Des antidouleurs et de la pizza

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Assise par terre, à même le plancher usé de la librairie, Edna essayait tant bien que mal de retenir ses larmes. La douleur l'assaillait dès qu'elle essayait de bouger le bras gauche, tellement vive qu'elle n'osait plus bouger. Elle resta immobile, les dents serrées, à observer son poignet sur lequel l'étagère était tombée : il n'était pas beau à voir, et s'il ne saignait pas, sa peau virait au bleu avec une rapidité alarmante.

Elle jeta un coup d'œil à l'horloge. L'heure de la fermeture approchait, son téléphone était dans le tiroir du comptoir qui lui semblait horriblement loin. Sa tête tournait, elle ne pouvait pas envisager de se lever tout de suite sans défaillir. Elle décida d'attendre quelques minutes en espérant retrouver un peu de force.

La clochette de la porte d'entrée finit par tinter et elle soupira de soulagement. Quelqu'un allait l'aider à se relever et elle allait pouvoir appeler un taxi pour aller à l'hôpital.

- Il y a quelqu'un ?

Elle reconnut la voix de Pedro et grimaça.

- Par ici !

Elle entendit l'acteur avancer dans la librairie, et se précipiter lorsqu'il l'aperçu.

- Edna !

Il s'accroupit à ses côtés et en levant les yeux vers lui, elle se sentit immédiatement rassurée. Son regard doux et concerné était braqué sur elle, une ride d'inquiétude barrant son front. Elle tenta un sourire, sans doute pitoyable avec ses yeux rouges et gonflés de larmes et lui indiqua d'un mouvement du menton l'étagère en bois dont l'une des rangées était arrachée.

- L'étagère s'est décrochée sur mon bras, je crois que je me suis blessée.

Il la dévisagea un instant en silence. Malgré la douleur, elle réalisa lorsqu'il se pencha sur son poignet pour l'inspecter qu'ils n'avaient jamais été aussi proches. Elle pouvait sentir l'odeur du cuir de sa veste, la chaleur qu'il dégageait, et quand ses doigts épais effleurèrent son bras avec délicatesse, elle frissonna. Il se recula vivement, pensant sans doute qu'elle réagissait à la douleur. Il se racla la gorge.

- Je pense que ton poignet est cassé. Ça fait longtemps que tu es là ?

Il parlait avec douceur, la regardant droit dans les yeux. Elle avait l'impression d'être le centre de son univers, et à cette pensée, elle sentit son estomac faire un bond dans son ventre. Elle se ressaisit.

- Une vingtaine de minutes. Je dois fermer la librairie, si tu peux juste m'aider à tout éteindre et à ramasser ces livres, je vais appeler un taxi et j'irai à l'hôpital ensuite.

Pedro ne répondit pas, mais glissa son bras dans le dos de la jeune femme pour l'aider à se relever. Elle se sentit soulevée du sol et n'eut pas vraiment besoin de fournir un effort : elle se retrouva debout contre lui, sa joue appuyée contre le cuir de sa veste au niveau de son épaule. Ce n'était pas déplaisant. Sa tête tournait un peu, mais il la soutint jusqu'au vieux fauteuil en cuir installé près de la porte d'entrée, où elle s'assit. Dehors, la nuit était tombée.

- Tu es toute pâle, j'ai peur que tu t'évanouisses d'un instant à l'autre. Essaie de respirer calmement et surtout, ne bouge pas.

Il alla derrière le comptoir et continua de parler, toujours sur le même ton rassurant.

- Voilà le plan : tu restes assise là le temps que je ferme la librairie et que je cherche ma voiture, et je t'emmène moi même à l'hôpital ensuite. Comment ça s'éteint, ce machin ?

Edna ne put s'empêcher de rire en le voyant batailler avec l'ordinateur. Elle lui donna les consignes pour l'éteindre et pour couper la ventilation et les lumières dans le fond du magasin. Il lui apporta son sac, sa veste, son téléphone et un verre d'eau.

Un été anglaisOù les histoires vivent. Découvrez maintenant