Ça n'allait pas.
Taehyun était bien conscient que son moral n'était pas au meilleur ces derniers mois, mais là, ça n'allait vraiment pas.
Il ne savait pas exactement pourquoi. Il ne savait pas quoi, dans son quotidien monotone, avait pu changer ainsi et le rendre aussi désespéré. Ça aurait même dû être l'inverse ; il recommençait à s'entendre bien avec Soobin, Madame Lee avait enfin commencé à lui foutre la paix depuis son passage surprise chez lui, il avait maintenant un travail fixe, et ses entretiens avec le personnel de la prison se faisaient de plus en plus espacés. Techniquement, il n'y avait aucune raison pour que son monde s'effondre à nouveau.
Et pourtant.
En se réveillant ce matin, Taehyun n'osa pas se lever. Les battements de son cœur résonnaient désagréablement contre ses tempes, comme un rythme oppressant qui l'empêchait peu à peu de respirer. Tout d'un coup, la simple idée d'aller travailler semblait le tuer, de la même manière que la pensée de suivre le cours de sa journée pour rentrer le soir et retrouver à nouveau son minuscule appartement vide lui donnait le vertige.
Il essaya de penser à Soobin pour se raccrocher au réel, comme il le faisait souvent quand ses pensées devenaient trop noires et sa solitude trop pesante ; rien à faire. L'image de son ami d'enfance lui parut floue, trouble, et encore plus meurtrière. À cette heure-ci, Soobin devait déjà être avec des camarades de sa fac à rigoler. Il le serait encore ce midi. Et même ce soir, où il irait sûrement boire un verre avec eux.
Soobin avait une vie.
Soobin s'était construit une existence à laquelle il n'appartenait pas.
Soobin n'avait pas besoin de lui.
Ici, personne n'avait besoin de lui.
Mais Taehyun, lui, il avait cruellement besoin de quelqu'un.
Il avait besoin de se sentir exister, être. C'était devenu viscéral, vital, et ça le prenait soudain aux tripes sous la forme d'une peur bleue qui l'empêchait de poser ne serait-ce que le moindre orteil en dehors de son lit.
Dehors, c'était vain.
Dehors, c'était vide.
Dehors, c'était tout le néant de son existence qu'il rendrait à nouveau réel s'il se levait.
Là, allongé dans les draps moites de son lit qui lui collaient à la peau à cause de sa transpiration, Taehyun avait l'affreuse sensation que plus rien ne l'attendait. Que s'il bougeait le moindre orteil, il se ferait aspirer par le néant de sa propre existence, et qu'il s'effacerait alors comme ça, simplement, sans que personne ne soit là pour se souvenir de lui ou le regretter.
Ses pensées s'agitèrent dans sa tête, incontrôlables, frénétiques. Il pensa à Yeonjun. Ce garçon qui avait sans aucun doute été ce qu'il avait eu le plus proche d'un ami ces dernières années, mais qui devait probablement déjà l'avoir oublié et accepté le fait qu'ils ne se verraient plus. Il pensa au gardien de prison qui s'était occupé de lui toutes ces années. Il lui avait dit qu'il ne voulait plus le revoir, lui aussi ; il l'avait déjà effacé de sa vie. Il pensa aux autres. À ceux qui l'intimidaient, ceux qui le frappaient, ceux qui l'ignoraient, ceux qui se moquaient de lui, ceux qui le blessaient, ceux qui le détruisaient, et qui pourtant lui manquaient plus que jamais.
Il pensa à sa mère.
Et il éclata en sanglots.
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Ce matin, Soobin est arrivé avec un gigantesque sourire aux lèvres.
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Les jours perdus || Taebin
FanficÀ 15 ans, Kang Taehyun était admis dans un centre de redressement pour mineurs. À 18 ans, c'est la prison qui l'accueillait pour y purger une peine de 3 ans. Alors, lorsqu'à 22 ans il retrouve enfin sa liberté, plus rien ne l'attend en dehors des ba...