Un été anglais

Un hiver californien

Edna ajusta son sweat sur ses épaules. Il faisait froid, dans l'avion, la climatisation soufflait fort, et cela faisait plus de six heures qu'elle était immobile sur son siège.
Elle se rappela qu'il y avait une couverture dans le petit placard à côté d'elle et se maudit de ne pas y avoir pensé plus tôt. Elle s'emmitoufla dedans et elle soupira de soulagement, enfin au chaud.

Pedro avait insisté pour lui payer son billet d'avion et il était hors de question pour lui qu'elle voyage ne voyage pas en première classe.
Avec émerveillement, Edna avait donc découvert en montant dans l'avion qu'un véritable cocon l'attendait: un siège confortable qui s'abaissait pour faire un lit, un écran de taille plus que raisonnable pour regarder des films et un repas de bien meilleure qualité que ceux qu'elle avait l'habitude de manger en avion. On lui avait même proposé une coupe de champagne.

Malgré tout ça, impossible de trouver le sommeil. Elle était surexcitée par ce nouveau départ. Complètement paniquée aussi, il fallait bien l'admettre.

Les dernières semaines avaient été chargées et elle n'avait pas eu le temps de se poser trop de questions, absorbée par les préparatifs pour ce changement de vie.
Elle avait trouvé assez facilement une locataire (une jeune femme qui arrivait d'Espagne pour travailler dans la finance à Londres) pour occuper son appartement, ce qui lui assurait un revenu mensuel confortable. Grâce à cela, et à Pedro qui refusait catégoriquement qu'elle lui paye un loyer, elle allait pouvoir se consacrer quelques mois à l'écriture de son nouveau roman sans s'inquiéter de ses finances.

Elle avait stocké la plupart de ses affaires dans un box, et vendu ce qui ne lui servait plus. Après quelques jours passés en France pour les fêtes de Noël avec sa famille, elle avait rempli sa plus grosse valise de vêtements d'été et de quelques livres et s'était envolée pour Los Angeles.

Elle s'agita sur son siège, fébrile et impatiente. C'était un pari risqué, de partir vivre à l'autre bout du monde avec un homme qu'elle ne connaissait que depuis quelques mois, elle le savait. Ils en avaient beaucoup discuté. Pedro avait insisté sur les contraintes qui allaient avec son métier et sa notoriété, et Edna avait pris le temps d'y réfléchir avant de faire sa valise.

Première contrainte: il serait souvent absent. Elle arrivait dans une ville inconnue et immense, il faudrait qu'elle parvienne à se créer un cercle d'amis pour ne pas être isolée. Si j'ai réussi à le faire à Londres, se dit elle, j'y arriverai à Los Angeles.

Deuxième contrainte: ils seraient scrutés par les paparazzis. Pedro le vivait plutôt bien, mais elle savait que la moindre sortie qu'elle ferait en sa compagnie serait photographiée et disséquée. Tu seras peut-être aussi ciblée quand je ne serai pas là, l'avait-il avertie. Edna ne savait pas comment elle réagirait à cela, mais encore une fois elle s'en était sortie à Londres, et les paparazzis anglais n'étaient pas réputés pour leur gentillesse.

Et enfin, troisième contrainte et pas des moindres: il faudrait composer avec les fans de Pedro. Elle appréhendait un peu cette contrainte là, car elle avait peur de ne pas être appréciée par ses admirateurs. Pedro mettait un point d'honneur à toujours donner de son temps: il acceptait volontiers autographes et photos et n'hésitait pas à prendre quelques minutes pour discuter si l'occasion le permettait. C'est quelque chose qu'elle avait toujours apprécié chez lui, sa gentillesse et son côté terre à terre. Mais elle se sentait un peu mal à l'aise à attendre à côté, prenant parfois les photos ou se retrouvant à devoir répondre à des questions embarrassantes ("c'est un bon coup?" avait été la question plus mortifiante. Pedro avait coupé court à la conversation).

Une voix grésilla dans le haut parleur au dessus de sa tête, la sortant de son train de pensées.

"Mesdames et Messieurs, ici votre commandant de bord, nous survolons à présent l'espace aérien des États-Unis. Arrivée prévue dans trois heures à Los Angeles, à 6h30 heure locale. Température annoncée 18°, ciel dégagé. "