pourtant, rien n'expliquait sa présence ici alors que Fernsby s'était arrangé, plus tôt dans la journée, pour les mettre en garde tous les deux sur les risques qu'ils encouraient. Kay n'avait pas l'air de se soucier de ces risques et ne le laissa pas non plus trop se questionner  avant de saisir sa main pour l'inciter à retourner dans sa chambre, là où ils pourraient parler sans que ses parents n'entendent rien.

— Je peux savoir ce que tu fais ici ? lança Porco tandis qu'elle fermait la porte derrière eux. Tu nous mets tous en danger, là.

— Je sais ce que je fais. Je laisserais personne s'en prendre à tes parents ou toi, tu le sais, le rassura-t-elle. Je suis là parce qu'il fallait vraiment que je te parle et ça me paraissait être le meilleur moyen de le faire en sécurité.

— Me parler de quoi ?

— De nous.

Kay perçut sans difficulté la soudaine nervosité de son ami qui ne savait pas s'il devait s'attendre à une déclaration ou bien à l'ordre de ne plus l'approcher pour leur bien à tous les deux. Dans un cas comme dans l'autre, la résignation qui animait le regard chocolat de la future colonel l'effrayait.

𝗟𝗔 𝗣𝗟𝗔𝗖𝗘 𝗗𝗘𝗦 𝗠𝗢𝗥𝗧𝗦 ; porco galliardOù les histoires vivent. Découvrez maintenant