La Seconde Option: Les Ombres de l'Empire

Chapitre second: La Vérité

Il est des jours que la conscience humaine ne peut aisément oublier. Des choses gravées en chacun de nous, des souvenirs, l'héritage d'un passé lointain qui n'est plus et ne sera plus. Telle est la beauté de se remémorer hier. Il s'agit d'une chose qui ne changera jamais à travers le temps, l'histoire, l'espace et le monde. Cet héritage témoin de nos origines que les hommes les plus brillants du siècle s'évertuaient à recomposer.

  Monsieur De Clairon était l'un d'entre eux. Sa nature exploratrice ne l'avait fait reculer devant rien et avait fait sa richesse et sa gloire. Il foulait aujourd'hui les premières terres civilisés du monde, le berceau de notre civilisation, qu'il avait tant chéri et étudié que son histoire faisait désormais pleinement partie de lui. Il était encore jeune, et le savait ; ce qui était d'autant plus précieux que ce passé, c'était le futur de l'humanité. Futur que ses ancêtres avaient façonné pour devenir aujourd'hui. C'était désormais à son tour de faire partie de cette longue histoire. Il voulait mettre sa main à la patte, écrire l'avenir, et transmettre le passé au futur.

  Il voulait être un symbole pour les futurs générations. Il voulait qu'on se souvienne de sa trace encore mille ans, voire plus encore. Mais la tâche n'était pas si aisé.

  Celui qui l'inspirait, il l'avait en face de lui, ce grand héros, qui vécut il y a 400 ans. Son plus grand désir avait toujours été de devenir un guide comme lui. La statue de Thyseos, l'Unificateur. Celui qui intervenait pour rallier même les causes les plus opposés, celui qui façonnait la paix, celui qui construisait le monde. Il symbolisait l'union, la paix, l'amour, l'avenir. Le lieu idéal pour cette formidable scène dont l'historien serait l'auteur : il prévoyait de demander ici, sa compagne en mariage sous le regard de son dieu Thyseos.

  Tout était prévu : chaque mot, chaque détail, chaque mouvement de son visage. Seule la réaction de la femme qu'il chérissait tant lui était inconnue, accentuant la magie de la chose. Il voulait lui en faire un moment magique, parfait, unique, qu'elle ne vivrait avec nul autre homme que lui. Il voulait s'imposer dans la mémoire de la femme qu'était Gabrielle De Hursie, un être unique, à part, qui serait son complémentaire parfait sur le trône du monde. Rien que posséder son cœur ferait de lui un héros digne de Thyseos.

  Il sortit alors le grand jeu, et amena sa compagne dans sa magnifique demeure, donnant vue sur le majestueux golfe Hersique. Il s'agissait d'une région montagneuse, au centre du monde, qui se découpait sous des centaines de péninsules regroupés en une seule gigantesque. On disait souvent de cette région qu'elle était l'une des plus belles au monde, et très jeune, Jules s'était enfui pour se le confirmer, dès lors, il était tombé amoureux de ce monde unique trônant au milieu des terres comme des mers.

  L'Empire Hersheth était ce genre de nation désirée par tous les êtres de cette Terre. L'une des cinq grandes nations composants le plateau géopolitique, monopole du monde financier, de l'art sous toutes ses formes et d'une puissance militaire conséquente qui lui valut plusieurs siècles de paix. Il s'agissait d'un symbole pour tous, dans lequel Jules s'était installé pour écrire le début du récit de son existence.

  C'est dans cette région merveilleuse qu'il découvrit un jour une femme qui l'était tout autant. Gabrielle venait de Hursie, un pays ravagé par les pillards et les attaques barbares, un peu plus au Nord, par-delà les montagnes. Elle était d'une ouverture d'esprit peu commune, surtout pour son âge. Du haut de ses 20 ans, elle composait une femme merveilleuse qui n'avait pas laissé insensible le cœur de l'historien, qui s'approchait dangereusement de la quarantaine.

  « Je te présente l'Unificateur. Celui qui a, fut un temps, rallié les nations, uni les hommes, et vaincu la guerre. Celui que l'on nomme Thyseos. Le guide de tout être. » lui souffla-t-il.