6 • le titan mâchoire

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— Attention !

D'un geste rendu maladroit par la hâte de retourner à son activité principale, Porco rattrapa de justesse la lampe qu'il venait de bousculer tandis que Kay étouffait son propre rire d'une main plaquée contre sa bouche ; main qui retrouva bien vite la nuque du blond lorsqu'il vint reprendre possession de ses lèvres. Au fil des semaines qui avaient suivi l'aveu de leurs sentiments réciproques, c'était la tournure qu'avaient pris leurs petites réunions secrètes dans les quartiers militaires de la jeune capitaine et cette dernière ne s'en plaignait pas. Entre le peu de temps qu'elle passait chez elle et son travail pour l'armée, il s'agissait des seuls moments où elle avait l'occasion de se sentir comme une adolescente normale au quotidien léger, même si cela ne durait que quelques minutes.

— T'as pas du travail ? questionna Porco après un instant de plus passé à profiter de ces baisers dont il ne se lassait pas. Je voudrais pas trop te retenir.

— Pas vraiment. On tourne en rond, en ce moment. À part attendre des nouvelles des guerriers et suivre de loin les actions du Moyen-Orient...

À la mention de ses camarades encore en vadrouille sur l'île aux démons, il perdit un peu de sa bonne humeur. Kay n'en fit aucune remarque mais elle glissa tendrement son pouce contre l'une de ses pommettes avec l'espoir de l'apaiser.

— Et toi ? renchérit-elle.

— Je dois toujours entraîner Colt. Qu'est-ce que je pourrais faire d'autre, de toute façon ?

Puisqu'elle n'avait aucun mot rassurant à lui adresser, elle se contenta de l'inciter à poser son front contre le sien. De cette manière, il cessa de froncer les sourcils et de serrer la mâchoire, seulement conscient du souffle calme et régulier de Kay qui s'échouait sur la peau de ses joues. La situation était de plus en plus stressante pour l'ensemble de l'armée. Ils n'avaient plus un seul Titan à disposition et le Moyen-Orient ne cessait de faire pression sur le continent. C'était clair, si les guerriers ne rentraient pas victorieux bientôt, le conflit serait officialisé sur un échec mahr. Et pendant ce temps-là, Porco attendait encore ses amis et son frère.

— Tu sais, peut-être qu'on pourrait dîner ensemble un jour, proposa Kay à voix basse par crainte de troubler la quiétude du moment. Ici. Personne ne devrait nous trouver, et j'aurais qu'à te raccompagner jusqu'au camp après pour expliquer aux gardes que je t'ai retenu.

Elle faillit regretter sa proposition en constatant que son froncement de sourcils était revenu, mais puisqu'il fut vite accompagné d'un sourire amusé, elle se dit que ce devait être bon signe.

— Vraiment ?

— Il suffit que je dise à ma mère que j'ai du travail et que je reste manger au bureau avec Fernsby, elle me préparera obligatoirement deux portions d'un bon petit plat parce qu'elle adore Fernsby.

— Et si elle le mentionne un jour devant lui ?

— Il jouera le jeu parce qu'il sait que s'il paraît louche, elle voudra enquêter et elle découvrira ce qu'on cache.

— Mh... Tu penses vraiment à tout, fit-il remarquer d'un air presque satisfait.

— Je suis militaire, Galliard. C'est mon job de penser stratégiquement.

Kay fut surprise de voir grandir, au fil de ses répliques, une certaine lueur dans les yeux de sa moitié ; une lueur qu'elle ne put qu'identifier comme de l'adoration. Elle espéra lui renvoyer la même image car elle ne s'était jamais sentie aussi à l'aise et en sécurité sous un regard humain qu'à ce moment précis. Il n'avait pas à prononcer un seul mot pour lui faire comprendre ce qu'il pensait d'elle et de chacun de ses faits et gestes, ses yeux suffisaient amplement. Ses yeux et aussi cette manière qu'il avait de l'embrasser, songea-t-elle lorsque ses lèvres se posèrent une nouvelle fois sur les siennes. Objectivement, il lui était impossible de décréter qu'il avait quelque chose de plus que la moyenne, mais l'idée que n'importe qui puisse ressentir une telle panoplie d'émotions en embrassant une autre personne lui échappait ; Porco était forcément spécial. Autrement dit, elle n'était encore qu'une adolescente amoureuse qui ne comprenait pas grand chose à la complexité des sentiments humains.

𝗟𝗔 𝗣𝗟𝗔𝗖𝗘 𝗗𝗘𝗦 𝗠𝗢𝗥𝗧𝗦 ; porco galliardOù les histoires vivent. Découvrez maintenant